Arrivée à Sainte-Anne
Lundi matin, sous un ciel maussade, nous quittons notre mouillage de Petite Anse, après avoir laissé les enfants de Korrigan et Aventura jouer encore un peu ensemble pendant que nous échangeons nos coordonnées avec leur père. Nous partons au moteur et ferons la navigation complètement au moteur car nous avons le vent exactement dans le nez, ainsi qu’une mer assez agitée. On n’aime pas ça mais vues les performances au louvoyage d’un bateau de voyage, on n’a guère le choix. Nous passons juste à côté du Rocher du Diamant, énorme bloc de roche planté au milieu de la mer, à quelques miles des côtes. C’est un spot de plongée très réputé en Martinique. Après 3 heures et demies de tangage dans la houle, nous arrivons enfin face à l’immense plage de Sainte-Anne. Le mouillage s’étend sur plus d’un kilomètre et est parfait pour la sécurité du bateau et le confort de son équipage : On mouille sur un fond de sable peu profond et de très bonne tenue, face à un vent constant qui maintient les bateaux toujours dans la même direction et fournit une bonne ventilation. Quel plaisir après des semaines de mouillage sur des côtes sous le vent! Après m’être assuré que le bateau était bien ancré en plongeant sur l’ancre, nous mettons l’annexe à l’eau et partons à la découverte du village de Sainte-Anne. Nous en avons tellement entendu parler que nous avons hâte de le comparer au Sainte-Anne que nous connaissons si bien, celui de Guadeloupe. Comme dans tous les mouillages que nous avons fréquentés jusqu’ici en Martinique, nous arrivons à un super quai, récent et en bon état. Comme à Petite Anse, celui-ci est situé dans l’axe d’une charmante petite église, séparée par une petite place ombragée. Ce décor fait très provençal. Nous traversons le village fait surtout de maisons en bêton mais on trouve aussi quelques cases colorées. Les magasins de souvenirs, en grand nombre pour la taille du village, trahissent la vocation touristique du lieu. Étant actuellement en basse saison, le village est désert, à part quelques personnes âgés qui vivent ici, le traditionnel fou du village et les quelques métros qui tiennent les magasins de souvenirs et se plaignent entre eux du manque d’affluence. Nous décidons de nous rendre au Marin, situé à quelques kilomètres d’ici pour repérer les lieux et réserver une place au port pour Korrigan. Nous attendrons le bus en vain pendant 45 minutes. Aucun ne passera. Sous les conseils d’une personne âgée du village, nous remettons notre projet au lendemain matin, heure à laquelle les bus devraient être plus nombreux. Pour ne pas revenir bredouilles, nous passons à la petite épicerie et ramassons de quoi faire un bon barbecue sur le bateau. Miam!
Mardi matin, nous partons de bonne heure pour attraper un bus se rendant au Marin. Malheureusement, la même expérience que la veille se répète : En 45 minutes, aucun bus ne se montre. De guerre lasse, nous repartons au bateau et j’irai seul au Marin, en annexe pendant que les filles feront de l’école. Le trajet en annexe est assez rapide, une vingtaine de minutes malgré le vent fort qui souffle ce matin. Le Marin est situé dans un vaste cul de sac bordé de mangrove et la quasi-totalité de cette baie est remplie de bateaux au mouillage. Certains temporairement, certains pour la saison cyclonique, certains définitivement…jusqu’à ce qu’ils coulent. La marina est très vaste et est faite de 2 séries de quais, chacun sur une rive du fond de la baie. On y trouve d’immenses flottes de catamarans de location (charters) et beaucoup de bateaux remisés pour la saison cyclonique : De nombreux retraités rentrent en France en été pour y profiter des beaux jours et de leur famille tout en évitant la saison cyclonique. On trouve ici tous les magasins et professionnels de la plaisance dont on peut avoir besoin. Au delà de la zone de carénage, une zone artisanale dédiée aux professionnels de la plaisance (Zone Artimer) a été créée et est accessible par la route ou l’eau en remontant une petite rivière salée dans la mangrove. On trouve aussi dans ce coin un grand supermarché Leader Price accessible aussi par l’eau et proposant la livraison sur les bateaux. Bref, tout est articulé ici autour du monde de la plaisance. Ma petite expédition sera fructueuse car je trouve tout ce qu’il me faut pour réparer définitivement, j’espère, nos toilettes et un soudeur-atelier de mécanique pour adapter mes secteurs de barre à la nouvelle rotule de pilote que mon père m’a usinée. J’en profite aussi pour réserver une place au port pour les 3 prochains jours auprès de la capitainerie du port où je récupère les colis du CNED contenant tout le matériel scolaire pour l’année prochaine. Les colis sont arrivés en seulement 4 jours de Métropole. La gestion du courrier – énorme vu le nombre de bateaux – est très bien organisée avec des listes de colis et un classement rigoureux des plis et avis de passage. Chapeau! De retour au bateau, nous passerons l’après-midi à la plage de Sainte-Anne à jouer avec les petites filles. C’est une très belle plage aux fonds peu profonds, idéale pour la baignade et les jeux.
