Navigation vers Gran Roque
Nous partons de Saint-Georges mercredi matin, le 21 Septembre au lever du soleil. Nous apercevons rapidement Maïa qui était resté à Prickly Bay. Nous sommes donc bien synchronisés pour faire la route ensemble. Par précaution, nous avons convenu d’un canal radio sur lequel nous communiquerons, sans l’annoncer. Les maigres 10 nœuds de vent qui nous poussent sont un peu insuffisants pour maintenir une vitesse correcte. Nous gardons donc un peu de moteur et faire ainsi de l’eau par la même occasion. À la mi-journée, le vent devient suffisant et nous avançons tranquillement, 4.5 nœuds, sur une mer très belle.
Le jeudi matin, au lever du soleil, Maïa nous a un peu distancés et souhaite continuer sur le même tempo pour arriver avant la nuit le jour suivant. Sur Korrigan, personne n’apprécie le moteur, bien plus bruyant que sur un catamaran. Nous décidons donc de nous en passer et d’arriver quand on arrivera. Le vent est un peu plus au travers et nous confère une vitesse raisonnable. La mer est toujours aussi belle et le confort est total à bord. Ça ne bouge pas, ça glisse gentiment. Pour couronner le tout, quelques dauphins viendront nous rendre visite.
Vendredi 23 Septembre, même scénario, toujours des conditions clémentes de mer et de vent. Cependant, en après-midi, le vent se renforce au fur et à mesure que nous approchons de Gran Roque. Nous avons 20 nœuds bien établis lorsque nous contournons Gran Roque par le Nord. Sous cette approche, il n’y a aucun danger car nous restons sur l’extérieur de l’archipel, dans des eaux profondes. Nous mouillons finalement l’ancre vers 22h30 à proximité de Maïa. Ils sont arrivés en fin d’après-midi mais ont 2 mauvaises nouvelles: Leur dessalinisateur ne fonctionne plus et leur moteur d’annexe est malade. Évidemment, ces pépins surviennent juste après le départ de Grenade où les pièces auraient été faciles à trouver….
Nous nous couchons avec cette curiosité de découvrir à la lumière du soleil un endroit inconnu dont on imagine seulement les contours en arrivant de nuit.
Gran Roque
Samedi matin, les formalités d’entrée sont notre premier prétexte pour aller découvrir Gran Roque. Je vais donc à terre avec Michal, Plume et Pauline qui nous serviront d’interprètes. Pour effectuer les formalités, nous traverserons plusieurs fois le village pour nous rendre aux bureaux de l’immigration, des garde-côtes, de la garde nationale, du parc naturel et de la perception des droits d’entrée dans le parc. En effet, Gran Roque est un espace naturel protégé dont l’accès est payant pour quiconque qui y met les pieds. En outre, notre durée de séjour est limitée à 2 semaines. Ces allers-retours dans le village nous permettront de nous imprégner de l’atmosphère des lieux. Tout d’abord, il n’y a pas de rues goudronnées dans Gran Roque. Le village est posé sur le sable et malgré l’aridité de l’île, les rues sont souvent arborées. Mais ce sont surtout les nombreuses pousadas – petits hôtels / gîtes de quelques chambres- qui donnent au village tout son charme. Celles-ci sont décorées avec goût et simplicité, fleuries et disposent toutes de beaux atriums ombragés pour les heures les plus chaudes de la journée mais aussi de terrasses pour profiter des riches couleurs de la fin de journée. En revenant l’après-midi et dans les jours suivants, nous pourrons plus amplement profiter de ce petit bout de paradis qui ne semble pas partager grand-chose avec la dure réalité du Venezuela continental. Il n’y a pas de doute que nous ne sommes plus aux Antilles mais en Amérique latine : Ici, on vit dans la rue – ou plutôt sur le sable – qui s’anime au gré de la musique, des bonnes odeurs qui émanent des petits restos où l’on mange des empenadas ou arepas pour trois fois rien.
