Navigation de Cabo de la Vela à Santa Marta
Presque 150 miles nautiques nous séparent de Santa Marta. Au réveil, nous sentons déjà la houle rentrer un peu. Heureusement, le vent nous oriente correctement et nous ne faisons pas trop brasser. Il est temps de partir, même si le vent ne vient pas du tout de la direction indiquée par les fichiers météo. C’est donc au près que nous partons, certes, un peu trop vers le large,mais au moins, nous sommes à la voile. En partant,nous voyons que le catamaran qui était arrivé quasiment en même temps que nous lève aussi l’ancre mais se dirige franchement vers le fond de la baie. Je suis curieux car la carte n’indique aucun mouillage ni abri dans cette direction. Au contraire, le fond de la baie est très peu profond et à 7 ou 8 miles de la côte, il y a moins de 10 mètres de fond. Je l’appele donc à la VHF pour prendre contact. C’est un français qui me répond et me parle d’un plan plus ou moins foireux qu’on lui a indiqué. Surtout, il navigue seul et souhaite éviter les navigations de nuit et aimerait couper la route en deux. Comme nous partons vers le large, nous le perdons rapidement de vue. De notre côté, nous essuyons un bon grain, assez gros, qui nous oblige à virer pour ne pas repartir… vers Bonaire. En fait,le ciel est déjà très couvert et ce n’est qu’une succession de nuages de grains orageux sous lesquels se déchaînent pluie et vent. Beau programme…. Si les conditions de navigation ne nous gâtent pas, la pèche continue à être fructueuse car nous attrapons un autre thon. Un peu plus gros que le précédent. Plume et Pauline s’occupent de le nettoyer et débiter malgré l’inconfort – navigation au près, donc penchés, dans une mer qui se forme de plus en plus. Nous continuons toute la journée sur le même bord qui nous amène désormais vers le fond de la baie. Le cap et la vitesse ne sont pas mauvais et, au fur et à mesure que nous nous approchons de la côte, le vent adonne, c’est-à-dire nous permet d’aller de plus en plus dans la direction souhaitée, c’est-à-dire celle de Santa Marta. Peu avant le coucher du soleil, nous croisons à nouveau Minh, le catamaran avec qui nous avons dialogué le matin. Lui est sur l’autre amure et nous nous croisons très proches : Il a abandonné son idée de mouillage dans le fond de la baie qui s’avérait peu protégé et peuplé de hauts fonds. Nous continuons à améliorer toujours notre cap et bientôt nous sommes presque parallèle à la côte avec une vitesse qui ne cesse d’augmenter. Tout cela semble positif mais les conditions sont stressantes : Le ciel est de plus en plus chargé avec des grains, des orages qui éclatent de toute part. Les photos ci-dessous illustrent bien le ciel apocalytique qui nous accompagnera pendant ces 2 jours de navigation sous tension. En outre, nous voilà désormais dans une zone où les fonds varient entre 7 et 11 mètres seulement et notre trajectoire nous fait passer entre la côte et deux plateformes pétrolières. Ouf, ça passe et si nous continuons toute la soirée sur cette trajectoire, nous retrouverons bientôt de plus grandes profondeurs. Malheureusement, les orages se rapprochent, de plus en plus violents, occasionant temporairement un vent qui change complètement de direction en forcissant beaucoup, avant que celui-ci ne retombe. La nuit sera extrêmement