Mercredi matin, je retourne à terre, à Alvor, pour prendre les derniers fichiers météo afin d’avoir avec nous les plus récents pour partir. En effet, nous avons un peu pris notre temps pour activer la carte SIM de l’Iridium et nous n’aurons donc pas d’Iridium avec nous pour ce trajet. J’en profite aussi pour envoyer un petit message aux parents pour leur confirmer notre départ. Tout ça va très vite lorsqu’on connait quelques codes de réseau wifi en ville. Les prévisions météo n’ont pas changées: Il y a toujours une mince fenêtre météo qui peut nous permettre de rallier les Canaries cette semaine. Certes, ça n’est pas idéal car les prévisions ne sont pas très solides mais les prévisions de la semaine prochaine ne semblent pas garantir non plus un trajet rapide. Le début devrait se passer sans trop de problème, mais à partir de vendredi soir ou samedi, le vent devrait devenir très faible puis s’inverser sous l’effet d’une dépression arrivant sur le Portugal. Cependant, si nous conservons une bonne vitesse d’ici là pour ne pas perdre le flux de bon vent du Nord-Est, ça devrait bien aller. Le risque réside dans le fait qu’il s’agit d’une longue navigation (540 miles nautiques) qui prendra 4 à 5 jours. La météo a le temps de changer, en notre faveur ou non, car les prévisions sont réputées fiables seulement pour 48 heures et indicatives à un horizon de 96 heures.
Nous avons choisi de partir à la mi-journée pour 2 raisons: sortir de la lagune d’Alvor à marée haute et traverser la ligne de séparation du trafic (sujet que j’expliciquerai plus loin) de jour.
De retour au bateau, les filles sont déjà en train de tout ranger en prévision de la traversée. Il y a pas mal de réorganisation à faire dans un bateau pour passer du mode « mouillage » au mode « navigation ». Vers 11h, nous sommes fins prêts, le dinghy est plié, rangé sur le pont, les planches de kite et de surf confortablement installées sur notre couchette avant (inutilisable en mer de toute façon) et les équipets sont soigneusement rangés pour éviter que nos épices et condiments se transforment en projectiles. Nous relevons l’ancre et Daphné navigue prudemment entre les bancs de sable, maintenant mieux connus, vers la sortie de la lagune. Vers l’entrée de celle-ci, nous ralentissons en nous approchant de Sula. C’est ici que nos routes se séparent. Peut-être nous reverrons nous dans un an car ils comptent aller assez rapidement vers Panama l’an prochain, ayant déjà navigué beaucoup dans les Caraïbes lors de leur précédent voyage. Embrassades à distance et nous partons vers le large. Les filles commencent à s’habituer au principe de se faire des amis temporairement et de devoir les quitter. Même si nous faisons confiance aux prévisions de vent, c’est le calme plat complet lorsque nous sortons de la lagune. Nous voulons de toute façon aller au moteur jusqu’à la sortie de la grande baie de Lagos ou nous aurons une meilleure assurance de toucher du bon vent sans perdre de temps sur notre planning. Encouragés par notre expérience de pêche dans le coin, nous mettons la ligne à l’eau. Un client ne tarde pas à se montrer: Une belle bonite, similaire à celle que nous avons pêchée. Malheureusement, celle-ci se décrochera au dernier moment. Il faut dire que ça n’est pas évident de la remonter à bord avec la gaffe vu comment la bestiole se débat en approchant la surface. Déçus, nous remettons la ligne à l’eau et essayons de trouver une meilleure stratégie pour la prochaine fois. L’attente sera courte et après une demi-heure, un client similaire se manifeste. Cette fois-ci, nous prenons notre temps pour la fatiguer un peu et à l’aide du seau, nous la remontons à bord. Celle-ci mourra en douceur avec de l’alcool à 90 degrés dans les ouïes. Finies les scènes de film d’horreur dans le cockpit. Elle fait environ 3 kilos, ce qui garantit nos repas des 2 prochains soirs. Pour ce soir, Daphné tient à faire des sushis. Miam! Après environ 1h30 de moteur, le vent se lève et s’oriente rapidement au travers puis largue. C’est une allure idéale qui permet à Korrigan de cavaler à plus de 7 nœuds. Super! Ça commence bien, à ce rythme, nous devrions rester dans le flux de bon vent qui nous pousse vers les Canaries.