Nous anticipions un peu les formalités administratives ici. Tout se déroulera très facilement et l’accueil est très chaleureux, en particulier chez les garde-côtes qui sont très relax et amicaux. Le plus bizarre dans tout cela est de changer notre argent pour des bolivars : Nous changeons 150 US dollars, au marché noir évidemment car il n’y a pas de banque, et nous nous retrouvons avec un gros sac à dos rempli de bolivars! L’après-midi, nous nous surprendrons à aller à l’épicerie avec 4 grosses liasses de billets et manquer d’argent pour payer quelques fruits et légumes! C’est au moins un exemple très concret pour expliquer aux enfants ce qu’est l’inflation (celle-ci a atteint 800% en l’espace de 2 ou 3 ans au Venezuela). Par contre, le petit supermarché offre un vaste choix de légumes et fruits que nous n’avons pas vu depuis longtemps. Quelle belle surprise pour nous qui pensions que les denrées seraient rares sur l’île ! Par contre, pour les habitants de l’île, les rayons de produits manufacturés sont désespérément vides depuis que les industries étrangères installées au Venezuela ont claqué la porte aux politiques agressives de Chavez. Pour le reste, les gens ont l’air de bien vivre ici, certainement grâce au tourisme et ses devises étrangères qui ignorent l’inflation galopante du Bolivar qui étrangle les familles sur le continent.
L’atmosphère et l’accueil auquel nous avons eu droit sont un véritable délice, surtout après tous les doutes que nous avons eu sur cette destination. Nous savons déjà que nous avons bien fait de venir ici. Seule ombre au tableau : La météo nous annonce une dépression tropicale, la plus Sud de la saison, qui nous arrive droit dessus la semaine prochaine. Aïe.
Les Photos
Francisqui
Dimanche matin, nous partons pour Francisqui, l’île la plus proche de Gran Roque, située seulement à 3 petits miles nautiques. L’endroit est réputé être un bon spot de kite. En s’approchant, nous découvrons les couleurs de la mer dans l’archipel : Celle-ci est une mosaïque de bleu et de turquoises au milieu de laquelle s’éparpillent des ilots de sable blanc ou recouverts de mangrove. Comme les fonds tombent très rapidement, les contrastes de couleur dans la mer sont saisissants.
Nous ne serons pas tous seuls à Francisqui, de nombreux bateaux, voiliers comme petits yachts sont à l’ancre ici. En regardant de plus près, ils sont tous Vénézueliens. Il semblerait que de nombreux riches vénézuéliens viennent se cacher ici sur leurs yachts. Le ballet des jets privés sur la minuscule piste d’atterrissage de Gran Roque semble le confirmer. Les voiliers Vénézueliens semblent être pour la plupart des bateaux de charters. Le vent étant un peu faible pour kiter aujourd’hui, nous passons le reste de la journée à la plage, sur la minuscule île d’Élias qui y a construit une parfaite maison de plage sur pilotis. Cet ilot paradisiaque héberge aussi une petite école de kite. Lundi, le temps est toujours au grand beau fixe et le vent un peu faible. Notre petit groupe retrouve son rythme et ses habitudes de mouillage : Les enfants jouent sur un bateau ou l’autre ou encore sur la plage, certains partent faire du snorkeling alors que d’autres s’adonnent au macramé ou encore au backgammon. Le snorkeling vaut vraiment le coup car les coraux sont peu profonds (moins de 3 ou 4 mètres) et la visibilité excellente. Nous visitons un beau champ de grosses patates de corail rondes qui hébergent une multitude de poissons coralliens en tout genre. Lundi soir, Daphné Durga organise une petite séance de yoga sur la plage. Nous faisons connaissance de Willy, qui vit sur l’île et nous propose un repas de langoustes le lendemain soir. Ça ne se refuse pas! La séance de yoga aura lieu sous la belle hutte construite récemment pour une fête privée. Par contre, les yins-yins ne connaissent pas les frontières et attaquent aussi fort qu’aux Antilles au coucher du soleil…..
