Navigation vers Grenade et Découverte de Saint-Georges
Seulement 16 miles nous séparent de Saint-Georges, la capitale de Grenade lorsque nous repartons de Salines Island, au Sud de Cariacou. Nous avons un vent léger mais qui nous permet d’avancer confortablement et à une bonne vitesse. Malheureusement, aucun poisson durant cette petite navigation sur les fonds peu profonds du plateau des Grenadines ne viendra mordre à notre hameçon. Seuls 3 ou 4 ilots rocheux jalonnent notre chemin, mais quelque chose de plus remarquable m’attire l’œil sur la carte: Une zone d’exclusion autour du volcan sous-marin « Kick’em Jenny » qui peut rentrer en activité à tout moment. Décevant, pas même une bulle ou un peu de fumée ! Les navigations sont toujours une sorte de parenthèse pendant laquelle on est triste ou satisfait de quitter un endroit ou encore on se questionne sur la prochaine destination. Nous ne savons pas trop quoi attendre de Grenade, mais c’est une étape symbolique car elle referme la page « Antilles » du voyage. Nous avons surtout aimé le Sud des Antilles, dont les Grenadines, et serions prêts à y repasser une autre saison si nous ne tenions pas à respecter notre planning. Important avec des enfants qui grandissent et une étape aussi longue que le Pacifique: Nombre d’équipages ne décollent jamais des Antilles, surtout les Nord-Américains qui n’ont jamais fait de traversée océanique. Pour revenir à Grenade, nombreux bateaux nous ont vanté les mérites de la vie sociale de Grenade dans les grands mouillages populaires du sud de l’île.
Pour le moment, c’est devant Saint-Georges que nous mouillons l’ancre en milieu d’après-midi après une belle navigation, intégralement à la voile et au portant, enfin! La ville de Saint-Georges est coupée en 2 par une pointe rocheuse et s’étale sur les flancs des mornes avoisinants, autour du centre-ville et surtout au-dessus du bassin de Carénage. La lumière de fin de journée sur la ville et la belle végétation tropicale que nous retrouvons ici nous donnent rapidement une idée sur ce que Grenade a à nous offrir : Une capitale certainement intéressante à visiter et une île riche en végétation comme peuvent l’être la Guadeloupe ou la Dominique par exemple.
Pas de formalités à faire ici car Cariacou, d’où nous venons, appartient à Grenade. Nous pouvons directement commencer à explorer les lieux. Nous arrivons en annexe dans la marina et nous nous amarrons sur un petit quai proche de la route principale qui va à Saint-Georges. C’est un point de chute très pratique car se trouvent à proximité le magasin d’accastillage, un supermarché, une station-service, etc. En outre, il y a plein de bus ! Circulant sur des lignes établies (ou presque), ce sont des minibus privés- tous les mêmes, des Toyota Hiace- tous aussi avides les uns que les autres d’attraper de nouveaux clients. C’est super car nous n’attendrons jamais le bus plus d’une minute et le trajet coûte environ 50 centimes. De plus, les chauffeurs n’hésitent pas à faire un détour à la demande des clients. Comme en Dominique, ce bon réseau de bus nous évitera de louer une voiture tout en ayant plus de flexibilité dans nos déplacements. À pied, nous rejoignons Saint-Georges en longeant le bord de l’eau, c’est-à-dire le port de commerce et le bassin de Carénage. Ce dernier est très vaste et construit sur 3 côtés. Il est bordé de bâtiments de tous âges qui témoignent du caractère historique de l’endroit. Les plus beaux et anciens bâtiments ont été rénovés et abritent des administrations gouvernementales. De Carénage, il faut passer de l’autre côté de la pointe rocheuse qui coupe la ville en 2 pour rejoindre le centre-ville. On peut emprunter un tunnel, creusé il y a 3 siècles par les Français, ou emprunter une rue très pentue mais pleine de charme.
