Antigua en bref
Tout comme ses voisines, l’île a été découverte par Christophe Colomb et rapidement abandonnée par les Espagnols aux Anglais vue sa sècheresse (l’île ne possède pas de sources). Ceux-ci y implantèrent la culture de la canne à sucre mais l’île devint surtout le bastion de la flotte militaire anglaise à partir duquel les navires des amiraux Rodney puis Nelson pouvaient contrôler tout le trafic maritime des îles sous le vent. La force navale britannique jouissait d’un abri imprenable à English Harbour, port naturel caché derrière de hautes falaises en haut desquels plusieurs forts avaient été érigés. On peut encore y visiter de nombreux vestiges de cette glorieuse époque. La culture de la canne à sucre nécessita un import massif d’esclaves africains et il y eut peu de métissage. Aussi, de nos jours, la quasi-totalité de la population est encore d’origine africaine. En 1981, l’île est devenue indépendante et vit quasiment exclusivement du tourisme. Celui-ci se répartit entre les nombreux complexes touristiques qui se sont établis sur les innombrables plages de l’île et l’industrie des méga-yachts. Les ports de Falmouth Harbour et English Harbour sont entièrement dédiés aux méga-yachts, en particulier à voile. Ils accueillent aussi une des courses les plus prestigieuses, la semaine d’Antigua au cours de laquelle ces monstres de luxe s’affrontent sur l’eau. Tous les ans, l’île accueille aussi les concurrents du « Atlantic Challenge », traversée de l’Atlantique à la rame partant des Canaries.
English Harbour (du 1er au 3 Février 2016)
Nous quittons Deshaies vers 8h30 du matin pour couvrir les 45 miles nautiques qui nous séparent d’English Harbour. Le vent est bien établi et nous mettrons moins de 7 heures pour atteindre notre destination, à une vitesse moyenne de 6.75 nœuds. La houle de travers entre les îles est un peu inconfortable par moment, mais c’est une belle navigation. Nous nous ancrons dans Freemans Bay, juste à l’entrée d’English Harbour. Notre faible tirant d’eau nous permet de nous cacher derrière la pointe qui cache l’ancien repaire de l’amiral Nelson, sans risque d’être secoués par la houle. Nous devons cependant mettre une ancre arrière car tous les bateaux autour en ont. Après une baignade rafraichissante, nous partons nous promener à terre. Avec Daphné, nous connaissons déjà les lieux car nous y étions venus avec mes parents et ma sœur il y a 8 ans. Phoebé n’avait alors qu’un an et demi. Nous avions loué un voilier pour une semaine de croisière entre Antigua et Barbuda. Petits comme grands, tout le monde est subjugué par la taille des bateaux amarrés au quai. La démesure n’a pas de limites dans la taille de ces unités, leur luxe ou le nombre de personnes qui travaillent à astiquer en permanence ces joujoux de milliardaires. La marina d’English Harbour est située dans le parc national de Nelson Dockyard, où de nombreux bâtiments du 18ieme et 19ieme siècle sont encore debout. L’endroit ne manque pas de charme. Nous poursuivons notre marche jusqu’à Falmouth Harbour qui accueille encore plus de méga-yachts sur 2 immenses quais situés autour du prestigieux Antigua Yacht Club. Encore une petite visite au pays de la démesure où certains yachts présentent 3 ou 4 étages, une piscine, un salon en verre suspendu au-dessus des flots. Certains ont des annexes qui font quasiment la taille de Korrigan. Ces monstres emploient principalement des jeunes anglo-saxons en quête d’aventure sous les tropiques. Ce sont souvent des emplois précaires, pas (bien) payés comme le témoignent certains affichages mettant en garde les novices dans ce domaine. On remarque aussi que peu de locaux semblent employés dans cette industrie du luxe. Pour notre part, nous faisons quelques courses et repérons l’endroit où nous pouvons faire remplir notre bouteille de gaz avant de rejoindre notre modeste embarcation. Sur le chemin du retour, nous croisons l’équipage de Taïa et prévoyons de visiter les environs avec eux le lendemain matin.
