Cette grande randonnée de 4 jours est devenue depuis quelques années une des attractions principales de cette région de la Colombie. Découverte dans les années 70 par deux braconniers qui se transformèrent rapidement en pilleurs de tombes, la Cité Perdue est une ville vieille d’environ 1500 ans, noyée dans la jungle que l’on atteint au terme d’une randonnée de 2 jours très exigeante physiquement. On ne peut s’y rendre qu’en étant accompagnés par un guide d’une des 3 agences accréditées. Plume et Pauline nous ont gentiment proposé de rester à Santa Marta avec les petites filles pour que nous puissions y aller. Voici le récit de cette aventure inoubliable.
Jour 1
Nous avons rendez-vous à Santa Marta à 9 heures devant l’agence Expotours où nous nous rendons en compagnie des autres personnes de la marina qui s’embarquent dans cette randonnée : Anny et Karl du catamaran canadien « Muse », leur couple d’amis Néo-Zélandais et Charles-Henri. Comme pour toute activité de groupe, tout le monde met un temps fou à se rassembler et nous partons finalement vers 10 heures. Nous nous entassons à 9, incluant le chauffeur dans un Land Cruiser. Nous faisons environ une heure de route asphaltée avant d’entamer la piste de terre qui nous amènera à notre point de départ. Nous faisons une halte à l’intersection où nous grignotons de bons petits beignets de pommes de terre et viande, accompagné d’un bon jus d’orange frais. La Colombie est le paradis des snacks! La piste est pas mal défoncée et ravinée par la pluie. Après environ une heure, nous arrivons à Machete Pelao, le village qui sera notre point de départ. Il doit son nom à la manière dont on y réglait les conflits dans le temps, à la machette. Ambiance! Pendant que les 4×4 sont déchargés et leur contenu transféré sur les mules qui nous accompagnerons, nous mangeons notre lunch, copieux et très bon. Ici, se croisent les groupes qui arrivent et ceux qui reviennent. Ces derniers priorisent tous la douche au repas!
Nous partons vers 13h30 et faisons rapidement une pause à la sortie du village pour une page d’histoire de la région. Les premiers fermiers s’y installèrent dans les années 50 pour fuir un conflit qui faisait rage dans le centre du pays entre les Libéraux et les Conservateurs. Ceux-ci décidèrent finalement de se partager le pouvoir tous les 4 ans. Ce contexte fut le terreau idéal pour la corruption, qui s’installa rapidement en Colombie. Ainsi naquit le mouvement des FARC qui souhaitaient y mettre fin. Dans ce climat chaotique, Les fermiers vécurent ici pendant longtemps de la culture de la marijuana, avant que celle-ci ne soit remplacée par celle de la coca. Ils durent aussi se protéger des FARCs et autres guérilleros qui cherchaient à s’approprier le fruit de leurs cultures en échange d’une protection armée. Bref, tout le monde finit par être armé et vivre dans le climat de violence dans lequel baignait la Colombie jusqu’à un passé récent. Aujourd’hui, drogue et armes ont désertés la région (a priori) et c’est le tourisme qui nourrit les habitants du village. Après cette page d’histoire, nous nous mettons réellement en marche et faisons notre première halte après une montée assez difficile en plein soleil qui ne dura pas moins de 45 minutes. Ça commence fort! Un vieux monsieur tient une sorte de buvette et y vend de l’eau et des jus qui sont les bienvenus. Un groupe chasse l’autre et nous n’avons pas l’impression de marcher dans la foule. Dans notre groupe, certains peinent déjà à suivre. Charles-Henri, Daphné, Karl, Anny et moi-même sommes aux avant-postes. Par contre, l’ami Néo-Zélandais de Muse semble être déjà à bout…Nous continuons notre chemin dans un paysage mixte de forêt et collines déboisées, toujours en montant. À la deuxième halte, judicieusement placée après une bonne montée, l’après-midi est déjà bien entamée et les nuages s’accumulent sur les montagnes. La pluie commence alors qu’on se régale et désaltère avec de la pastèque. En repartant, nous ne voyons toujours pas le couple Néo-Zélandais. Nous apprendrons le soir que le monsieur était malade avant de partir et a dû redescendre, l’effort étant trop intense pour sa condition actuelle. Pauvre guide qui a dû faire deux allers retours!