Le centre-ville est typiquement caribéen, grouillant de nombreux petits commerces. Il s’étend à partir de 2 pôles : La gare routière et le marché de poisson sur le bord de l’eau d’une part, et le marché extérieur situé un peu en retrait dans la ville. De là partent plusieurs rues commerçantes où nous reviendrons nous promener. Il y a même plusieurs supermarchés en centre-ville et le long de Carénage, malgré le développement de plusieurs centres commerciaux à l’américaine à l’extérieur de la ville. Espérons que les commerces resteront dans Saint-Georges et que celle-ci ne se transformera pas en ville fantôme comme Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France.
Les Photos
Prickly Bay
Après cette première découverte de Saint-Georges, Nous partons vers Prickly Bay le 24 Août au matin, distante d’une douzaine de miles seulement. Cependant, Prickly Bay est située un peu au vent de Saint-Georges et c’est donc au près que nous la rejoignons. Le courant à la pointe sud de Grenade étant assez fort, il nous pousse à aller virer beaucoup plus loin au large pour ensuite revenir sur Prickly Bay. Celle-ci est assez remplie, aussi bien par des bateaux sur bouée payable à la marina que par des bateaux à l’ancre. Nous trouvons un emplacement où ancrer, même si nous sommes un peu proche de notre voisin de gauche. Il faut dire aussi que les bateaux tournent beaucoup dans la baie avec les vents variables qui la balaient. Finalement, notre mouillage s’avèrera quand même bon car nous y resterons presque 3 semaines! Toute la baie, comme les suivantes, est bordée de villas ou petites résidences de villégiature luxueuses. Au fond de la baie, on trouve un chantier naval, une voilerie et un magasin d’accastillage « Budget Marine ». Aussi bien la voilerie que le magasin sont bien achalandés et les vendeurs très soucieux d’aider leurs clients. De l’autre côté de la baie se trouve une belle petite plage et la marina. Malgré sa faible capacité d’accueil (un maigre ponton et les bouées de mouillage dans la baie), la marina propose beaucoup plus à terre. Le restaurant-bar est installé dans un espace mi- extérieur très agréable car toujours à l’ombre et ventilé. Les tables sont toutes équipées de prises électriques pour charger les ordinateurs et autres tablettes. Évidemment, le wifi est disponible gratuitement. Autant dire, que nous passerons beaucoup de temps ici. De plus, la marina organise plein d’activités comme des soirées cinéma (pour enfants puis adultes), des cours de yoga, des soirées pizza, etc. Ici, comme dans les baies voisines, on réalise rapidement que de nombreux cruisers sont installés à Grenade pour plusieurs mois, en général pour la saison cyclonique. Les activités sociales sont coordonnées par une émission radio sur la VHF tous les matins. Outre les traditionnelles petites annonces, sont annoncées toutes les activités de la journée et des jours suivants. C’est ainsi que nous apprenons rapidement après notre arrivée que de nombreuses activités sont organisées pour les enfants, surtout dans la baie voisine où se trouve la marina Secret Harbour. Parmi elles, des ateliers de travaux manuels le samedi, journée barbecue-piscine le dimanche, yoga pour enfants le jeudi matin, etc. Finalement, je commence à comprendre comment nous avons pu y passer 3 semaines sans presque nous en rendre compte: Entre l’internet, les activités, les amis autour et les projets sur le bateau, le temps passe vite !