Mardi matin, alors que Daphné et Laurent optent pour le kite, encouragés par un alizé un peu plus fort, Pauline et moi accompagnons Willy et son ami pécheur Vladimiro à la pèche aux langoustes et aux lambis. C’est une belle occasion pour découvrir le grand lagon qui s’étire au Sud de Francisqui. Ici, on slalome entre les récifs de coraux et les bancs de sable, tous seins d’une belle couronne d’eau turquoise. Vladimiro chasse les langoustes par 15 mètres de fond environ. Sa résistance en apnée est impressionnante. Il pèche 6 belles langoustes avant de passer à la prochaine activité, la pèche aux lambis. Ça ne durera que quelques minutes : Nous avons à peine le temps de le voir lâcher les commandes du bateau et se jeter à l’eau qu’il en ressort avec 5 ou 6 lambis dans les bras. Alors que Willy nous emmène vers notre prochaine étape, Vladimiro nettoie les lambis en quelques minutes. Il est aussi doué pour la pèche à la ligne : il remontera 3 beaux mérous pendant que Willy, Pauline et moi restons bredouilles. Daphné et Laurent sont tous deux sur l’eau lorsque nous rentrons. Je vais directement les rejoindre, en SUP, pour faire ma première session de kite aux Roques. Le vent est encore léger mais l’endroit est tellement beau que le plaisir est au rendez-vous. L’après-midi, le vent monte suffisamment pour que nous puissions tous kiter. En fin de journée, avant que le soleil ne se couche car il n’y a pas d’électricité sur l’île, nous partons tous chez Willy pour participer à la préparation du repas. Sa petite maison sur le bord du lagon et son environnement ne manquent pas de charme. Selon où l’on regarde, on pourrait se croire en Méditerranée, aux Antilles ou encore en Afrique. Cet endroit semble planer hors du temps et de l’espace. Sous la belle lumière de fin de journée, nous participons à la préparation des langoustes et des arepas, ces petits beignets de farine de maïs. Nous goûtons aussi au caviar de langouste et à un délicieux ceviche de lambis, préparé avec un jus de citron vert et un peu de bière. C’est finalement dans la nuit noire que nous mangerons nos langoustes, sans ustensiles ni sauce.
Les Photos
Mercredi, la météo nous confirme le passage de la dépression tropicale Matthew. Chaque jour, sa trajectoire et son lieu de transformation en ouragan varie mais une chose est sûre, elle ne passera pas loin d’ici et nous ne serons pas épargnés. Nous replaçons les bateaux en conséquence car au passage de la tempête dans notre Nord, le vent tournera à 360 degrés. Chaque bateau doit donc disposer d’assez d’espace pour tourner, surtout que le mouillage est assez profond (13 mètres). Le vent est assez fort aujourd’hui et nous passerons le reste de la journée à kiter. Nous sommes loin des conditions idylliques des Grenadines avec ses plans d’eau ultraplats. Ici, c’est plus clapoteux, mais on peut facilement se balader d’un îlot à l’autre. Nous allons ainsi plusieurs fois à Cayo Pirata, située à 2 ou 3 miles de Francisqui. Entre la mangrove et le petit village, l’eau y est très plate et belle. Dans la nuit de mercredi à jeudi, changement de décor: Le temps est gris et pluvieux et le niveau de l’eau a augmenté significativement avec l’arrivée de la tempête annoncée par la houle. La houle part à l’assaut de la maison sur pilotis d’Élias et de ses huttes à planches à voile. Avant la fin de la journée, la taille de l’île a réduit de moitié et la maison n’est plus accessible sans se mouiller. Le reste de la baie où nous sommes ancrés est encombré d’algues. Nous sommes pris entre courants et contre-courants amenés par la houle qui passe par-dessus les barrières de corail. Pendant que Pauline fait son cours de diététique aux enfants, je pars avec Plume sur un des îlots avoisinants pour y ramasser des trésors que la houle aurait pu échouer sur la plage. L’îlot est à moitié recouvert par la mer qui se brise sur les troncs des arbres qui, hier, étaient encore à quelques dizaines de mètres du rivage. Les malheureux Bernard l’ermite tentent d’échapper aux vagues en se réfugiant dans les arbres. Nous reviendrons avec de beaux coquillages, coraux et morceaux de carapace de tortue. De quoi alimenter plusieurs petits projets!
