Afin de mieux pouvoir profiter des escales et de rendre les longues navigations moins ennuyantes pour les filles, nous décidons de nous rendre de nuit à Porto. En outre, cette navigation de 70 miles nautiques représente environ 10 à 12 h. Par conséquent, si nous partions le matin, nous risquerions d’arriver de nuit, ce qui n’est pas recommandable lorsque l’on ne connaît pas l’endroit où l’on atterrit. Nous partons donc de la magnifique île de Cies vers 20 h, après avoir soupé. Le vent s’est bien établi dans l’après-midi et devrait nous permettre d’effectuer cette navigation assez rapidement. Le ciel est très clair, ce qui est aussi un avantage pour bien voir les éventuels bateaux sur notre route. Seule la houle n’est pas idéalement orientée. Le vent de secteur Nord ne soufflant pas depuis très longtemps après un bon coup de vent du Sud-Ouest, la houle a encore une composante Ouest importante, c’est à dire de côté pour nous qui nous dirigeons plein Sud. Concrètement, ça veut dire que le bateau roule beaucoup sur le côté et, au passage d’une vague plus grosse que la moyenne, certains objets commencent à voler dans le bateau. C’est loin d’être idéal et nous allons donc initialement plus au large que la route directe le préconiserait afin de pouvoir ensuite tourner franchement vers le Sud. J’empanne vers 23h30 et à partir de ce moment, tout devient plus fluide et doux. Les 4 prochaines heures de navigation sont magnifiques : Une fois la lune couchée vers minuit, la voie lactée se dévoile de plus en plus et nous voilà bientôt accompagnés de dauphins! Étonnamment, nous les voyons très bien la nuit. En effet, comme ils nagent en surface, les traits d’écume qu’ils font s’illuminent avec la clarté de la nuit. C’est fascinant de voir ces traits lumineux autour du bateau. Tantôt un seul, tantôt deux ou trois, parallèles venant tangenter notre trajectoire et repartir de plus belle. Ce spectacle cessera lorsque nous ne serons plus assez intéressants à suivre pour les dauphins car trop lents. En effet, le vent faiblit progressivement jusqu’à mourir vers 5 ou 6 heures du matin. Pourtant, je n’ai pas ménagé mes efforts en changeant la voilure, installer le tangon pour soutenir le génois, etc. De nuit, seul, c’est long et fatigant car on doit tout faire en étant attaché aux lignes de vie, en redoublant de précaution. Nous ferons donc quelques 2 heures de moteur à la fin pour rejoindre notre destination, le port de commerce de Lexoeis. Nous l’avons privilégié à la marina de Porto par souci d’économie : La marina de Porto nous coûterait 60 euros la nuit (!!!!), alors qu’à Lexoeis, nous pouvons ancrer dans l’avant-port de cet immense port de commerce. Nous y jetons l’ancre vers 8h30, c’est à dire entre l’immense digue du port de commerce le long de laquelle sont amarrés 2 super tankers et la digue du port de plaisance. Nous y retrouvons le bateau de Lucia et Peter, rencontrés au mouillage de Baiona pendant le coup de vent du début de semaine. Pendant que les filles et moi-même déjeunons, Daphné retourne dormir un peu. Ensuite, ça sera mon tour de me reposer avant d’attaquer la journée et d’aller visiter Porto cet après-midi. Nous assistons au ballet des énormes cargos qui, étonnamment, manœuvrent seuls dans le port et assez discrètement : Nous ne verrons même pas les 2 super tankers partir alors que nous déjeunions dans le carré.