Rapidement, le trafic de cargos s’intensifie. Ceux-ci sortent de la méditerranée et contournent le Cabo Sao Vincente pour remonter vers l’Europe du Nord et vice-versa. Pour éviter un chaos assez risqué, ce genre d’endroits (comme à la pointe de la Galice, de la Bretagne ou en Manche) sont pourvus d’un système de séparation du trafic. Il s’agit de voies de circulation virtuelles, visibles uniquement en rose sur les cartes. Nous traversons cette autoroute de cargos le plus perpendiculaire possible, avec l’impression d’être un animal qui traverse une autoroute. Vers 18h30, la traversée est terminée. C’est impressionnant de voir ces monstres de si près, même si le plus proche est passé à moins de 2 miles nautiques de nous, c’est à dire un gros 3 km. Sur la mer, ça semble peu. Entre temps, nous avons la visite d’un groupe de dauphins. Les filles sont ravies car c’est la première fois qu’on les voit aussi bien. En effet, l’eau est déjà d’un bleu pur et profond. Plusieurs d’entre eux viennent jouer avec l’étrave alors que d’autres nous gratifient de jolis sauts en longeant le bateau. En fait, après les cargos, il semble que nous traversons une route de dauphins car plusieurs groupes se suivent, d’Est en Ouest. Même si nous avançons bien, nous recevons une solide houle de coté qui aura raison de Daphné et de sa préparation de sushis. Elle a le mal de mer avant d’avoir fini de tous les rouler. La pauvre ni goutera pas ce soir, par contre, les petites filles qui sont friandes de sushis se régalent (et moi aussi!). La nuit approchant, nous commençons notre routine de quarts avec moi qui commence jusqu’à minuit environ et Daphné qui prend la suite. Contrairement à nos attentes, nous allons encore croiser pas mal de cargos cette nuit, lorsque nous serons dans l’axe Est-Ouest du détroit de Gibraltar. Cette fois-ci, les bateaux que nous croisons arrivent certainement d’outre-Atlantique. Un d’entre eux me donnera une bonne dose d’adrénaline lorsqu’il passe moins d’un mile derrière nous. On a beau faire confiance à l’AIS, la vitesse de rapprochement est très importante dans les dernières minutes.
Voilà d’ailleurs quelques précisions supplémentaires sur l’AIS: Le logiciel de navigation connaissant le cap et la vitesse du navire rencontré et la nôtre, il est en mesure de calculer le CPA « Closest Point of Approach » qui est la distance la plus courte entre les 2 navires si ceux-ci conservent même cap et vitesse. Le délai avant ce point aussi fourni. Ces 2 indicateurs sont représentés visuellement sur la carte (trait pointillé) et servent à activer des alertes sonores lorsque une des 2 valeurs passent sous un seuil prédéterminé. On peut aussi anticiper un danger potentiel et effectuer les ajustements nécessaires pour laisser une distance raisonnable avec un de ces géants des mers.
Le vent continuant à tourner vers l’arrière, j’installe les voiles en ciseau (ou papillon) lors de mon deuxième quart. Évidemment, dans cette configuration, avec du vent relativement léger, notre vitesse chute et nous n’avançons plus qu’à 4.5 ou 5 nœuds. Espérons que le vent ne va pas baisser plus car nous devons faire la majeure partie du trajet sous cette allure, pour rester proche des côtes marocaines le long desquelles le vent du Nord-Est est le plus soutenu. Malheureusement, mes vœux ne seront pas exaucés car nous passons la matinée de jeudi….à décélérer. La houle étant encore forte et orientée un peu de côté, plus le vent baisse, plus les voiles se mettent à claquer (et le gréement complet à vibrer) au passage de chaque grosse vague. Notre réaction tarde à venir: Il faut dire qu’étant seulement 2 équipiers à faire des quarts, nous ne dormons pas plus que 4 heures par nuit, en 2 fois. Par conséquent, la journée est ponctuée de siestes pour récupérer. Ça n’est donc qu’à mon réveil, vers 15 heures que nous faisons 2 constats: Le premier étant que les prévisions météo ne sont pas confirmées: On devait avoir du vent soutenu encore au moins pour 24 heures. Le second étant que cette route n’est plus envisageable. On ne peut rester vent arrière avec un vent aussi léger. Pour que le reste soit compréhensible par tous, je vais faire une petite parenthèse d’aérodynamique, forte importante sur un voilier: Le vent reçu par les voiles est la résultante de 2 composantes:
Le vent réel, c’est à dire celui ressenti par un observateur à l’arrêt comme la mouette posée sur l’eau à côté de nous.
