Le retour de Virgin-Gorda à Marigot
Nous avions choisi notre date (et heure !) de départ de Virgin Gorda afin de bénéficier des conditions les plus calmes pour revenir vers Saint-Martin. En effet, Saint-Martin est située en plein Est des BVI. Comme le vent dominant, les alizés, soufflent de l’Est, il est très difficile de revenir vers Saint-Martin à la voile. Ceci se fait au prix d’interminables bords de près face à une houle souvent bien établie et rendant la marche du bateau encore plus difficile, sans parler du confort pour les personnes à bord. Par conséquent, lorsque les prévisions météo ont annoncé une période quasiment sans vent et une houle quasi-nulle, nous avons saisi notre chance, comptant ainsi faire le trajet au moteur ou moteur + génois. Cette solution permet de gagner un peu de vitesse mais surtout permet d’appuyer le bateau sur la mer et rend ainsi la navigation plus confortable. Après avoir contourné Virgin Gorda par le Nord, nous faisons une tentative à la voile, le vent étant supposé être du Nord-Est. Malheureusement, après une bonne heure, nous nous rendons compte que nous nous éloignons bien trop de notre route et le vent, en tournant, nous en éloigne de plus en plus. Nous redémarrons le moteur et faisons à nouveau route dans la bonne direction. Peu après, nous ajoutons le génois pour gagner un peu de vitesse et de confort. En réalité, le vent a déjà tourné au Sud-Est. Tout ceci confirme à nouveau le manque de précision de et fiabilité des fichiers GRIBs gratuits fournis par la météo américaine (NOAA) : Ce sont des prévisions à trop grande échelle, valides en pleine mer mais pas dans ces zones où les îles ont trop d’influence sur les conditions locales de vent. En outre, dans ces conditions de pannes d’alizés, il est très rare que les prévisions météo aient le bon timing de passage de ces perturbations. Cependant, vu que la mer est très calme, nous avons une bonne vitesse au moteur et avançons à 6 nœuds vers Saint-Martin. Seule ombre au tableau, Éléa est bien malade. Ce n’est sûrement pas le mal de mer car elle y est complètement insensible. Elle a de la fièvre et vomit. Pour le moment, nous mettons cela sur un coup de fatigue après les semaines intenses passées avec les amis, à moins dormir. Sur les 15 derniers miles nautiques, le vent se renforce et vient vraiment d’en face, nous ralentissant un peu. Nous arrivons ainsi dans la baie de Marigot vers minuit et demi, soit 13 ou 14 heures après notre départ des BVIs. Phoebé voulait absolument que je la réveille pour l’arriver, ce que je fais (c’est d’ailleurs étonnant à quel point les enfants peuvent dormir avec le moteur qui est collé aux cabines arrières où elles sont installées). Quelle n’est pas sa surprise (et la nôtre), lorsqu’elle débarque encore endormie dans le cockpit : Un bateau rapide des douanes est à nos côtés, avec plusieurs hommes armés à bord. Nous nous immobilisons et répondons à quelques questions banales avant de rejoindre le mouillage, faute de plus d’instructions de leur part. Au pire, ils sauront nous rattraper ou nous trouver. Il faut dire que les douanes françaises veillent au grain : Ce sont les seules à nous avoir contrôlés à plusieurs reprises (Guadeloupe et Saint-Martin). Au moins, les douaniers français sont payés à être sur le terrain, plutôt qu’à être assis derrière un bureau à encaisser des frais divers et variés, comme c’est le cas dans les autres îles que nous avons visitées. Vu la densité du mouillage, nous mouillons assez loin pour ne pas prendre de risque et allons nous coucher.