Après un excellent déjeuner de tapas au soleil, nous partons à la découverte de Porto. Nous ne savons vraiment pas quoi attendre de cette visite car plusieurs navigateurs qui y sont passé ne nous ont pas donné de très bons commentaires. Comme nous ne sommes pas du genre à potasser longuement les guides touristiques et planifier nos sorties, nous partons à la découverte de Porto (et du Portugal) à l’instinct et pleins de curiosité. Il s’agit d’une véritable expédition qui commence par ramer jusqu’à la digue du port de plaisance, escalader 4 ou 5 mètres dans une échelle de métal toute rouillée à laquelle il manque la moitié des barreaux, marcher jusqu’à l’arrêt de bus, l’attendre 50 minutes et finalement passer 45 minutes dans le bus pour atteindre le centre-ville de Porto. Ouf! Les filles m’ont vraiment impressionné dans l’échelle car c’était vraiment scabreux, en particulier à leur taille. Nous arrivons à Porto vers 15 heures, sous la grosse chaleur. Comme demain c’est Dimanche, nous essayons de privilégier aujourd’hui les quartiers commerçants qui seront certainement plus vivants aujourd’hui. En outre, nous devons trouver le Swatch Store pour trouver notre cadeau d’anniversaire à Phoebé. Notre première visite est celle d’une belle église (Igreja do Carmo) décorée dans la plus pure tradition portugaise: De la céramique peinte (Azujelos). À l’origine, ce sont les Maures qui ont importé cette influence artistique. En découvrant la ville, nous allons vite réaliser que la majorité des façades en sont couvertes, qu’elles soient uniformes ou ornées de motifs. L’autre caractéristique du style portugais est le fer forgé qui cernent les petits balcons des immeubles. Ceux-ci sont en général très étroits et assez hauts, au moins 4 ou 5 étages. Ces éléments architecturaux associés au dénivelé important des rues créent des perspectives très pittoresques. Il ne faut pas imaginer pour autant beaucoup de consistance dans l’urbanisme de la ville ou dans l’état de ses bâtiments. À Porto, le meilleur côtoie le pire, le plus élégant jouxte le plus insalubre. Même la majestueuse avenue que surplombe l’immense mairie de Porto n’échappe pas à la règle : Les magnifiques immeubles baroques qui la longent cachent des bâtiments en état de délabrement avancé. Aux balcons, le fer forgé et les fleurs se mêlent aux antennes paraboliques et fils en tous genres et les fenêtres ornées de céramiques séculaires se ferment souvent avec des volets en plastique. En tout cas, un charme bien particulier se dégage de cette ville, vivante, pleine de petits commerces et de restaurants. Sachant que le Portugal est un des pays les plus pauvres d’Europe, nous nous attendions à une réelle apparence de pauvreté et à une ville vieillotte. C’est tout le contraire en fait, peut-être car le Portugal est aussi le pays où la moyenne d’âge est la plus basse d’Europe: Du wifi dans les bus, des cafés mêlant architecture moderne et ancienne, un marché de produits régionaux avec un DJ et un salon lounge dans le milieu. Bref, ça n’est peut-être qu’une impression pour les touristes que nous sommes, mais le Portugal semble embrasser le XXIème siècle avec beaucoup de style. Alors que les espagnols se rencontrent dans les taperias, ce sont dans les pastelerias (pâtisseries) que les Portugais se retrouvent entre amis ou en famille. Certes, comme toute pâtisserie, on peut acheter pour emporter, mais les Portugais aiment y déguster leurs spécialités avec un café ou un cocktail. Ébahies devant tant de pâtisseries appétissantes, Éléa et Phoebé se font offrir des petits sablés par le propriétaire d’une pasteleria. C’est ensuite au tour des adultes de déguster du Bolo de Reis, pâtisserie de Noël aux fruits confits. Finalement, il nous offrira à tous les 4 une pastel de Nata, petite tartelette à la crème pâtissière. Quelle générosité ! Nos premiers contacts avec les Portugais nous montrent aussi que nombreux sont ceux qui parlent un peu Anglais ou Français. C’est une bonne surprise car le Portugais n’est pas aussi facile à appréhender que l’Espagnol. C’est certainement une raison pour laquelle les Portugais s’efforcent de parler les langues étrangères les plus utiles pour accueillir les touristes. D’ailleurs, nos errances dans la ville nous amène de plus en plus vers les coins touristiques. On s’aperçoit alors qu’il y a beaucoup de touristes venant de toute l’Europe qui viennent visiter la vieille ville mais surtout le port sur le Douro et sa rive opposée où sont situées toutes les grandes maisons de Vin de Porto. Découvrant graduellement tous les attraits touristiques de la ville, nous décidons de revenir demain pour visiter la basse-ville et les abords du Douro. Nous finissons notre journée par un tour en autobus touristique qui nous permet de reposer nos jambes. Cet autobus nous servira aussi de moyen de transport pour rentrer vers le port où nous sommes ancrés et pour revenir demain à un meilleur tarif que l’autobus « normal ». Après un bon restaurant de grillades au feu de bois, aussi une spécialité portugaise, nous rentrons vers Lexoeis. Re-attente du bus, re-long trajet puis retour à pied. Il est alors minuit lorsque nous arrivons en haut de l’échelle – ou ce qui en reste – pour embarquer dans le dinghy. Par sécurité, j’épargne cette dernière épreuve aux courageuses filles et je fais le tour à la rame pour aller les chercher sur un quai de la marina. Ouf ! Quelle journée !