pénible car nous alternerons les grains à 30 nœuds sous les éclairs avec les périodes de calme plat pendant lesquelles nous avançons au moteur. Je resterai debout quasiment toute la nuit pour prêter main forte à mes équipières. Le lendemain matin, le ciel est un peu plus dégagé (il faut comprendre que c’est nuageux mais tout noir et plombé) et le vent a complêtement disparu. La mer est jonchée de débris rejetés par les puissantes rivières qui dévalent l’impressionante Sierra Nevada de Santa Marta : Cette chaîne de montagnes côtières
culmine à 5500 mètres et pendant quelques minutes, nous aurons la chance de voir, entre deux strates de nuages, les neiges éternelles qui couvrent ses sommets. Rapidement, les montagnes se couvrent à nouveau. Leur vue nous a suffi à vraiment comprendre ce qui se passe dans cette baie. Tous les nuages poussés par le vent d’Est s’accumule contre les hauts sommets de la Sierra Nevada et déclenchent pluies et orages à répétition. Le vent est tellement faible que même notre spinnaker ne nous sauvera pas du ronronnement du moteur. Nous avançons donc péniblement toute la journée au moteur vers le redoutable cap que nous devons contourner avant de rejoindre Santa Marta, cachée derrière la chaîne de montagnes qui porte son nom. Au moins, l’absence de vent nous permettra de passer tranquillement ce cap qui est souvent comparé au Cap Finisterre en Espagne par la violence de la mer qui s’y lève. Dans l’après-mdii, nous croisons encore Minh à quelques centaines de mètres. Nous échangeons à nouveau quelques mots. Il s’arrêtera dans une des 5 baies situées dans le bout du cap car, étant seul, il ne souhaite pas rentrer à la marina de nuit. La fin de journée se termine sous une succession de grains qui nous amènent des rideaux de pluie forte que l’on voit nettement avancer vers nous, suivis de beaux arc-en ciels que l’on voit de bout en bout dans notre arrière. Tout autour, le ciel n’est qu’un dégradé de gris – clairs, foncés, bleutés – qui semblent être le décor habituel de cette région à la météo capricieuse. Minh n’est plus qu’un minuscule point blanc au pied des hautes falaises qui gardent les 5 baies. Quant à nous, nous poursuivons vers l’Ouest, vers Santa Marta que nous atteignons vers 22 heures, sous voile et moteur. Évidemment, de nuit, la situation est plus complexe qu’elle ne paraissait sur la photo aérienne que j’ai de la baie (la marina n’est pas indiquée sur ma carte). En effet, les feux des bouées d’aide à la navigation sont complètement noyés dans les milliers de lumières de la ville. De plus, la houle nous pousse fortement vers le fond. Pas terrible comme scénario surtout qu’avec ces vagues, il est inconcevable de mouiller l’ancre ici. Personnellement, avec la fatigue et ma vue médiocre, je suis complètement inutile et laisse les filles gérer. Elles trouvent peu à peu le chemin de la marina et peu après, nous voilà, temporairement, à quai, avec l’aide d’employés de la marina qui semblent être présents 24 heures sur 24. La houle entrant assez fortement dans la marina, nous nous replaçons sur un quai plus protégé, entre 2 petits yachts. Les gentils employés de la marina nous indique les sanitaires où nous allons prendre une bonne douche relaxante avant de rejoindre nos couchettes vers minuit pour une bonne nuit réparatrice.