Les 2 prochains jours, jeudi et vendredi, sont occupés à diverses tâches utilitaires : Courses et lessive pour Daphné, vidange et révision du moteur pour moi ainsi que le changement de la sonde de température du moteur. Celle-ci est commandée et n’arrivera que la semaine prochaine. Quant aux problèmes d’alternateur que j’avais décelé aux BVIs, ils sont confirmés. Je n’arrive ni à réparer ni à obtenir de l’aide (à part des propositions d’en acheter un neuf !). Par conséquent, je le remplace tout simplement par celui que j’avais en backup et je trouverai une solution plus loin, avec l’aide de quelqu’un qui s’y connait plus que moi, pour remettre l’autre en état. Pendant ces 2 jours, il fait une chaleur abominable, sans un souffle de vent. Nous nous sommes rapprochés de la côte et sommes très proches du quai et de la ville pour faciliter les déplacements. Malheureusement, cette chaleur terrassante n’aide pas beaucoup la petite Éléa qui a toujours une fièvre terrible, en particulier dans la nuit de jeudi à vendredi. Heureusement, j’ai rencontré la veille un couple de jeunes retraités français, dont la femme est pédiatre et qui naviguent sur un super Maramu dénommé Sarpedon. Gentiment, Corinne vient à bord et diagnostique rapidement une otite. Elle nous fait une ordonnance et le soir-même, Éléa peut commencer son traitement aux antibiotiques. Par la même occasion, elle nous conseille à tous un traitement préventif avec des gouttes à base d’alcool qui assèchent l’oreille et réduisent par conséquent le risque d’otite. Le moteur révisé, la pièce commandée, les courses faites et Éléa sur la voie de la guérison, nous nous empressons de quitter Marigot pour aller découvrir les mouillages des îles Pinel et Tintamarre.
L’ilet Pinel et l’ile Tintamarre
Samedi matin, sous des alizés revenus en pleine forme, nous partons donc vers l’îlet Pinel, situé au Nord-Est de Saint-Martin. Nous partons au près et tirons deux grands bords entre Anguilla et Saint-Martin afin de déborder largement cette dernière par le Nord et redescendre vers l’îlet Pinel. Cette petite île est située au nord d’une large baie, Oriental Bay, peu protégée de la houle par une maigre barrière de corail. Par contre l’îlet Pinel offre une bonne protection, en particulier pour les bateaux ayant peu de tirant d’eau et pouvant s’avancer un maximum derrière l’île. On peut même avancer plus loin et rentrer dans un petit lagon face au village de Cul-de-Sac. Nous ne tenterons pas l’expérience vue la très faible profondeur et l’étroitesse du passage réservé aux locaux qui savent exactement où passer. En outre, il n’y a que deux catamarans à l’ancre devant l’îlet et nous avons largement la place de nous ancrer, bien à l’abri. L’îlet, bien qu’étant une réserve, offre deux restaurants de plage où l’heure semble être à la fête toute la journée, jusqu’à 18 heures, heure où ces commerces tolérés doivent fermer. Avant l’heure fatidique, nous allons boire un verre au bar pour obtenir le code du réseau wifi pendant que les filles se baignent. C’est l’occasion pour discuter avec les jeunes qui tiennent le bar. A priori, ils « trippent » sur notre projet de voyage car ils nous offrent une belle paire de lunettes de kite qu’un client a oublié au bar depuis un bon moment. Cette connexion internet nous sera très utile car nous pourrons faire nos impôts, du bateau, sur ce mouillage magnifique. Vive la technologie! Le samedi soir, nous tentons une sortie à terre, pensant trouver en Cul-de-Sac un sympathique village, un peu comme Grand-Case. Malheureusement, après une demi-heure de marche, nous nous rendons à l’évidence : Il n’y a pas réellement de village. Déception, nous rentrons au bateau.
Le lendemain, comme le vent est encore bien présent, je veux essayer de partir en kite du bateau, chose complexe à cause des risques d’emmêlement des lignes. Cependant, tout se présente bien, même si ça prend un temps fou de démêler les lignes une à une sur le pont du bateau et aller les attacher au kite, gonflé à l’arrière de l’annexe. Malheureusement, entre temps, mon kite s’est dégonflé! Rien d’étonnant si on se rappelle l’atterrissage dans les cactus d’Eustatia Island la semaine dernière! Ceci deviendra le projet des 2 prochains jours pour Daphné et moi : Nous devons sortir le boudin gonflable du kite et repérer tous les trous microscopiques que le cactus a faits sur le boudin. Nous passerons des heures, dans l’eau à repérer les microbulles qui s’échappent pour appliquer les rustines et répéter l’opération jusqu’à ce que l’on ne décèle plus aucune bulle. Heureusement, un gentil moniteur de kite d’une école située dans Oriental Bay me donnera de nombreuses rustines car les miennes n’auraient pas suffi. Pendant ce temps, les filles profitent un maximum de la belle eau de l’ile et de sa plage. Avec le peu de profondeur, l’eau est très chaude, dans les 30 degrés et elles ne s’en lassent pas. Pendant la journée, l’île est assaillie par des touristes (et des locaux le weekend) qui viennent en petits bateaux taxis pour faire la fête et boire sur la plage…ou même dans l’eau où des tables hautes ont été installées. Comme ça, l’image postée instantanément sur Facebook est parfaite! Dès 16 heures, la fréquentation baisse et l’île retrouve son calme. Un sentier de promenade a été aménagé pour en faire le tour. Nous en profiterons pour faire un peu de jogging pendant que les filles se baignent encore et encore.