Ménage de printemps et maintenance au Marin
Mercredi matin nous levons l’ancre pour nous rendre à la marina du Marin. Nous ne sommes pas allés dans un port depuis le mois d’Octobre, aux Canaries! Évidemment, le vent est encore très fort avec quelques grains violents qui passent. Cela ajoute un peu au stress de faire des manœuvres de port. Heureusement, les employés du port qui sont habitués à ce genre de scénario, nous accueillent rapidement après un appel sur la VHF et nous escortent jusqu’à notre place. Ils nous aident ensuite à nous stationner en poussant sur le nez du bateau qui, sans propulseur d’étrave, à tendance à partir où le vent le pousse. Dès que nous sommes installés, nous attaquons notre programme : Démontage du secteur de barre pour l’amener au soudeur pour moi, nettoyage et rangement des cabines et soutes arrière pour les filles. Nous travaillerons dur pendant 3 jours, sous une chaleur souvent étouffante, en particulier pour Daphné qui nettoie, réorganise et range le bateau à l’intérieur. Après un an de voyage, il est grand temps de repenser comment nous rangeons nos affaires, en fonction de ce qui sert fréquemment ou non et en prévision de l’année future où nous devrons libérer plus de place pour faire le plein de vivres avant de s’attaquer au grand Pacifique. Les filles, en particulier Phoebé, aident de bon cœur et travaillent fort aussi. Mais ce qu’elles aiment le plus, comme à chaque fois que nous allons au port, c’est de faire les courses au supermarché ou aller seules à la boulangerie. L’endroit s’y prête très bien car il n’y a qu’une seule route à traverser pour se rendre au magasin et l’environnement est très sécuritaire. Elles sont toujours très fières de ces petites expéditions pour lesquelles elles partent avec leurs petits sacs à main. J’effectue une révision complète du guindeau (treuil mécanique utilisé pour relever l’ancre) car celui-ci sert en permanence depuis un an. Un bon nettoyage et graissage et je remonte le tout. Tout semble en bon état sauf une pièce critique – le doigt qui bloque la chaîne – qui est très usée. Et pour cause, cette pièce est en plastique! Je suis outré par cela : C’est une pièce qui subit tout la charge de la chaîne et elle est en simple plastique moulé. Pour du matériel à 2000 euros, ce n’est pas fort! Évidemment, pour la majorité des bateaux de plaisance qui servent 10 jours par an, notre utilisation correspond à 15 ans d’usure….Heureusement, nous trouverons une pièce de remplacement en inox qui devrait tenir la durée du voyage. Comme rien n’est jamais simple, je dois faire quelques adaptations pour installer la rotule de pilote que Claude m’a fabriqué ainsi que pour remplacer la fixation du halebas de bôme, elle aussi fabriquée à distance par Claude. Je devrai réinstaller 2 fois celle-ci car, comme à mon habitude, j’ai posé la pièce dans le mauvais sens. Les problèmes s’enchaînent alors : Plus de rivets. Je rachète des rivets. Ils ne passent pas dans ma pince à rivet, ni dans celle d’autres plaisanciers pourtant équipés avec du matériel de qualité (et à leur grande surprise). Je m’en tirerai en allant supplier des techniciens d’un loueur de bateau