Arrivée à Curaçao – Willemstad
Nous partons des Aves un peu plus tôt que la dernière fois que nous avons quitté ce même mouillage pour nous rendre vers Bonaire. En effet, la route à parcourir pour se rendre à Curaçao est un peu plus longue, d’environ vingt-cinq miles nautiques et de surcroît, le vent est moins fort. Comme la dernière fois, nous contournons largement les Aves de Sotavento par le Sud et cette fois, nous poursuivons notre route à l’Est pour passer au Sud de Klein Curaçao, avant de remonter vers la côte sous le vent de Curaçao. C’est une belle navigation, calme car les conditions de mer et de vent sont clémentes avec un beau clair de lune la nuit. Nous aurons cependant une bonne montée d’adrénaline lorsque, pendant le quart de Daphné, cette dernière entend un bruit de moteur dans la nuit, de plus en plus fort, sans arriver à ne discerner aucune lumière sur l’eau. Elle vient donc me réveiller. Je m’attends à devoir tendre l’oreille pour déceler l’origine d’un ronronnement de gros moteur diesel. Pas du tout : C’est un bruit de moteur hors-bord assez fort qui nous indique que c’est un petit bateau qui s’approche très vite. J’attrape le projecteur et balaye la mer : Une lancha (grande barque de pèche vénézuélienne) nous passe juste devant, à moins de 50 mètres. Elle est toute éteinte et visiblement, son conducteur ne nous avait pas vu, certainement plus occupé à disparaître rapidement des eaux Néerlandaises : Une lancha lancée à pleine vitesse, sans lumières, en direction du Venezuela et probablement en provenance de Bonaire doit certainement faire un trafic quelconque….On met quelques minutes à reprendre nos esprits. Le reste de la nuit est parfaitement calme et nous arrivons vers 8h30 au point d’approche de Spanish Waters, grande lagune et un des rares mouillages de l’île. Nous y rentrons par un canal assez étroit et, devant nous, s’étale ce vaste plan d’eau intérieur formé de plusieurs bras et encombré de hauts-fonds. Il y a 4 zones de mouillage autorisées qui, d’après le petit guide que nous avons et d’autres plaisanciers, sont souvent très encombrées. Nous devons être chanceux car nous trouvons à nous ancrer sans problème dans la zone de mouillage située juste à côté du Curaçao Yacht Club. Celle-ci est surtout située non loin d’un ponton où l’on peut laisser notre annexe et attraper un bus au bout de la rue pour Willemstad, la capitale. Nous partons d’ailleurs dès le milieu de la matinée pour Willemstad afin d’aller y faire nos formalités d’entrée. À l’arrêt de bus, nous retrouvons Pascal et Claudine, les Bretons rencontrés à Bonaire. Eux aussi viennent d’arriver et partent faire leurs formalités. Nous faisons donc le chemin ensemble jusqu’au bureau des douanes, notre premier arrêt. Dès le premier coup d’œil, la ressemblance avec Amsterdam est marquante : La ville est scindée en deux par un large plan d’eau que l’on peut traverser grâce à une passerelle mobile et deux petits canaux s’étirent dans la ville, comme à Amsterdam. L’architecture est aussi très semblable avec des maisons mitoyennes à haute façade, des rues pavées et des ruelles en arrière des rues principales qui, si le climat n’était pas aux antipodes de celui de la Hollande, nous transporteraient directement aux Pays-Bas…et 15 ans en arrière pour Daphné et moi!
Les formalités nous prendront tout le reste de la journée : En effet, après les douanes où je passe une bonne heure car l’agent à qui je fais affaire ne tape sur son clavier qu’avec un seul doigt, il faut ensuite aller sur l’autre rive à l’immigration. Le bureau de l’immigration est situé dans une zone sécurisée où accostent les paquebots de croisière. Après avoir montré patte blanche, il faut ensuite marcher presqu’un kilomètre le long des quais, entre les entrepôts avant de trouver le fameux bureau. En outre, les agents de l’immigration exigent que l’ensemble de l’équipage du bateau soit présent (ce qui est une exception car dans tous les autres pays, uniquement le capitaine est autorisé en théorie à venir à terre avant que les formalités soient effectuées). Certes, nous prendrons le temps de nous promener un peu dans Willemstad et de déjeuner en terrasse, mais nous ne repartirons qu’en fin d’après-midi, notre « clearance » en main. Évidemment, les formalités de sortie seront aussi longues et pénibles. Avant de reprendre le bus, nous nous arrêtons au curieux marché flottant de Willemstad. Ce ne sont que des bateaux Vénézuéliens qui, alignés touche-touche le long du canal principal, vendent ….tous les mêmes produits. Certes, ceux-ci sont plus frais et plus acceptables d’un point de vue environnemental que les produits Européens ou Nord-Américains que nous trouvons à Bonaire, mais ça manque de diversité. Nous étions bien mieux lotis au Venezuela. Nous apprenons que le Venezuela bloque l’exportation de ses produits frais vers les ABCs, sous prétexte de crise alimentaire. C’est, à priori, une mauvaise excuse, car les fruits et légumes produits au Venezuela ne manquent pas là-bas à la population et leur vente aux ABCs pourraient amener quelques devises étrangères bien nécessaires pour acheter des produits manufacturés introuvables au Venezuela. Fin de la parenthèse géopolitique….