Mardi matin, je pars avec Ernesto porter nos bouteilles de gaz pendant que Daphné s’occupe de l’école. À mon retour, je trouve Daphné avec des têtes connues : Géraldine et Henri du bateau Calico Jack, rencontrés au Cap-Vert puis recroisés aux Saintes. Les pauvres viennent d’arriver mais ne pourront rester longtemps sur l’île car ils ont oublié leurs passeports et papiers de bateau en Guadeloupe! Nous abrégeons l’école et partons sur un petit chemin de randonnée qui nous permet de voir un des forts qui défendait le port et d’avoir un point de vue imprenable sur les 2 baies, celles d’English Harbour et celle de Falmouth Harbour. L’après-midi, les enfants des 2 bateaux jouent ensemble avant que tout le monde, ainsi que l’équipage d’un troisième bateau canadien se retrouvent à bord de Taïa. Ces 2 équipages sont dans les Caraïbes depuis plusieurs années. Les uns y passent leur retraite, les autres (Taïa) ont renoncé à aller dans le Pacifique et passeront donc encore au moins 2 années dans la région pour y découvrir Cuba et l’Amérique centrale. En réalité, on se rendra compte au cours des rencontres que nombreux sont ceux qui se plaisent aux Antilles et décident finalement de ne pas traverser le canal de Panama. En effet, ceci constitue un point de non-retour et il faut être prêt à couvrir de grandes distances dans l’immense Océan Pacifique. Ayant récupéré notre bouteille de gaz et effectué les formalités d’entrée dans le pays, nous décidons de ne pas passer plus de temps dans ce ghetto à milliardaires et décidons de partir vers Non Such Bay dès le lendemain. En début de nuit, comme la veille, nous assistons à l’arrivée des premiers concurrents de l’Atlantic Challenge, traversée de l’Atlantique à la rame qui touchent enfin terre après une centaine de jours en mer.
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Green Island – Non Such Bay (du 3 au 9 Février 2016)
Située seulement à 10 miles nautiques d’English Harbour, Non Such Bay est une exception dans les Antilles : En effet, ce mouillage est situé sur la côte Est de l’île, normalement exposée à la houle Atlantique. Cette immense baie est protégée par une grande barrière de corail sur sa façade Est et par Green Island sur son côté Sud. Après avoir couvert cette courte distance au moteur, faute de vent, nous pouvons constater que la réputation de ce mouillage, considéré comme le plus beau de l’île n’est pas usurpé. Nous mouillons dans une immense piscine d’eau turquoise. Malgré l’affluence et la taille de certains bateaux (quelques méga yachts y mouillent), la place ne manque pas et nous mouillons à proximité de Taïa, un peu à l’écart. Profitant du temps exceptionnellement calme à cette époque de l’année, nous allons explorer en snorkeling les abords de Green Island avec nos amis. Le corail y est en santé et les poissons coralliens y abondent. Les enfants adorent le snorkeling et il n’est pas rare de les entendre s’extasier dans leur tuba ! La journée de jeudi est encore une journée sans vent. Daphné et les filles en profitent pour se promener ou s’amuser avec le paddle board. Pour ma part, je continue bon train mes révisions de winches et autres maintenances sur le bateau. Je profite aussi de ce calme pour monter en tête de mât démêler une drisse et faire quelques photos en altitude. Je consacre la fin de journée à donner à Ernesto son premier cours de kite. Il s’agit juste d’apprendre à le gréer et apprendre les rudiments du maniement, en théorie, faute de vent.
Heureusement, le lendemain, le vent se lève et restera soutenu pour le reste de notre séjour dans ce mouillage idyllique. Malgré le vent et la houle qui s’est un peu levée au large, le mouillage ne bouge absolument pas. Comme nous sommes ancrés directement sur le spot de kite, c’est très pratique: Nous amenons le matériel sur la minuscule plage de Green Island, occupée par une école de kite surf et d’autres voileux – kitesurfers et partons de là. Ensuite, nous avons tout le lagon pour nous. Pendant que nous nous amusons sur l’eau, les enfants des 2 bateaux jouent ensemble, soit sur Taïa, soit sur la plage. Après un premier cours de kite sur l’eau, Ernesto se rend compte qu’il n’apprendra pas ce sport si facilement en quelques heures et se décide à prendre un cours avec l’école locale : Même si il se débrouille bien pour manier le kite et que je suis capable d’assurer la sécurité dans son annexe, un vrai instructeur sera bénéfique. La logistique sera aussi plus simple car ceux-ci sont capables de gonfler et lancer le kite à partir de leur annexe et de remonter au vent en annexe, sans poser le kite. Le cours qu’il prend l’encourage à persévérer et se décide à nous acheter un de nos kites, mon ancien 12 m2, déchiré au Portugal puis réparé aux Canaries. Quant à Daphné et moi, ces quelques journées passées sur l’eau nous permettent de faire encore des progrès. L’eau y est magnifique, il n’y a jamais plus de 6 ou 7 kites sur l’eau, c’est un endroit idéal. En outre, les instructeurs de l’école sont très sympathiques et partagent avec plaisir leur minuscule plage.