Le vent vitesse qui est généré par la vitesse du bateau: Le même 15 km/h de vent que l’on ressent à bicyclette lorsqu’on roule à cette vitesse. Par nature, ce vent nous arrive toujours tout droit dans la face.
Par conséquent, lorsque nous avons le vent dans le dos (vent arrière), le vent vitesse qui vient de face est complètement opposé au vent réel et vient donc le diminuer d’autant. Par conséquent, par un vent de 8 nœuds, si on avance à 4 nœuds, on ne reçoit réellement que 4 nœuds. Ce qui est très peu pour avancer convenablement. A contrario, plus le vent vient de face, plus le vent vitesse tend à s’ajouter au vent réel. Cette petite parenthèse permet d’expliquer que, par vent faible, il vaut mieux se rapprocher de l’axe du vent pour « générer » son propre vent. Fin de la parenthèse, ceux que j’ai perdus peuvent continuer à lire….
Forts de ce constat scientifique, nous hissons le spi et dévions notre trajectoire d’une trentaine de degrés et reprenant ainsi de la vitesse, mais ne sommes plus sur la route prévue. Nous n’allons pas battre des records de vitesse, mais notre grande bulle blanche et rose nous propulse à un bon 5 nœuds tout le reste de la journée. Aujourd’hui, il n’y a pas eu d’école, ça bougeait trop. Il ne faut pas trop en demander à Phoebé. Elle prend un médicament contre le mal de mer quotidiennement et passe la majorité du temps à lire, sauf quand elle joue avec sa sœur qui elle, ne souffrant pas du mal de mer et ne sachant pas lire est par contre victime d’un autre mot: L’ennui. Heureusement, les iPads, les toutous en peluche et les poupées sont du voyage. La soirée est magnifique: Nous dégustons de délicieuses darnes de bonites, en étant sous spi, au beau milieu de l’océan. C’est très chouette. À la fin du repas, tout le monde sort admirer le soleil couchant. Le vent, lui aussi, a décidé de se coucher car il faiblit encore. Tant et si bien que j’abdique vers 23 heures: Le spi ne se gonfle plus et à chaque à-coup menace de se déchirer dans les barres de flèches. Les voiles claquent, tout cogne. Ceux qui connaissent comprendront à quel point c’est insupportable. On tente d’empanner et de partir dans l’autre sens, histoire de voir si, la houle aidant, nous pouvons continuer ainsi. Que nenni. On essaye sans la grande voile. Pas mieux. Sans le spi, avec le génois tangonné, encore pire. Il faut se faire à l’idée absurde de faire du moteur au beau milieu de l’océan. Cette perspective nous rebute fortement. En effet, supporter le bruit du moteur et ses vibrations pendant de longues heures est très pénible et de surcroît casse toute la magie d’être en mer. Par contre, il faut se faire à l’idée qu’affaler et attendre ne présente guère une solution viable: Sans vitesse, on se ferait balloter énormément par la houle et on perdrait toute chance de retrouver du vent, s’il en reste quelque part, en restant en arrière. Ce changement de mode de propulsion nous amène aussi à changer notre rythme de quarts pour essayer de mieux se reposer: Nous faisons de plus longs quarts, 3 ou 4 heures, en faisant des mini-sommes. Avec une alarme toutes les 20 minutes. Pour le trafic, nous faisons confiance aux alarmes de l’AIS que j’ai décrites plus haut. Si l’on dit parfois que la nuit porte conseil, cette nuit-là m’amena plutôt un constat accablant en réétudiant les fichiers météo: Les phénomènes prévus se sont enchaînés beaucoup plus rapidement que prévu et le vent est déjà tombé. On doit donc s’attendre à une bonne période sans vent avant que celui-ci s’oppose, à priori, à notre marche. Zut alors. Quelle déception.