Durant notre court séjour à Curaçao, nous reviendrons nous promener à Willemstad car, si le reste de l’île ne présente que peu d’intérêt, Willemstad est une ville agréable pour les promeneurs, tout comme le sont les villes hollandaises que je connais. Les rues piétonnes et commerçantes, les petites places ombragées, les maisons multicolores joliment rénovées et le fameux pont mobile sont autant d’attraits pour nous qui n’avons pas vu une ville digne de ce nom depuis des mois! C’est juste dommage que le mouillage soit aussi loin et nécessite soit une voiture ou un long trajet de bus dans les embouteillages pour venir profiter de cette jolie petite ville. Comme je le mentionnais précédemment, la ville est composée de deux grands quartiers séparés par un plan d’eau qui mène au port commercial et aux raffineries : Punda qui abrite le centre-ville, touristique et de l’autre côté du pont, Ostrobanda, quartier plus résidentiel et populaire. Dans ce quartier, nous nous approchons souvent plus de l’Amérique latine que de la Hollande : Ça parle Espagnol dans les rues et il y a de nombreux commerces Vénézuéliens, comme ce restaurant où nous déjeunerons lors d’une de nos visites à Willemstad. Nous tomberons aussi sur un curieux magasin, ou plutôt une caverne d’Ali Baba tenu par un immigrant Libanais, bien loin des commerces polissés du centre-ville, dédiés aux passagers des paquebots de croisière. Tous ces mélanges de style – Hollandais, Caribéen et Latino rendent la ville agréable, vivante et très photogénique. Les photos qui suivent en témoigneront, je l’espère.
Les Photos
Kura Hulanda
Sur la rive Ouest de Willemstad, dans le quartier Ostrobanda se trouve un lieu bien particulier nommé Kura Hulanda. Il s’agit d’un quartier de 7 blocs entièrement rénové avec soin et goût qui abrite un complexe hôtelier et un musée. De belles anciennes maisons bourgeoises abritent réception et restaurants de l’hôtel alors que d’anciennes demeures plus modestes servent de chambres, ou plutôt de suite. On déambule donc dans un beau quartier, aussi propre et manucuré que Disneyland (voir les photos ci-contre et ci-dessous) qui est en fait un quartier privé, entièrement remis à neuf par un riche mécène hollandais. Le musée Kura Hulanda réserve aussi son lot de surprises. En effet, il est entièrement dédié à l’Afrique et son peuple avec des artéfacts d’une grande richesse comme ces reliques Mésopotamiennes datant de plus de deux siècles avant JC ou encore une aile complète remplie d’objets d’arts, bijoux et armes datant des riches royaumes d’Afrique de l’Ouest qui prospéraient au Moyen-âge. Cependant, le cœur du musée est dédié à la traite des Noirs, à l’esclavage et au commerce triangulaire. Ce musée est d’une richesse exceptionnelle même si l’ensemble manque d’explications et de pédagogie. Ce sera néanmoins une bonne opportunité pour expliquer de nombreuses choses à Phoebé sur cet odieux commerce que fut l’esclavage et sur la lutte contre le racisme qu’ont mené les grands leaders Noirs comme Malcom X ou Martin Luther King au vingtième siècle. Le quartier Kura Hulanda continue de s’agrandir avec d’autres maisons en rénovation. C’est définitivement une des belles surprises de Curaçao.
Les Photos
Visite de l’île
À l’opposé de Willemstad et de Kura Hulanda, la visite de l’île fut une belle déception pour nous tous. N’ayant d’autre choix que celui de louer une voiture pour découvrir l’île, nous louons un véhicule pour 2 jours, pensant trouver au moins quelques belles plages ou des endroits agréables où se promener. En réalité, l’île est à l’image des abords de Spanish Waters où nous sommes ancrés : La côte est une succession sans fin de villas et d’immenses complexes hôteliers. Certes, il y a quelques plages dans le Nord-Ouest de l’île mais celles-ci sont en général petites et prises d’assaut par les touristes. Quant aux villas, plus elles sont récentes, plus elles sont énormes et luxueuses. À se demander comment est-ce possible qu’il y ait autant de millionnaires que cela pour investir un ou plusieurs millions de dollars dans une maison de vacances sur une île aride comme Curaçao. Par curiosité, nous irons dans un grand complexe hôtelier pour aller boire un verre dans un des beach bars qui y font légion. Les plages y sont aussi artificielles que le reste dans ces immenses ensembles immobiliers qui comptent au moins un parcours de golf, des villas, un spa, hôtel, restaurant, mini-marina pour faire classe, etc.