de bien vouloir me prêter leur outil pendant leur pause déjeuner. Ceux-ci acceptent généreusement, en dépit du règlement imposé par leur patron, certainement excédé de perdre des outils….Pendant notre passage au Marin, nous verrons aussi quotidiennement Jean-Maurice, du bateau Sarpedon que nous voyons régulièrement depuis notre dernier passage à Saint-Martin. Les filles l’apprécient beaucoup et c’est réciproque, c’est comme un ersatz de relation grand-père – petits enfants pour les deux… Elles lui prépareront des beaux dessins et partiront seules en annexe le rejoindre sur son bateau situé de l’autre côté de la marina pour que Phoebé lui joue un petit concert de guitare. Nous repartons samedi matin du Marin avec un bateau révisé et nettoyé de fond en comble. Nous sommes bien contents de quitter la marina et rejoindre notre mouillage bien ventilé. De plus, au mouillage, le bateau est toujours face au vent. Par conséquent, le cockpit reste au sec pendant les grains, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on est au ponton. Heureusement, nous avons eu peu de grains pendant notre séjour au port. Nous passons le reste du weekend end tranquillement au mouillage de Sainte-Anne, profitant pleinement de la plage, souvent sous la pluie qui commence à se déchaîner dès le samedi après-midi. Du mauvais temps s’annonce pour la semaine à venir, ce qui nous arrange peu car nous avons loué une voiture à partir de lundi pour aller visiter l’île et faire des grosses courses en prévision de notre séjour dans les Grenadines où l’on ne trouve pas grand-chose.
Les Photos
Visite de la Martinique : L’habitation Clément et les jardins de Balata
Comme prévu, lundi matin, les vagues de pluie s’enchaînent sans arrêt alors que nous devons aller jusqu’au Marin en annexe pour aller chercher la voiture. La météo (et les filles !) nous encouragent à commencer par faire les magasins plutôt que des visites en extérieur. Nous partons donc vers Fort-de-France. Plus on se rapproche de Fort-de-France, plus c’est développé, la route devient autoroute et est bordée de gros centres commerciaux et un peu plus loin de barres d’immeubles. Quand on découvre tout ça sous la pluie et la grisaille, on se croirait réellement en banlieue parisienne! Le bon côté, c’est que nous trouvons un Decathlon, des magasins de jouets, etc. tout ce dont nous avions besoin. En après-midi, nous allons au centre-ville de Fort-de-France. Lugubre. La ville est en très mauvais état, aussi bien les maisons, bâtiments et rues, tout est délabré, la majorité des magasins ont fermé et c’est assez désert. Le seul centre d’intérêt est la magnifique bibliothèque Schœlcher construite par Gustave Eiffel. Malheureusement, elle est « exceptionnellement » fermée en ce moment. Nous terminons la journée par un premier gros ravitaillement au Leader Price d’où nous ressortons avec 2 chariots remplis. Les filles sont recouvertes de courses dans notre petite Twingo, le temps de rejoindre le bateau. Il faut ensuite tout emmener dans l’annexe, décharger puis ranger dans les coffres du bateau….le tout de nuit. Il n’y a pas à dire, l’avitaillement n’est pas une mince affaire en bateau!