Vendredi matin, la vie s’anime à bord sous le grondement du moteur, un soleil de plomb et une mer d’huile. Seule chose positive, on peut admirer le bleu profond de l’océan. Certes, c’est une première et c’est magnifique mais ça ne nous fait pas avancer vers les Canaries! Au moins, le calme permet de faire une double session de classes avec les filles pour rattraper le retard de la veille. En fin de matinée, lueur d’espoir, un brin de vent se lève. Nous remettons le spi et avançons ainsi quelques heures. Avancer est un bien grand terme, il s’agit plutôt d’une dérive active dans une direction aléatoire mais qui a un gros avantage: Elle n’est pas bruyante et nous permet de profiter un peu du calme et de la sérénité de l’immensité bleue dans laquelle nous sommes. Ce répit ne durera pas plus de 3 heures: Le vent retombe complètement et il faut à nouveau mettre le moteur en route. Pendant ce temps-là, les filles s’abrutissent au iPad et Nintendo DS. Nous ne sommes alors qu’à mi-distance. La perspective de faire les 60 prochaines heures au moteur nous affole….J’essaye de conjurer le sort en relisant mon bouquin de météo et de déceler des signes dans le ciel. Plus concrètement, j’attends aussi sur le NAVTEX (Système radio de réception, aléatoire, de bulletins météo au large). Heureusement, le vent se lève à vers 19 heures….au Sud-Ouest, c’est à dire exactement dans la direction dans laquelle on veut aller. Cet événement présente donc deux facettes: À court terme, c’est positif, car on avance à nouveau à la voile. À moyen terme, cela signifie tirer des bords et on sait combien notre bateau n’excelle pas à cet exercice. Pour le moment, nous profitons de pouvoir souper au calme, alors que le bateau glisse tranquillement à 4 ou 5 nœuds sur une mer très adoucie, même si il subsiste toujours une très longue houle.
Toute la nuit le vent forci. Vers 1 h du matin, Daphné vire pour se rapprocher de la route la plus directe. En effet, la route initialement prévue, qui allait chercher le vent près des côtes du Maroc n’est plus guère pertinente. Par contre, ce bord signifie avancer quasi perpendiculairement à la route vers les Canaries. C’est un peu déprimant. Au moins, on avance…Au cours de la nuit, on réduit 2 fois la voilure, pour être au lever du jour sous 2 ris et le génois enroulé à moitié. Je ne voulais pas aller faire les manœuvres sur le pont avant pendant la nuit pour mettre la trinquette. Inutile de prendre des risques avec notre niveau de fatigue actuel.
Samedi matin, les choses se corsent, la mer est maintenant bien formée et très courte et le vent est maintenant établi à 27-30 nœuds avec pas mal de pluie. Autant dire que le niveau d’humidité dans le bateau est maximal, entre la pluie et les vagues qui passent par dessus le rouf (on a une petite fuite qui gratifie la personne assise à la table de navigation d’un agréable goutte-à-goutte dans le cou…). Si le baromètre est, heureusement, stable, le moral descendra en chute libre lorsque nous virons: Nous profitons du virement de bord pour mettre la trinquette. Le résultat est doublement catastrophique: Nous manquons de puissance, ce qui rend le bateau mou et nous devons solidement abattre car face à la vague, nous n’avançons absolument pas. Devant ce constat accablant, le pilote refuse alors de barrer!! C’est le pompon. Nous voilà donc à tirer des bords carrés (C’est à dire qui ne mène à rien) en s’usant à la barre! On règle une partie du problème en remettant le génois un peu plus tard, mais il faut toujours barrer, sous la pluie et les paquets de mer. Les filles ne décolleront peu de leur cabine, à part pour manger des bols de céréales secs, alors que nous nous relayons à la barre pendant que l’autre essaye de se reposer. On est tous un peu malades et profondément écœurés. Toute la journée, je guetterai des signes encourageants dans le ciel, c’est à dire un dégagement et une apparition de gros nuages convectifs (nuages en boules qui moutonnent en s’élevant dans le ciel). Ceci annoncerait l’approche du front froid et donc la bascule du vent vers l’Ouest qui nous permettrait de reprendre une route à peu près directe. En fin d’après-midi, le vent faibli à 25, puis 20 nœuds. Nous renvoyons un peu de toile au fur et à mesure que le vent faibli. En même temps, à l’Ouest semblent se dessiner les nuages tant attendus. Vers 18h, après que le vent ait considérablement molli, la bascule de vent tant attendu se produit, juste après que nous ayons passé cette première ligne de nuages. Ça finit bien cette journée que nous qualifierons de « purgatoire vers les tropiques ». En effet, nous avons vraiment eu l’impression de souffrir gratuitement….pour n’avancer que de 24 miles nautiques en 18 heures. Heureusement, ce soir, les conditions s’étant considérablement adoucies, nous pouvons nous préparer un bon repas et admirer un magnifique coucher de soleil qui colore d’ocre et de pourpre les gros nuages bourgeonnants.