Le lundi 8 Février, nous décidons de partir prochainement car nos vivres commencent à manquer et nous souhaitons continuer à visiter le reste de l’île, en particulier, le North Sound, grand plan d’eau peu profond situé au nord de l’île et protégé par de nombreux récifs coralliens. Pour le moment, nous quittons notre mouillage pour nous rapprocher de la côte, au fond de Non Such Bay et pouvoir capter une connexion wifi d’un des hôtels de luxe situés à proximité. Nous avons besoin d’une connexion internet pour de nombreuses choses : recherche d’une annexe, préparation des impôts de la compagnie, mise à jour du blog, etc.
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Maiden Island, Great Bird Island – North Sound (du 9 au 12 Février 2016)
Nous quittons Non Such Bay par une passe dans la barrière de corail ouverte vers le Nord. Ce genre de navigation ne se fait pas avec des cartes car celles-ci ne peuvent répertorier précisément les coraux. La navigation se fait donc à vue, par beau temps en utilisant la différence de couleur de l’eau entre les fonds sableux et les « patates » de corail. Nous retardons un peu notre départ pour laisser passer un grain et avoir une bonne visibilité avec le soleil du matin. Ça commence mal pour nous car à peine avons-nous quitté notre mouillage qu’une vedette rapide nous croise et fait de grosses vagues. Nous avions oublié dans la cuisine la bouteille de sirop de batterie qui s’explose à terre. Le sirop de batterie est une sorte de mélasse de sucre de canne. Dans une bouteille en verre, il n’y a pas pire, je pense, à renverser dans un bateau. Rapidement, l’épais liquide rempli de minuscules fragments de verre se répand et s’infiltre partout sous les planchers. Heureusement, la navigation n’est pas compliquée car la passe est plus large et plus profonde que la carte ne le suggérait et Daphné se débrouille très bien seule. Pendant ce temps, je brave mon mal de mer et passe une heure à nettoyer le fond du bateau. Une autre heure sera nécessaire arrivés à destination pour finir le nettoyage. Nous effectuons les 13 miles qui nous séparent de Long Island (notre premier mouillage prévu dans le North Sound) sous génois seul. En effet, la moitié du parcours se fera dans une zone encombrée de récifs coralliens, au portant. Avec les alizés bien établis que nous avons en ce moment, le génois seul sera suffisant pour garder une vitesse raisonnable et pouvoir éviter les dangers. Les 6 premiers miles se font sur la façade atlantique avec une bonne houle de travers, peu confortable. Nous avons une fausse joie avec une bonne touche sur la ligne de pèche. Malheureusement, c’est encore un barracuda de bonne taille que nous ne pouvons manger dans la région. En prime, je dois aller jouer dans la bouche du barracuda pour décrocher l’hameçon, en boule sur plateforme de bain sous l’annexe. Espérons que nous attraperons toujours autant de barracudas lorsque nous serons dans des eaux où nous pouvons les manger sans risques ! La fin de la navigation se fait sans encombre, la visibilité étant excellente, nous avançons à 7 nœuds, sous génois seul dans cette magnifique eau turquoise. Nous mouillons devant Jumby Bay, large baie malheureusement entièrement occupée par des hôtels et résidences privées. Dans l’après-midi, nous irons tous ensemble à la plage, d’où nous serons rapidement délogés par un agent de sécurité car nous sommes sur une plage privée d’une villa.
Par conséquent, nous décidons le lendemain d’aller mouiller à quelques centaines de mètres de là, le long de la petite île de Maiden Island. Celle-ci est a priori inhabitée et sera certainement plus appropriée pour les enfants. Malheureusement, la plage n’est pas très belle, faite de coquillages grossiers et les fonds sont pleins de roches et coraux. Malgré tout, les enfants s’y amusent comme des fous tout l’après-midi. Pendant que Daphné les y amènent, je pars avec Ernesto et Natalia à Parham, petit village situé à quelques miles d’ici. Leur puissante annexe nous y amène sans peine. Par contre, ce petit village de pécheurs semble abandonné de tous. Nous sommes très loin de l’opulence des méga yachts et des complexes hôteliers de luxe. Une fois encore, c’est une triste illustration de l’absence quasi-totale du partage des revenus de l’industrie du tourisme « tout inclus » pour les populations locales. À part quelques emplois d’agents de sécurité ou femmes de chambre, ils ne profitent que peu de la manne du tourisme de luxe de l’île. Nous trouverons une minuscule épicerie, similaire à celles du Cap-Vert. Les fruits et légumes qu’on y trouve sont eux aussi assez semblables : bananes, patates, oignons, carottes, chou. À l’épicerie, on remarque très vite si une île dispose ou non de source d’eau douce !