En fin de journée, le vent se rétablit au secteur Est et se met à souffler dans les 15-20 nœuds. La soirée se passe calmement jusqu’à 22 heures. Il n’a fallu plus que 25 nœuds de vent pour que le grand bal des bateaux qui dérapent ne commence. Ce sont tout d’abord les petits yachts qui chassent. Ils ont l’air d’avoir beaucoup de mal à se replacer. Plusieurs dinghys sont autour, ça crie, éclaire dans tous les sens. Beau bazar, mais nous nous y attendions avec ce genre de bateaux qui passent beaucoup de temps dans les marinas et ont des ancres sous-dimensionnées. De notre côté, nous ne nous faisons pas de souci car nous avons 65 mètres de chaîne à l’eau et le vent n’est pas si fort que cela. Un peu plus tard, le vent monte encore un peu et plusieurs voiliers commencent à déraper. On prend alors cela un peu plus au sérieux et commençons à organiser le bateau pour être prêt à manœuvrer. Au cas où…Pendant ce temps, notre voisin dérape. Évidemment, c’est chaud, il passe proche en essayant de remonter son ancre et peine ensuite à se ré-ancrer. C’est à notre tour peu de temps après de commencer à glisser. Nous démarrons le moteur et je travaille à maintenir le bateau dans l’axe du vent pour soulager l’ancre. Nous ne voulons pas partir de suite avec l’autre bateau qui continue à ne pas arriver à se ré-ancrer. Cependant, nous avons du monde derrière nous et au bout d’un moment, nous n’avons que d’autres choix de remonter notre mouillage et essayer de raccrocher plus loin. Nous ne nous faisons pas trop d’illusions sur nos chances de réussite en regardant autour de nous : La majorité des bateaux qui ont décroché avant nous essayent encore de se ré-ancrer. En étant 3 avec Pauline pour manœuvrer, nous sommes efficaces, avec Daphné aux commandes et moi au guindeau et Pauline sur le pont à aider à l’avant comme à l’arrière. Éléa dort, Phoebé est réveillée et a compris ce qui se passe. Après 3 tentatives infructueuses, notre autre voisin, un français faisant du charter ici, nous crie d’essayer proche du récif. Bonne idée, ici les courants ont amené une quantité d’algues incroyable qui font glisser les ancres, surtout avec autant de fond… et de vent. Nous avançons donc vers le récif, sans le voir avec toutes les lumières sur l’eau et l’absence de lune. Notre carte semble assez bonne et j’ai nagé et kité dans ce coin. Je sais que le fond remonte dans les 2 mètres et qu’il n’y a que du sable. Lorsque le profondimètre nous indique 2 mètres, nous mouillons l’ancre. Avec 35 mètres de chaîne, évidemment, ça tient dur comme fer. Nous aurions dû penser à venir ici avant. Dans le stress de l’action, nous n’y avions pas pensé. Je passerai quand même le reste de la nuit à veiller devant un film…. comme sur les autres bateaux.
Le lendemain matin, nous apprécions la précision de la manœuvre de la nuit dernière. Notre ancre est enterrée peu avant le récif et un autre nous longe sur bâbord à environ 50 mètres. Le vent est toujours assez fort le vendredi et malgré la nuit agitée ou blanche, nous faisons 2 belles sessions avec Daphné et Michal qui elle, préfère reprendre sa planche à voile pour ce genre de conditions. Maintenant que l’affreux Matthew est passé, nous devons nous organiser pour continuer notre découverte des Roques car le temps passe et nous n’avons plus qu’une dizaine de jours à passer dans les Roques.
Superbes photos …
Par contre leçon de diététique pour es enfants …pendant que les parents mangent les langoustes…
Pour la monnaie nous connaissons aussi un pays ou à l’époque nous étions payés en pesant la monnaie ..
Pour le bolivarisme , nous avons en France un candidat à la présidence qui est nostalgique de cette période et qui fait l’apologie de Chavez …
Bon vent à tous les équipages..
Le passage de la depression tropicale semble avoir ete une aventure, mais on dirait que le vent n’a jamais ete tres fort mais il a fortement tourner rapidemment si je comprends bien. Je me demande aussi ou vous mettez ces 60 metres de chaine. Ca doit prendre de la place et peser une tonne.