Nous quittons le mouillage mardi matin, après y avoir passé 3 belles journées, pour se rendre non loin de là, sur l’île Tintamarre. Celle-ci n’est pas habitée et est supposée être un parc naturel. Il semble aussi qu’on peut y observer des dauphins, sur la côte au vent. Après une demi-heure de navigation au moteur, pendant laquelle un catamaran de location nous refuse une priorité puis nous engueule car nous avons coupé la ligne de pèche qu’il traînait (!!), nous mouillons sur une bouée le long de la magnifique plage de Tintamarre. Par contre, la houle rentre et c’est un peu rouleur. Nous commençons notre exploration de l’île par une expédition en annexe sur la côte au vent où nous espérons voir des dauphins : Nous n’en avons pas encore vu depuis notre arrivée dans les Caraïbes. Ça ne sera pas encore pour aujourd’hui. Nous continuons notre exploration en allant sur la côte opposée pour rentrer dans un lagon peu profond. Nous laissons l’annexe sur la plage de corail et y marchons un peu…en quête d’un trésor échoué…Faute de trésors, nous apprécions le calme de l’endroit. De retour au bateau, nous apercevons un bateau-vendeur de glaces qui arrive sur le mouillage! Quelle excellente idée sur une aussi belle plage où il n’y a aucun service. Nous passons la fin de la journée dans l’eau, à nager pour les adultes et jouer avec le paddle board pour les enfants. En effet, l’île en elle-même ne présente que peu d’intérêt car il n’y a aucun sentier pour la parcourir : Ce ne sont que des broussailles épineuses et quelques ruines où se cachent pleins de petites chèvres. En fin de journée, plusieurs bateaux partent et nous libère ainsi une place plus proche de la plage où nous espérons moins rouler. Le lendemain matin, mercredi, le temps est magnifique. Le vent est tombé et a un peu tourné au Nord. Nous passons toute la matinée sur la plage et dans l’eau. Comme le bateau est mouillé très proche de la plage, les filles font de nombreux allers retours avec le paddle board. Nous finirons par décamper à la mi-journée, lorsque le vent tourne franchement à l’Ouest (ce qui semble invraisemblable dans les Caraïbes) et le cul du bateau se retrouve à moins de 5 mètres de la plage. Nous refaisons le tour de Saint-Martin dans le sens inverse, au moteur et sous génois cette fois-ci pour nous rendre à Grand-Case. Nous avions beaucoup aimé ce mouillage lors de notre précédent passage à Saint-Martin et nous savons que nous pouvons y trouver une connexion internet pour vérifier si la pièce du moteur est arrivée.
Les Photos
Grand-Case, Marigot et Phillipsburg en voiture
Dès notre arrivée à Grand-Case, nous prenons nos emails et nous avons confirmation que la pièce du moteur est bien arrivée au magasin de Marigot. Par contre, toujours aucune nouvelle de mon paquet parti des USA depuis maintenant 3 semaines : Il contient entre autres un téléphone de remplacement qui nous manque énormément, en particulier pour utiliser notre iridium (et jouer à Candy Crush). En fin d’après-midi, nous allons à terre nous promener. Les filles veulent retourner à la galerie d’art où habitent un chat fainéant qui dort toute la journée sous une sculpture d’éléphant, sous le regard bienveillant d’un bon gros chien, tout aussi actif. Nous terminons notre passage à Grand-Case en allant manger des bonnes grillades dans un lolo du front de mer.