Mardi matin, la météo semble un peu meilleure. Nous espérons que le temps se maintienne et nous nous dirigeons vers le centre de la Martinique où se trouvent les jardins de Balata. En chemin, nous nous arrêtons dans un petit magasin de bricolage où nous trouvons une super machine à coudre à un prix abordable, faite pour coudre de nombreuses épaisseurs de tissu. Parfaite pour embarquer sur un bateau! En chemin, le temps se couvre, la pluie commence et malheureusement ne nous lâchera pas. Il faut dire que nous montons dans les montagnes où semble régner une humidité permanente terrible. Il n’y a qu’à voir l’état des panneaux routiers : On dirait qu’ils ont été immergés pendant des années et viennent juste d’être repêchés! Nous nous arrêtons au Sacré-Cœur de Martinique, une réplique de la célèbre église parisienne, dans laquelle nous nous réfugions quelques minutes pour échapper à la pluie. Nous continuons les quelques kilomètres restants pour nous rendre aux jardins de Balata, toujours pleins d’espoir! Au final, nous devrons attendre 20 minutes que la pluie diminue avant de pouvoir rejoindre notre voiture : Il pleut tellement que la rue s’est transformée en torrent! Comme plan B, nous décidons d’aller vers la côte au vent, typiquement moins arrosée que les montagnes du centre de l’île. Nous continuons donc notre chemin sur une route de plus en plus sinueuse pour rejoindre une petite route de montagne qui mène vers le François. Comme la chance n’est pas de notre côté, cette petite route est fermée car est effondrée par endroit. Nous rebroussons donc chemin et refaisons toute la route en sens inverse. Finalement, lorsque nous arrivons au François, sur la côte Est, nous avons fait presque 4 heures de voiture et toujours rien vu….J’ai déjà hâte de rendre cette voiture! Heureusement, il ne pleut pas ici et nous trouvons un petit quai en bois sympathique où prendre notre lunch. Nous y rencontrons un skipper martiniquais bien sympathique avec qui nous discutons avant de nous rendre à l’Habitation Clément, une des célèbres rhumeries Martiniquaises. La visite est très bien organisée autour de 4 grands thèmes – la botanique, la canne à sucre, la culture créole et l’aspect industriel, le tout commenté sur des audioguides. On peut aussi découvrir plusieurs expositions d’art, temporaire ou faisant partie de la collection privée de la famille Clément. Grands comme petits, nous apprenons tous beaucoup de choses tout en profitant de ce très bel endroit. Le jardin est très riche en espèces de palmiers en particulier et la visite de l’ancienne usine de transformation est très bien faite, permettant de bien comprendre le processus de transformation de la canne et son industrialisation. L’habitation Clément et sa majestueuse demeure ont été le site de nombreux évènements accueillants des personnalités, comme un sommet Bush- Mitterrand après la première guerre du Golfe. Évidemment, la visite se termine par une dégustation. Nous dégustons surtout les rhums vieux qui sont exceptionnels…et je repars avec un petit cadeau : Rhum vieux de 10 ans vieilli dans des tonneaux de Bourbon.
Les Photos
Mercredi matin, le temps semble cette fois-ci plus favorable pour la visite des jardins de Balata. Nous reprenons une fois de plus la route de Fort-de-France puis montons dans les montagnes vers les jardins. Certes le temps y est plus nuageux, mais rien à voir avec le déluge de la veille. Une fois dans les jardins, nous ne regrettons absolument pas d’avoir attendu pour profiter de la visite. Le jardin a été créé comme un jardin d’agrément et non pas comme un jardin botanique. Son créateur, Jean-Philippe Thoze en a démarré la construction en 1982 sur le terrain familial. Ayant beaucoup voyagé, il a su rassemblé un nombre incroyables d’espèces tropicales, regroupées en plusieurs mondes végétaux que l’on parcourt. Une partie de la visite se fait en altitude, sur des passerelles installées dans la cime des arbres, permettant de profiter ainsi du jardin et de la forêt qui l’entoure. Les pluies intermittentes ne nous ont peu gêné et ont apporté ces reflets et lumières uniques que l’on trouve juste entre 2 grains sous les Tropiques. Un délice pour le photographe!
Les Photos (Balata)
Nous terminons notre périple en voiture par un passage obligé dans un hypermarché Carrefour. Cela peut sembler banal ou risible pour les français, mais pas pour les voyageurs qui se dirigent vers des îles de culture anglaise! On ne trouve nulle part d’autre que dans les îles françaises une telle diversité et qualité de produits. Maintenant que les coffres sont pleins, nous terminons notre avitaillement en produits frais le jeudi au marché du Marin pour pouvoir partir dès le lendemain vendredi, sur la côte au vent où peu s’aventurent…
Laisser un commentaire