Côté projets de bateau, Daphné nous fabrique des superbes coussins de cockpit car nos fesses commencent à souffrir des lattes de bois ! Elle trouvera une plaque de mousse et surtout un excellent marchand de tissus à Saint-George proposant du tissu extérieur imperméable et très costaud. Mine de rien, quand on est à pied sous le soleil des Antilles et que l’on ne connaît pas les lieux, trouver et acheter les matériaux occupe déjà 2 bonnes journées. Dans la foulée de ce projet, elle réparera notre génois qui montre de plus en plus son âge et la housse de l’annexe. Il va sans dire que notre machine à coudre achetée en Martinique est déjà bien rentabilisée. De mon côté, mon projet principal est un projet de plomberie: Nous remplaçons notre pompe à pied d’eau de mer à l’évier par une pompe électrique. En effet, notre pompe manuelle montre de nombreux signes de fatigue après un an d’utilisation quotidienne et le prix de remplacement est assez élevé. La nouvelle pompe électrique nous permettra en outre d’avoir de l’eau de mer sous pression sur la jupe du bateau pour le nettoyage extérieur et pourra servir de pompe de cale de secours ou encore de remplacement à notre pompe d’eau douce car les 2 sont identiques et installées de façon à être interchangeables. J’aurai par contre un mal fou à trouver certains raccords ou des vannes de la bonne taille. Là encore, à pied et en bus, je passerai plusieurs jours à courir les magasins de bricolage pour rassembler le matériel nécessaire pour réaliser mon projet dans un budget raisonnable. Nous passerons également pas mal de temps sur internet à commander tout ce dont nous avons besoin pour le bateau et que la famille pourra nous apporter dans les prochains mois. Les filles ne sont pas en reste de ce côté et magasinent leurs cadeaux de Noël et cadeau d’anniversaire pour Phoebé. Elles aiment bien d’ailleurs aller faire de l’internet toutes seules au bar de la marina. Elles apprécient l’autonomie que leur offre ce genre d’environnement. Elles occupent le reste de leur temps à jouer sur Korrigan, sur Maïa ou à la plage et profitent des activités proposées par les marinas. Éléa et Émilie passeront des journées entières à jouer sur la jupe de Korrigan à fabriquer des « potions » avec des morceaux de feuilles ou fleurs qu’elles ramènent lorsqu’elles vont à terre et mélangent dans des bouteilles, flacons, etc. Quant à Phoebé, elle se retrouve un peu seule parfois car, d’un côté, elle est un peu grande pour les jeux d’Éléa et Émilie et de l’autre, Maïa préfère la compagnie d’autres enfants un peu plus âgés qu’elle.
De notre côté, les cours de yoga offerts par un instructeur Québécois furent l’occasion de rencontrer Pauline, une jeune française qui voyage en bateau-stop. Nous faisons plus ample connaissance avec elle dans les jours suivants. Elle cherche un bateau pour continuer son périple. Nous n’avions jamais considéré d’embarquer un équipier, mais nous avons tous, les filles y compris, un très bon contact avec elle et décidons de l’embarquer pour notre prochaine étape, Les Roques. Entre temps, Pauline nous présente une amie bateau-stoppeuse, Plume qui embarquera sur Maïa, eux aussi étant tentés par l’expérience. Nous serons désormais 10 à voyager de concert.
Le confort de ce mouillage et ses nombreux services, ainsi que nos divers projets de bateau ont quelque peu entamé nos ardeurs touristiques : Saint-George reste notre principale destination, ne serait-ce que pour faire des courses. On joint l’utile à l’agréable en s’y promenant, portés par son effervescence, ses couleurs et ses odeurs si caribéennes. Côté nature, nous irons passer une journée aux « Seven Sisters Waterfalls », des chutes situées au beau milieu de l’île. Par facilité, nous nous joignons à un groupe, tel qu’annoncé à la VHF le matin. La ballade et les chutes étaient très sympathiques mais y aller en groupe n’était pas la meilleure idée. Nous avons évidemment apprécié la fraîcheur de la forêt, de l’eau des cascades et le contact avec la nature mais le plaisir est loin d’être le même lorsqu’on se retrouve à 50 au pied de la cascade et qu’il faut avancer à la queue leu-leu dans la forêt derrière des personnes qui n’ont pas la forme physique pour marcher autre part que dans un centre commercial! Nous ne verrons donc qu’une seule chute des 7 chutes.