Comme rien ne devra être simple pendant cette traversée, le vent nous abandonnera à nouveau dans le milieu de la nuit. La mort dans l’âme, nous rallumons le moteur et reprenons notre route et notre semi-sommeil sous la symphonie Yanmar. Le matin, nous découvrons que la ligne de pêche est complètement dévidée (soit un bon 500 mètres de fil!). Un bon 10 minutes est nécessaire pour remonter le tout. Le client n’est plus là, il n’a pas eu la patience de nous attendre. Nous remettons la ligne à l’eau, encouragés par cette touche. À juste titre car dans les 2 heures qui suivront, nous pècherons 2 petits thons de 2 à 3 kilos environ. Parfait pour ce soir! Depuis quelques jours, nous croisons assez fréquemment des cargos mais sans risque de collision car nous sommes sur une route rigoureusement parallèle à la leur. En effet, ceux-ci longent la côte africaine et passent entre le continent et l’archipel des Canaries pour poursuivre leur route vers le Sud. À la mi-journée, Éole nous gratifie d’un léger souffle asthmatique qui déclenche aussitôt une incompréhensible frénésie chez le barbu capitaine de Korrigan (À ce moment-là du récit, je préfère me détacher de cet individu aux yeux cernés qu’une simple ridule sur l’océan suffit à exciter de façon disproportionnée): « Vite, le génois, euh non, ça n’avance pas! On abat et on met le spi. Grrr, il ne se gonfle pas….Ah, si, attends, ça vient, il se gonfle! ». On avance ainsi sous spi quelques heures. Ce désir à tout prix de vouloir avancer à la voile nous écarte du cap voulu. Le vent s’étant suffisamment établi, pas très fort mais régulièrement à 8 nœuds, nous affalons le spi, non sans peine car celui-ci commence à avoir de nombreux tours dans la chaussette, et déroulons le génois. Nous sommes alors en milieu d’après-midi et à environ 115 miles nautiques de notre but. Si le vent veut bien se maintenir, nous pourrions espérer une arrivée en milieu d’après-midi demain, ce qui serait idéal, la prudence voulant de ne pas arriver de nuit dans un endroit inconnu. La soirée est fort agréable, le moral étant revenu au beau fixe, et les assiettes garnies de délicieuses darnes de thon péché du jour. À la tombée de la nuit, le vent a un spasme à 17 nœuds, qui ne manque pas d’affoler le speedomètre, l’assiette du bateau et l’homme de quart en état de léthargie devant Candy Crush. Fausse alerte, le vent redescend pour s’établir à un confortable 12 nœuds. Étant au bon plein, nous avalons goulûment les miles à 6.5 ou 7 nœuds. Seul un grain, juste après que Daphné ait pris son quart, viendra perturber cette nuit. Le vent monte à 25 nœuds. Nous rangeons temporairement le génois, qui sera re-déroulé peu de temps après. Cette nuit encore, nous avons adopté notre nouveau rythme de quarts qui durent maintenant 3.5 à 4 heures pour permettre à l’autre de bien se reposer. Ceci est possible en faisant des petits sommes et en se fiant aux alarmes du logiciel de navigation. Est-ce cela ou le fait qu’après 4 nuits nous nous habituons à ce nouveau rythme de sommeil, mais nous nous sentons beaucoup moins fatigués. Pendant la nuit, le seul autre bateau que nous rencontrons est un voilier australien qui fait une route similaire à la nôtre. Au gré des variations du vent, nous les dépassons ou ils nous rattrapent.