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La vie à la marina de Santa Marta
Hormis notre petite excursion de 5 jours dans les 5 baies que je narrerai dans un prochain article, Korrigan est resté plus de 3 semaines à quai à la marina. Il faut dire que celle-ci possède bien des attraits : Faisant partie d’un gros groupe américain de marinas, elle s’intègre dans un nouveau quartier de bord de mer où fleurissent des tours à appartement de luxe et elle semble autant destinée aux riches colombiens qu’aux plaisanciers de passage comme nous. Ses prestations sont donc luxueuses, douches chaudes, salle informatique climatisée, excellent internet, laverie, surveillance 24 heures sur 24, etc. le tout à des tarifs très abordables, en comparaison de ceux pratiqués en Europe, USA ou aux Antilles. Outre le confort que la marina procure et l’indépendance qu’elle apporte à tous, surtout en étant 6 à bord, elle a le gros avantage d’être située directement en centre-ville. Phoebé et Éléa adorent l’autonomie qu’elles peuvent avoir dans l’environnement sécuritaire d’une marina. Elles peuvent aller seules aux douches, jouer sur l’esplanade, aller rendre visite à leur nouvelle mascotte, un bébé chat qu’elles ont surnommé « Noix de Cocotte » ou, surtout, passer du temps dans la salle informatique. Pompeusement nommée le « Captain Lounge », il s’agit d’une salle climatisée où l’on trouve des canapés et des bureaux pour travailler sur ordinateur. Elles prennent rapidement l’habitude d’y aller faire l’école. Par conséquent, tous les matins, elles partent à l’école. Peut-être ce rituel leur manque. En tout cas, ça leur fait du bien de changer d’environnement pour l’école, surtout que la chaleur est étouffante à Santa Marta. Étant désormais abrités derrière l’immense chaîne de montagnes de la Sierra Nevada, il n’y a ni pluie, ni vent pour nous rafraîchir. On ne peut rester dans le bateau sans transpirer à grosses gouttes. Tout le monde profite aussi pleinement des connexions internet pour communiquer, télécharger, regarder des vidéos, etc… Seul désagrément dans cette marina, les formalités administratives : La marina offre les services de l’agent, obligatoire en Colombie pour faire les papiers d’entrée, de sortie et pour obtenir le cruising permit. Par contre, l’agent est rarement disponible et il faut sans cesse lui courir après, le menacer pour obtenir quelque chose de sa part. Certains plaisanciers attendront presqu’une semaine pour obtenir leur zarpe, document officiel de sortie de la région administrative de Santa Marta. En effet, ici, pour rendre les choses encore plus difficiles, il faut faire des formalités d’entrée et de sortie pour chaque région.
À la marina, nous retrouverons Muse, le catamaran canadien du Nouveau-Brunswick rencontré à Curaçao ainsi que le couple de Bretons, Pascal et Claudine, rencontrés à Bonaire et Curaçao et ferons finalement connaissance de Charles-Henri, le propriétaire de Minh, le catamaran qui nous a accompagné en pointillés depuis Cabo de la Vela. Nous nous lierons d’amitié avec ce personnage haut en couleurs, non sans ressemblance avec le capitaine Haddock, professeur de piano qui a vécu 30 ans au Gabon. C’est agréable de nouer de nouveaux liens. Ces liens seront renforcés avec Charles-Henri par une triste situation : Celui-ci rentrera assez malade de notre randonnée à la Cité Perdue (voir article suivant) et son état ne fera que s’empirer au fil des jours suivants. Je l’emmènerai une première fois aux urgences où le médecin, plus soucieux de se mettre un demi-tarif de consultation dans la poche au noir que l’ausculter, fera un mauvais diagnostic. Aussi, lorsque nous rentrerons des 5 baies, nous apprendrons qu’il a été emmené inconscient 2 jours auparavant et est à l’hôpital pour une hémorragie à l’estomac. Nous resterons donc un peu plus que prévu à Santa Marta pour l’aider un peu dans cette épreuve. Plume et Pauline, prendrons le relais à notre départ pour Carthagène en emménageant sur son bateau. Ceci est juste une illustration de la solidarité des voyageurs en bateau qui n’existe pas qu’en mer.