Pour l’anniversaire de Phoebé, nous lui proposons d’aller descendre une rivière en bouée pour lui offrir une activité spéciale pour ses 10 ans. Nous voilà donc repartis avec l’équipage de Maïa passer une autre journée en rivière. La descente en bouée était vraiment une attraction pour touristes: Le débit de la rivière était assez faible et tout le long, des locaux devaient nous pousser ou nous dégager des nombreux rochers! On se sentait un peu ridicules mais nous nous sommes bien amusés dans l’eau avec les enfants. Nous avons pu aussi constater l’ampleur de la culture du cacao: Les cacaotiers s’étalent à perte de vue en bordure de la forêt ou dans les clairières. Nous avons ainsi pu ramener plusieurs cabosses, trouvés sur des arbres à l’abandon. Nous pourrons donc faire un nouvel essai de fabrication de cacao en poudre. Pour ses 10 ans, Phoebé a aussi eu un superbe repas de sushis, sashimis, makis et ceviche. Après être allés acheter un petit thon et une petite daurade coryphène au marché de Saint-George, Laurent et Daphné se sont mis en 4 pour préparer ce beau festin et une très belle soirée. C’est déjà son deuxième anniversaire que nous fêtons à bord.
Les Photos
Incertitudes
Peu après notre arrivée à Prickly Bay, nous avons commencé à organiser la suite de notre parcours. En effet, devant récupérer mes parents, Claude et Josiane, à Bonaire à la mi-octobre, nous devons rapidement notre séjour à Los Roques, ces îles au large du Venezuela dont nous rêvons tous. La situation politique et sociale au Venezuela s’aggravant d’années en années, nous savions que l’archipel de Los Roques, situé à presque 150 kilomètres du continent, était le dernier endroit sécuritaire que nous pouvions visiter dans ce pays. Les îles plus proches du continent comme Margarita ou Los Testigos sont de plus en plus risquées avec de nombreuses attaques de plaisanciers, souvent accompagnées de violence ou de meurtre. Cependant, les récents développements de la crise Vénézuélienne et les nombreux bruits de ponton qui circulent à Grenade sur Los roques nous ont poussé à faire sérieusement et objectivement nos devoirs pour savoir si nous pouvions réellement visiter ces îles de façon sécuritaire. Les revues de presse sur internet nous ont confirmé la situation catastrophique sur le continent: armée de plus en plus puissante qui contrôle les ports et la distribution de la nourriture, urgence humanitaire dans certaines régions à cause la pénurie de médicaments, etc. mais rien, sur Los Roques. Cependant les médias sociaux (Facebook, Instagram, Trip Advisor) nous ont confirmé que des touristes étaient en ce moment aux Roques ou en revenaient, sans souci. Pour avoir l’heure juste sur la situation, nous avons donc travaillé à établir des contacts sur place: propriétaire d’une école de kite-surf, agent de douane et immigration ou encore des propriétaires de posadas (bed & breakfast). Les contacts ont été faits par email ou téléphone grâce à Pauline, notre équipière qui parle couramment espagnol. L’ensemble de ces témoignages ont convergé vers la même version: Tout est calme et normal aux Roques. Certes, l’approvisionnement en nourriture peut être irrégulier, mais aucun problème d’insécurité ou lié à la toute-puissance de l’armée. En outre, nous avons appris que les rumeurs entendues concernaient des faits qui s’étaient passés non pas aux Roques mais aux Testigos. Ce travail d’équipe nous a permis d’envisager sereinement d’y aller, tout en étant sur nos gardes: J’ai bricolé un système d’alarme avec des sirènes récupérées et avons préparé un plan antipirate. En outre, en faisant ce genre de travail, il est apparu évident que les Grenadines ou même Grenade où nous sommes présentement sont le théâtre de bien plus d’agressions que l’on ne s’était imaginé…
Maintenant que l’anniversaire de Phoebé est passé, nous passons en mode « préparation au départ » et quittons le mouillage de Prickly Bay le 20 Septembre, pour rejoindre brièvement Saint-George d’où nous partirons le lendemain pour Los Roques. Cette journée est mise à profit pour compléter l’approvisionnement et visiter le très intéressant petit musée du cacao. Le cacao de Grenade est un cacao au goût très fruité et riche, je vous le conseille si jamais vous en trouvez. La production est principalement bio et se trouve sous les marques « The Grenada Chocolate Company » ou « Jouvert ».
Super le repas d’anniversaire.
Je pense que le séjour au Vénézuéla s’est bien déroulé.
En tout cas prudence et bon vent .
Bravo pour les photos et ce beau récit .
Nous rêvons .