Dimanche matin, nous commençons tranquillement la journée en regardant le ballet des bateaux de croisière et porte-containers dans le port. Nos amis anglais sont déjà partis lorsque nous finissons notre déjeuner. Nous ne sommes vraiment pas sur les mêmes horaires ! Nous repartons en fin de matinée à l’assaut de l’échelle infernale. Cette fois-ci nous nous rendons en ville grâce au bus touristique qui nous permet de découvrir les belles plages situées au Nord de Porto et les quartiers qui longent le port. Dès le matin, le quartier est déjà embaumé de fumée des braseiros (barbecues géants) et d’odeur des sardines grillées! Arrivés en ville, nous montons au sommet du clocher d’une belle cathédrale (Torre dos Clerigos) d’où nous avons une vue superbe sur toute la ville et surtout sur le Douro. Nous descendons vers le port via de minuscules ruelles qui nous abritent de la chaleur. Arrivés sur le port, changement de décor vis-à-vis de la veille : La population est 99% de touristes et les restaurants pour touristes sont collés les uns aux autres sur toute la longueur. Certes, c’est très beau avec ces immeubles typiques, les quais du port surplombés d’arches en pierre, mais trop touristique pour nous. Nous traversons à pied pour se rendre sur la rive sud du Douro où sont situés les entrepôts de Porto. Nous savons que ça sera tout aussi touristique en face, mais nous voulons visiter une de ces caves renommées. Nous traversons le Douro sur un beau pont métallique d’où nous pouvons voir le Ponte do Infante que l’on doit à Gustave Eiffel. Lorsque ce dernier l’a conçu, c’était la structure métallique ayant la plus grande portée jamais bâtie. Il répétera l’expérience en France avec le viaduc de Garabit. Après un lunch tardif d’accras portugais (ils ne valent pas ceux de Guadeloupe, mais la morue reste une spécialité portugaise!), nous nous promenons sur le bord du Douro où sont amarrés les bateaux qui auparavant servaient au transport du précieux vin depuis les coteaux du Douro, en amont, vers les entrepôts situés sur la colline face à la ville de Porto. L’exposition nord permet d’obtenir la température et l’humidité idéale pour le vieillissement de ce vin mondialement réputé. Nous allons ensuite visiter les caves de la maison Cockburn’s. L’endroit est très stylé même si peu de choses y ont changé depuis plusieurs siècles. Certainement pas les immenses foudres ou les fûts dans lesquels vieillit le Porto. Un guide nous explique les différents types de Porto et leur classification. À notre grand étonnement, certains portos y vieillissent depuis plusieurs décennies, voir un siècle! L’atmosphère dans les entrepôts est très particulière. Le sol est entièrement pavé de pierres blanches et noires alors qu’une fine lumière filtre par les clairevoies des toits et vient légèrement éclairer les interminables allées de tonneaux dans lesquels sommeillent Tawnys et Rubys de tout âge. Cette atmosphère semble intemporelle et je m’y attarde alors que le groupe s’éloigne vers la sortie. La perspective de la dégustation me presse à les rejoindre. Si vous vous rappeler mon SADF (système avancé de détection des fuites) à bord de Korrigan, sachez que les entrepôts en sont aussi pourvus : Des petits cailloux blancs sont épandus au pied des foudres centenaires et trahissent immédiatement la présence d’une fuite. Intervient alors l’équipe de tonneliers maison. 