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Santa Marta, la ville
Pour nous qui ne connaissions pas vraiment l’Amérique Latine, Santa Marta correspond à l’image que l’on se fait d’une ville de ce continent : Vivante, colorée, animée, bruyante. Ici, la vie se passe clairement à l’extérieur, elle déborde dans la rue. Il y a beaucoup de vendeurs de « bouffe de rue » pour reprendre l’expression Québécoise. Ceux-ci vendent de délicieuses limonades ou autres jus frais, des mangues vertes coupées et salés, des beignets, des brochettes, des arepas (petits pains de maïs garnis), etc. Bref, on peut manger à tout coin de rue et à toute heure de la journée pour une somme modique. Dans les artères commerçantes, il faut se frayer un passage sur les trottoirs surpeuplés et pris d’assaut d’un côté par les vendeurs ambulants et de l’autre, par les magasins qui débordent sur la rue, à grand renforts de décibels : Nombreux sont les magasins qui engagent un animateur qui vante les mérites du lot de culottes à 10 000 pesos dans son microphone, par-dessus de la musique populaire …toujours très forte. On est loin des centres commerciaux Européens ou Nord-Américains où l’on se fait remarquer si les roues de notre chariot grincent…. Ici, les petits commerces ont toujours leur place et les rues de Santa Marta en sont pleines. Les filles dénicheront d’ailleurs une super mercerie où elles feront un bon stock de fils à macramé et autres perles. Ces commerces sont encore organisés par quartiers : Je cherchais un produit pour nettoyer le dessalinisateur du bateau. Une fois que j’eu trouvé une ferreteria – quincaillerie -, il y en avait 6 autres dans la même rue. Celles-ci se trouvaient d’ailleurs dans une rue jouxtant l’énorme marché de Santa Marta. Celui- ci semble récent et remplace avantageusement l’ancien quartier complètement insalubre où s’entassaient les bouchers et poissonniers à même la terre battue sous des toiles de tôles. Le grand marché de Santa Marta est organisé sur 2 étages : Au rez-de-chaussée se trouve le poisson et la viande alors que le second étage est dédié aux marchands de fruits et légumes. Chaque commerçant est installé dans une petite stalle qu’il recouvre d’une bâche en son absence. Ils sont des dizaines, si ce n’est pas des centaines. Autant dire que nous n’avons jamais eu un tel choix de produits frais. Les commerces ne sont pas les seuls à investir la rue : Dans les quartiers moins commerçants, ce sont les occupants des maisons qui s’y installent en fin de journée avec leurs chaises et leurs haut-parleurs pour y passer la soirée en famille ou entre voisins. Nous devrions adopter ce mode de vie au Canada, quitter les cours arrières pour s’installer devant la maison et connaître nos voisins. Cela rendrait nos quartiers moins impersonnels (Nous étions le seuls dans notre rue à Pointe-Claire à nous installer devant la maison pour boire une bière et, ainsi, parler aux voisins qui reviennent chez eux ou se promènent avec chien ou enfants). Revenons en Colombie….Santa Marta est aussi une ville historique et sa cathédrale est a priori une des plus anciennes d’Amérique du Sud. Son quartier historique, articulé autour de plusieurs places et de rues piétonnes, a été joliment réhabilité avec le tourisme qui se développe à Santa Marta. Autour des quelques bâtiments historiques, se développent restaurants, bars, petits hôtels, etc. De nombreux policiers y patrouillent, témoignant d’un passé récent beaucoup moins calme qu’aujourd’hui. Ici, comme dans les autres quartiers, nous nous sentons en totale sécurité à toute heure du jour et de la nuit. D’ailleurs, les Colombiens ont le contact très facile et sont très accueillants envers nous, toujours prêts à discuter, nous demandant souvent ce que l’on pense de la Colombie et pourquoi nous y sommes venus. Même les vendeurs de souvenirs pour touristes ne sont pas harcelants, toujours souriants et prompts à la discussion. Si la bouffe de rue est bonne et abordable, celle des restaurants dépasse nos attentes : Les restaurants du quartier historique sont élégants, avec un décor mêlant souvent ancien et moderne et propose d’excellents plats à des prix dérisoires. En particulier, la viande y est excellente.
Tout est donc prétexte à aller en ville pendant les 3 semaines que nous avons passé à Santa Marta. Une course à faire, boire un petit café ou une limonade, etc. Pendant notre trekking à la Ciudad Perdida, Plume, Pauline, Phoebé et Éléa iront s’installer sur une petite place à l’ombre des arbres pour y faire du macramé alors que Phoebé fera sa première tentative de jouer de la guitare dans la rue. Seul le trafic automobile, un peu fou nuit au charme de la ville. Nous aurions pu y rester plus longtemps, surtout en étant installés à la marina en plein centre-ville.
Je me demande toujours si la nouriture et eau sont secure pour les faibles immunitaires Nord American peuvent supporter sans risque de tourista? Avez vous pris des precaution ?