Le reste du trajet n’est pas trop difficile car plutôt en descente, sauf les portions glissantes dans la terre rouge et glaiseuse. Nous longeons quelques habitations dans la montagne où semblent vivre des indigènes et des fermiers, accessibles uniquement en mule ou en moto…et encore, pour celui qui sait manœuvrer dans les roches et la boue! Le trajet se poursuit dans la forêt où, par moment, le chemin est tellement raviné qu’il se transforme en mini-canyon de terre rouge que nous devons contourner pour ne pas nous y engluer jusqu’aux genoux.
Dans le fond de la vallée, nous arrivons à une petite rivière autour de laquelle vit une petite communauté. Est-elle là depuis longtemps ou est-ce le tourisme qui en justifie la présence? En tout cas, c’est très joli, avec beaucoup de fleurs et un beau petit pont suspendu qui enjambe la petite rivière. Comme nous avons perdu trace de notre guide, nous décidons d’attendre un peu et nous nous baignons un peu plus loin dans la même petite rivière. Ça fait un bien fou de se débarrasser de ce mélange de transpiration et de boue qui nous colle depuis des heures. Comme la nuit va bientôt tomber, nous décidons de repartir sans plus attendre. Le camp s’avère n’être qu’à 15 minutes de marche. Nous l’atteignons à la nuit tombante alors que tous les groupes ne sont pas encore arrivés. On en profite pour se choisir des lits superposés avec moustiquaire, que nous privilégions aux hamacs. L’installation n’est pas évidente car les lits sont vraiment collés les uns aux autres et c’est un peu le bazar avec les sacs à dos. Nous mettons des habits secs, tâchons d’étendre tant bien que mal nos affaires juteuses (!!) et sommes bien contents de nous être lavés à la rivière avant d’arriver car il y a un monde fou qui attend pour se doucher. Le soir, bière fraîche et un bon repas de poisson frit nous requinquent alors que les orages s’intensifient et que la pluie tombe de plus en plus fréquemment. Nous nous couchons vers 20h30, fourbus, car demain le lever est prévu à 5 heures du matin pour une grosse journée de marche d’environ 7 heures.
Les Photos
Jour 2
Le réveil sonne à 5 heures du matin et, étonnamment, rien ne bouge dans le dortoir! Le réveil semble difficile pour tout le monde. Entre le confort relatif des lits, les ronflements des voisins ou les maux de ventre pour moi (et certainement d’autres!), la nuit ne semble pas avoir été excellente pour nombre d’entre nous.
Au déjeuner, je me force à avaler un peu quelque chose pour avoir de l’énergie pour les 7 heures de marche qui nous attendent, mais le cœur n’y est pas. De surcroît, la nourriture est tellement salée qu’elle en est difficilement mangeable. Ce sera la norme pour les 4 prochains jours. Nous savions que les Colombiens mangeaient salé, mais à ce point! Notre guide traîne un peu et ce n’est finalement qu’à 6h30 que nous partons. Le lever du soleil est superbe sur les montagnes qui sortent peu à peu de la brume matinale et se dévoilent dans de superbes nuances de bleu-gris.
Le début du chemin est encore hors de la forêt pour le premier tronçon et longe une superbe prairie dont le vert tendre contraste avec la forêt beaucoup plus sombre qui s’étale à perte de vue sur ses versants des montagnes en arrière-plan. Le chemin est assez défoncé par les pluies abondantes des derniers mois et la même terre rouge et glaiseuse que la veille le rend bien glissant. Après une première grosse montée, nous faisons une pause sur la crête de la montagne où se trouve un couple d’Indiens Kogi (se prononce kogui), une des tribus descendantes des Tayronas, les indigènes qui ont peuplé la région dès le 5ième ou 6ième siècle après Jésus Christ et ont construit, entre autres, la fameuse cité perdue. Les Kogis sont facilement reconnaissables par leurs traits, fins et féminins, mais aussi par leurs habits de coton blanc immaculé qui contraste avec leur peau brune et matte. Les hommes portent un chapeau, blanc aussi, alors que les femmes abhorrent une sorte de foulard rouge. Elles sont toujours pieds nus pour garder un contact direct avec la terre, excellent pour la fertilité selon leurs croyances. Hommes comme femmes portent les cheveux longs. Couper les cheveux est une forme de châtiment chez les Kogis. La femme crochète un petit sac traditionnel comme on en trouve tant ici alors que son mari, comme tous les Kogis, chique des feuilles de Coca. Le rituel est le suivant : Ils mélangent les feuilles de coca avec une fine poudre de coquillage qui a été préalablement chauffée à haute température. Cette poudre est stockée dans une sorte de calebasse appelée « poporo » (voir photo ci-contre). Celui-ci a une haute valeur spirituelle: Il leur est fourni par le « Mamu« , le chef spirituel et politique de la tribu. Ils collent le résidu de chique sur le bord du poporo à l’aide de la baguette qui leur sert à en extraire la poudre. Lorsque cet amas calcaire devient trop gros et lourd (tous les 3 à 4 mois), ils le ramènent au Mamu qui peut alors y lire des informations importantes concernant son propriétaire et ainsi conseiller l’homme. Les Mamus ont aujourd’hui un rôle politique certain en Colombie et sont respectés par le gouvernement en place, tout au moins de nos jours, maintenant qu’on a cessé de les persécuter. Fermons cette parenthèse culturelle et repartons vers le prochain sommet que nous atteignons environ une heure plus tard. Nous sommes désormais dans la forêt et l’ombre est bienvenue pour marcher sous cette chaleur et cette humidité extrême. Nous transpirons comme des bêtes… en fait beaucoup plus que les mules qui nous doublent, chargées de provisions ou bouteilles de gaz. Avant de redescendre dans la vallée voisine où nous devrions découvrir des villages et campements indigènes, nous faisons une halte à un des « fruit shack », ces haltes sur le chemin où notre guide nous offre des fruits frais – pastèque, orange, ananas – et où l’on peut aussi acheter des boissons fraiches amenés par des locaux ou des indigènes à dos de mules.