6 travaillent à temps plein dans l’entreprise. La dégustation terminée, nous reprenons le chemin du centre de Porto pour rentrer vers Lexoeis. Bien que revenus plus tôt qu’hier, nous arrivons quand même de nuit au quai où nous avons laissé notre dinghy. Mauvaise surprise : Une grille hérissée de pics nous barre la route. Une épreuve supplémentaire. Avec toutes les précautions qui s’imposent pour préserver ma virilité, je l’escalade et repart faire le tour du quai à la rame pour récupérer les filles à l’intérieur du port de Plaisance. C’est une expérience particulière que de ramer de nuit dans un minuscule bateau gonflable en longeant cargos et autres monstres des mers. En bateau, les trajets à terre se transforment un peu en épreuve de Super Mario où vagues sournoises sur la plage, moules et oursins, échelles rouillées et grilles cadenassées vous attendent à chaque épreuve.
Lundi matin, un gros programme, non touristique, nous attend : École, mise à jour du blog, courses chez Décathlon et Ikéa. Comme si ça n’était pas assez, une bonne surprise vient se greffer à cet emploi du temps chargé : J’avais envoyé hier un courriel à tout hasard à un vieil ami d’école secondaire, Roger, né en France d’origine portugaise, reparti vivre au Portugal il y a une vingtaine d’années. Je ne l’ai pas revu depuis que j’ai quitté le lycée et le hasard veut qu’il revienne de vacances aujourd’hui et vient d’atterrir à Porto ! Nous nous retrouvons pour partager un excellent repas dans un restaurant juste à côté de la marina. Ce sont de belles retrouvailles avec cet ami de qui j’ai été très proche pendant toute mon adolescence. Il vit maintenant dans le sud du Portugal avec son amie qui, elle aussi, est d’origine Portugaise, née en France puis retournée au pays à l’âge adulte. Comme nous voulons partir ce soir pour continuer notre route vers le Sud du Portugal, nous prenons congés en milieu d’après-midi après qu’ils nous aient déposés devant le Decathlon, situé non loin de notre port. Nous y faisons quelques courses express, ainsi qu’à IKEA et à Toy’r Us. La mondialisation a quand même des bons côtés….Par contre, les nombreuses dépenses du dernier mois ont pesé fort sur la carte de crédit qui refuse de coopérer. Malgré tout, on paye nos achats et repartons avec en tout et pour tout 60 euros en liquide…Heureusement, nous avons pas mal de réserves à bord car la fin du mois est encore loin…. De retour au bateau, nous préparons le bateau à la hâte pour rejoindre notre prochaine étape, Peniche, située à environ 120 miles nautiques d’ici. Nous y retrouverons certainement nos amis Anglais qui sont déjà partis. C’est dommage mais nous ne nous serons presque pas vus lors de cette étape chargée. Un solide vent du Nord et du temps clair étant prévus, cette navigation devrait être rapide et agréable.
Les Photos
Bonjour ,
que d’aventures avec cette satanée échelle . Que vos écrits sont beaux et que les photos sont belles ; Bravo , bon vent .
Grosses bises à tous les quatre .
Vu votre blog.
Très intéressant avec une rédaction proche du Jules VERNES.
Grosse bises
Max
Merci Max du commentaire… Je vais rougir, surtout quand il s’agit de l’auteur qui m’a fait voyagé pendant toute mon enfance ! En tout cas, j’ai beaucoup de plaisir à vous partager ce que nous vivons…et ça ne fait que commencer ! Bises, Olivier
Bonne route! Merci de partager votre voyage.
Thomas
Merci ! Content de te lire. Olivier