Seule la côte Nord peut présenter un intérêt avec sa côte corallienne déchirée en-dessous de laquelle s’engouffre la mer, qui ressort par de nombreux souffleurs ou encore creuse des tunnels sur plusieurs dizaines de mètres. Pour couronner le tout, le trafic automobile est effroyable : Dès le milieu de l’après-midi, tous les abords de Willemstad sont dans les embouteillages et nous mettrons un temps fou à revenir, rendant même la voiture très en retard au loueur. C’est donc sans regret que nous levons l’ancre après 4 jours, histoire d’aller profiter un peu de la petite île de Klein Curaçao, située sur le chemin du retour vers Bonaire. Nous quitterons toutefois Curaçao sur une note positive en allant faire le plein de gazole de Korrigan au Curaçao Yacht Club : Le carburant vaut ici environ 65 centimes d’euros ou dollars US. Belle affaire donc de remplir tous nos réservoirs ici, surtout que ça n’arrive pas souvent!
Les Photos
Klein Curaçao
Revenant vers l’Est pour se rendre à Klein Curaçao, nous avons donc le vent dans le nez. Les 19 miles nautiques qui nous séparent en ligne droite de la petite île se transforment donc en presque 30 miles, 27 pour être exact, car nous devons louvoyer en nous aidant un peu du moteur car, de toute façon, il faut faire de l’eau. En effet, l’eau était tellement de mauvaise qualité à Spanish Waters que nous devons faire sans tarder de l’eau. Nous atteignons Klein Curaçao après 6 heures de navigation et arrivons là-bas en milieu d’après-midi, lorsque les bateaux qui emmènent les touristes à la journée repartent. Comme les fonds sont un mélange de sable et de corail et que l’espace où nous pouvons mouiller est assez restreint, nous choisissons de mouiller sur une bouée. Quel changement vis-à-vis des eaux troubles de Spanish Waters! L’eau est translucide et turquoise, comme elle l’était aux Aves. Tout le monde est bien ravi de retrouver un aussi bel endroit pour la baignade. La plage aussi est superbe et nous décidons par conséquent de rester une journée supplémentaire pour profiter de ce bel endroit et de ne partir que le 31 au matin pour Bonaire. Je négocie cela avec les filles qui veulent absolument fêter Halloween avec leurs amies de Maïa. Comme Halloween se célèbre le soir, j’ai gain de cause et nous aurons donc tout le temps pour nous baigner et profiter de la plage le 30 Octobre. Sur cette île complètement plate trône un petit phare flanqué de deux étranges bâtiments identiques et symétriques. Le tout est abandonné même le phare semble à l’abandon avec de nombreuses vitres cassées alors qu’il éclaire encore car nous l’avons vu la nuit de notre navigation vers Curaçao.
L’autre curiosité de l’île se situe sur la côte au vent où une grosse épave de navire, ou plutôt un immense tas de rouille rappelle l’utilité de ce phare. On y trouve aussi une épave plus récente, d’un beau voilier de 60 ou 70 pieds. Si les couleurs de ces cadavres de bateau sont magnifiques au coucher de soleil, elles font aussi froid dans le dos et rappelle au navigateur que la marge d’erreur en mer est parfois très fine….Après cette belle balade, nous finirons la journée tous ensemble sur la plage où nous sommes à nouveau seul car les touristes sont partis et nous sommes le seul voilier au mouillage. Je profite de la belle lumière de fin de journée pour tirer quelques portraits de la famille, le départ de mes parents approchant et le cadre de Klein Curaçao s’y prêtant beaucoup plus que celui de Kralendijk, à Bonaire.
Le 31 Octobre, nous quittons notre mouillage tôt le matin pour revenir vers Bonaire et tenir mes promesses auprès des filles qui ne pensent désormais qu’à Halloween. Le vent est vraiment faible aujourd’hui et c’est surtout au moteur que nous rejoignons le mouillage de Kralendijk que nous atteignons un peu après midi et où nous retrouvons Maïa.
les photos sont très jolies, c’est un bel endroit
Bonne année à tous le monde et bonne route vers le canal …!