Jeudi 11 au matin, nous partons rejoindre le mouillage de Great Bird Island, a priori réputé pour la beauté de ses fonds. Moins d’une heure au moteur suffit pour atteindre ce nouveau mouillage. Nous allons tous rapidement à terre découvrir cette petite île. Une petite marche nous permet d’atteindre son sommet d’où nous avons une vue magnifique sur tout le North Sound. De là, nous pouvons aussi observer beaucoup d’oiseaux dont de belles frégates. Comme toujours, les enfants s’amusent sur la plage, se fabriquent des couteaux dans des morceaux de bois flottés et s’inventent des histoires folles. Toutes ces heures de jeu en anglais ravivent cette langue que les filles commençaient à perdre, faute de pratique. L’après-midi et le lendemain, nous ferons 2 sorties en snorkeling sur les récifs avoisinants. Malgré le statut de réserve qui préserve les environs, l’état des coraux est décevant et la faune peu nombreuse. Je serai cependant chanceux de pouvoir observer un très gros barracuda et une grosse raie, de très proche.
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Jolly Harbour, Deep Bay (du 12 au 14 Février 2016)
Vendredi 12, après la petite plongée du matin, les 2 bateaux partent vers Jolly Harbour, sur la côte Ouest de l’île afin de pouvoir faire un ravitaillement digne de ce nom, vu le faible nombre de produits que nous avons pu trouver à Parham. En effet, comme notre prochaine étape est Barbuda où il n’y a qu’un minuscule village assez inaccessible, nous devons faire le plein de produits frais. Nous continuons donc le tour de l’île dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour cette navigation de 17 miles nautiques. Sur le chemin, les belles plages se succèdent, souvent bordés par des complexes hôteliers. Nous passons devant Saint-John, la capitale où nous décidons de ne pas arrêter car l’endroit est peu attrayant et le port est plus conçu pour les paquebots de croisière que pour nous. Nous poursuivons donc notre chemin pour passer devant la magnifique Five Islands Bay où nous avions mouillé il y a 8 ans. L’eau est toujours aussi belle et turquoise car les fonds sont peu profonds et le sable très blanc, de la nature calcaire de l’île. Nous atteignons le mouillage de Jolly Harbour en fin d’après-midi. Il y a au moins 100 bateaux à l’ancre et nous devons nous ancrer dans moins de 1.5 mètre d’eau pour ne pas se retrouver trop loin de l’entrée de l’immense marina de Jolly Harbour. Nous y partons en annexe dès notre arrivée. La marina, composée de nombreuses villas avec quais privatifs et d’un port de plaisance est immense. Une fois encore nous rêvons à notre nouvelle annexe qui nous attend à Saint Barth car nous nous trainons dans notre annexe à demi dégonflée et qui prend l’eau pendant que nos amis nous passent à vive allure, sourire narquois aux lèvres. Un rapide passage à l’épicerie nous permet de ramasser tout ce qu’il faut pour enfin faire un gros barbecue à bord de Korrigan ce soir. Les enfants exultent : Une soirée ensemble et du poulet au barbecue en prime, c’est le paradis !
Samedi 13, les 2 équipages s’entendent pour faire rapidement les courses le matin et aller profiter du mouillage de Deep Bay, devant lequel nous sommes passés la veille. Pendant que les filles font les courses, je m’installe à la terrasse d’un café et fait la mise à jour du blog et règle les derniers détails pour commander notre annexe à Saint Barth. Les alizés soutenus, même le long de cette côte située sous le vent de l’île nous amènent fort rapidement à Deep Bay. Le mouillage y est beaucoup plus agréable avec seulement une dizaine de bateaux et une belle plage de sable fin. Alors que les enfants préfèrent jouer dans l’eau, les adultes montent tour à tour au petit fort qui surplombe cette baie, la lagune située juste en arrière et la baie qui abrite la capitale, Saint John. La vue est magnifique et la position de ce fort qui permet de couvrir du regard tout le Nord-Ouest de l’île rappelle à nouveau pourquoi cette île stratégique n’a jamais échappé au contrôle des Anglais.
Demain matin, nous quittons Antigua pour Barbuda, destination que nous convoitons depuis longtemps sur les souvenirs de ses plages immenses que nous avions découvert il y a 8 ans. Il paraît aussi que c’est un super spot de kite surf ! Antigua restera un beau souvenir, surtout Non Such Bay et son magnifique mouillage / spot de kite. Le North Sound nous a quelque peu déçu et à la lumière de cette expérience, nous aurions certainement plus apprécié les belles plages du Nord-Ouest de l’île que nous avons juste découvertes depuis hier.
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