Jeudi matin, c’est le calme plat. Pas un brin de vent et l’eau est d’une transparence inouïe. En nous levant, juste en regardant autour du bateau, nous voyons nager une belle raie aigle et des tortues et découvrons plein d’étoiles de mer posées sur le fond. Nous quittons peu après le mouillage pour rejoindre Marigot. Tout le long du trajet, au moteur bien entendu, la clarté de l’eau est incroyable. Nous voyons à nouveau des raies et tortues, entre autres. Nous nous ancrons à Marigot au même endroit que la semaine dernière et je pars directement au magasin Budget Marine pour récupérer ma pièce et faire quelques autres achats avant de quitter Saint-Martin. De retour au bateau, je change la pièce en quelques minutes alors que je n’arrivais pas du tout à la desserrer la semaine passée, probablement car le moteur est chaud. C’est une bonne nouvelle car nous avons maintenant du temps libre. C’es tune première à Marigot! Comme il fait une chaleur étouffante, nous partons en snorkeling dans le mouillage, chercher des trésors tombés des bateaux. Notre butin sera maigre – quelques cordages – mais la baignade bien rafraichissante. Pour la première fois, nous manquons d’air dans le bateau et utilisons un petit ventilateur. Dans le cockpit, Daphné a recousu correctement notre abri barreur (ou dodger) afin qu’il puisse s’ouvrir. C’est une bénédiction aujourd’hui. Le soir, nous sommes invités sur Sarpedon, le bateau de la pédiatre qui a soigné Éléa la semaine passée. En retour de service, je leur propose de venir changer l’anode de leur hélice samedi matin : Cela nécessite de nombreuses plongées en apnée sous le bateau pour desserrer l’ancienne anode, poncer la surface de l’hélice et fixer la nouvelle, sans échapper aucune vis! Il y a un âge pour tout…
Vendredi, nous louons une voiture pour la journée afin d’aller visiter le côté hollandais, en particulier Phillipsburg, où les paquebots de croisière s’arrêtent en nombre pour que les passagers puissent magasiner hors-taxes. Au passage, nous nous arrêtons acheter quelques petites choses non trouvées dans les shipchandlers du côté français. La quantité de commerces du côté hollandais est effarante : Il n’y a que ça. On peut certainement tout trouver à Sint Marteen, mais c’est terriblement moche. Le genre de vues que l’on a le long des grands axes routiers aux abords des grandes villes en France ou au Québec. Ce qui n’est pas un local commercial est une église se réclamant d’une des infinies variantes du christianisme. Même là, il semble y avoir du choix. Mais, il semble seulement, car dans tous les domaines on se rend compte qu’il n’y a pas vraiment de choix à Sint Marteen. Les dizaines de magasins d’alcool vendent tous la même chose, idem pour les dizaines de bijoutiers de la rue principale de Phillipsburg qui vendent tous les mêmes marques et mêmes modèles de montre. Il en va de même avec le tourisme : un seul modèle existe ici : Les hôtels tout inclus qui s’approprient les plages. Bref, tout cela est très commercial et décevant. Nous peinons à trouver une plage où pique-niquer. Nous nous installons discrètement sous un bouquet de cocotiers, entre deux resorts…chanceux de ne pas avoir eu à payer le stationnement de la voiture en feignant d’aller consommer dans un bar de plage hors de prix (3.5 $ l’expresso, quand même….). Seule découverte étonnante de notre journée, sur une petite route montagneuse que notre petite voiture de location peinait à gravir, nous nous trouvons face à face avec…un singe! Nous n’en revenons pas et pensons qu’il s’agit d’un animal de compagnie qui s’est échappé. Les prochains kilomètres sur cette route nous donnerons tort car nous verrons une multitude de singes en liberté dans la végétation qui borde la route.
Samedi, nous décidons de partir pour Nevis le soir. Le vent est encore quasi-nul aujourd’hui mais doit remonter en fin de journée en s’orientant au Nord-Est ou Est, allure qui nous permettrait de nous rendre en ligne droite à Nevis. La chaleur est encore étouffante aujourd’hui et nous passons beaucoup de temps dans l’eau. En fin de journée, nous retournons faire quelques dernières courses au supermarché que nous connaissons désormais comme notre poche! Comme mon paquet des USA n’est toujours pas arrivé, je me suis arrangé avec Sarpedon pour qu’ils le récupèrent s’il arrive tant qu’ils sont encore à Saint-Martin : ils sont bloqués ici en attendant du matériel et des réparations sur le bateau. En fin de journée, nous commençons à sentir un petit vent asthmatique qui semble nous promettre une navigation peu rapide mais très tranquille, sous une belle nuit étoilée.
Ce deuxième passage à Saint-Martin nous aura un peu réconciliés avec cette île que nous avions peu apprécié lors de notre premier passage. Cependant, l’île est trop commerciale, trop touristique et les beaux mouillages y sont rares. Saint-Martin restera dans mon esprit une bonne escale technique. Je publierai prochainement un petit article pratique destiné aux plaisanciers de passage dans la région sur les bonnes adresses que nous y avons trouvé.
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