Au lever du jour, comme Éléa est réveillée, nous regarderons ensemble le lever du soleil sous une petite couverture. C’est très beau et agréable de ne plus sentir d’humidité comme toutes les nuits précédentes en mer. La température est aussi déjà confortable et la température de l’océan dépasse allégrement les 22 degrés malgré les 4000 mètres de fond. On approche!! D’ailleurs, vers 10 heures du matin, nous apercevons la terre! La haute silhouette d’une île volcanique se détache sur l’horizon, puis une deuxième et une troisième très petite. Quelle magie d’arriver à la voile (ou presque!) sur un archipel inconnu, au beau milieu de l’océan! Pendant la matinée, je discuterai un peu à la VHF avec le catamaran qui fait la même route que nous. Eux aussi ont prévu, a priori, d’atterrir à Graciosa, toute petite île située juste à l’Ouest de Lanzarote. Eux aussi semblent avoir eu, depuis Gibraltar, une traversée assez pénible, entrecoupée de navigation au moteur et de lutte au près. L’école pour certains, l’écriture ou le crochet pour d’autres n’arrivent pas à atténuer notre impatience d’arriver. Vers 15 heures, nous laissons enfin sur bâbord, le Roque del Este, minuscule île ou gros récif situé au Nord de Lanzarote. Le paysage est saisissant : Lanzarote est une île volcanique très haute, aux falaises qui tombent dans la mer, alors que juste à côté, son aînée Graciosa nous dévoile son paysage désertique d’où seules émergent deux monts, ex-volcans et témoins du grand âge de cette île. Seules quelques maisons blanches qui rappellent celles de Grèce ou du Maroc montrent un signe de vie dans ce paysage aride. C’est sous ce paysage que nous embouquons vers 16h l’étroit chenal entre les 2 îles. Nous avons l’air de fourmis au pied des falaises de Lanzarote pour nous diriger vers la dernière baie de Graciosa, la Playa Francesca où l’on aperçoit déjà plusieurs mâts de bateaux au mouillage. À 17h30, nous sommes ancrés juste devant la plage dans 6 mètres d’eau translucide à travers laquelle nous voyons notre chaîne et ancre. Ça y est, nous sommes arrivés! Mieux que ça, nous sommes devant un paysage grandiose, inconnu de nos yeux, sous une douce chaleur, de l’eau à 23 degrés et seuls d’autres bateaux de voyage à nos côtés. Pour célébrer cela, rien de moins qu’une belle baignade et un long apéro. En arrivant ici, nous sommes réellement partis et le deuxième chapitre de notre voyage s’ouvre à nous.
Wow, c’est sans repit… J’imagine qu’apres un certain temps ca sera rien de speciales ces troubles.
Profiter s’en aux iles Canaries.
Whouah! Quelle traversee, quelle aventure, quel exploit!
Profitez bien de votre sejour aux iles canaries. Bon repos et bonne recup.
La roche volcaniques est incroyable, et j’adore cette photo ou des strates forment de jolis cercles.
Les filles ont l’air radieuses, et pas impressionnees par cette incroyable traversee. Peut etre qu’elles ne realisent pas encore.
Dernière provision avant la grande traversée ??
Les marchands de rues sont souvent moins chers que le grand marché, comme avec les oranges (p.s. les vertes sont mure là-bas)… Par contre, au grand marché, celui avec le plafond cathédrale, vous pouvez commander un régime de banane (verte : comme pas mur cette fois ci) encore sur sa branche !!… Tu passes la commande et un ou deux jours après ils l’ont!. Tu négocies ce que tu veux (car ils sont capable de vous apportez la moitié de l’arbre 🙂 et tu payes . Cela se garde plus longtemps, au moins deux semaines. Et à la dernière semaine de traversée, on se gâte avec des salades de fruits en conserve.