Une fois descendus dans la vallée, nous rencontrons tout d’abord un petit village d’indiens Wiwa, une autre des tribus descendantes des Tayronas avant de rejoindre un village Kogi bien plus important, mais inoccupé. En effet, les Kogis sont semi-sédentaires et chaque tribu se déplace entre 3 villages qu’ils occupent tour à tour, selon un calendrier décidé par le Mamu. En outre, chaque famille possède dans chaque village 2 maisons côte à côte, une pour l’homme et ses fils et l’autre pour son épouse et ses filles. Vu le grand nombre d’enfants qu’ils ont, on peut croire que hommes et femmes ne restent pas séparés trop longtemps! Notre guide, Juan Diego, profite de cette halte devant le village pour donner quelques explications sur les traditions Kogis et leurs croyances spirituelles, basées sur le Soleil qui représente le père et la Terre qui représente la mère selon la religion des Tayronas. En outre, il nous explique que ces derniers ont été guidés par leurs divinités jusqu’à la Sierra Nevada de Santa Marta qu’ils considèrent comme étant le centre du monde car on peut y observer le cycle complet de l’eau, des neiges éternelles à la mer, en passant par les rios et les lacs d’altitude, toujours considérés comme sacrés par les Kogis. D’ailleurs, les Mamus de chaque village s’y réunissent encore secrètement. Ce genre de réunions est le seul contact qu’il y ait entre les divers villages Kogis. Après cette passionnante et reposante page culturelle, nous reprenons le chemin vers le camp où nous prendrons notre lunch et un peu de repos, bien mérité. Personnellement, je me sens déjà à bout de forces à lutter contre cette méchante bibitte qui traîne dans le fond de mon estomac. Pour nous y rendre, nous traversons 2 petits passages à gué d’affluents du rio Guachaca, la large rivière que nous longeons désormais jusqu’au camp. Avant le repas, nous allons nous baigner dans la rivière glacée, ça fait vraiment du bien. Il en est de même pour la bonne soupe de lentille, igname et maïs qui nous est servie le midi. Mon estomac oscille entre appétit et refus de nourriture. Je me force un peu pour avoir des forces car la journée est loin d’être terminée. Malheureusement, pas le temps pour une petite sieste, nous devons repartir. Nous reviendrons coucher dans ce camp demain soir, après la visite de la cité perdue. Nous apprenons par ailleurs que ces camps appartiennent à des Kogis mais sont opérés par des Latinos. Les quelques 50 ou 60 personnes par jour qui font ce trekking représentent donc une bonne source de revenus pour ces communautés, sans compter qu’une partie du prix que nous avons payé à l’agence est directement reversée aux communautés Kogis ou villages de la région.
En repartant du camp, nous traversons le rio sur un pont suspendu dont l’état nous impose, a priori, de traverser un par un. Nous attaquons ensuite une solide montée qui prendra une bonne heure pour les plus rapides et pas loin du double pour les autres. La chaleur, l’humidité et le terrain glissant rend la marche très difficile. Vers 14h30, nous arrivons au sommet, épuisés. Mon estomac ne s’arrange pas et je me sens faible, fiévreux. Je me force pour manger quelques morceaux d’orange qui devraient me donner l’énergie nécessaire pour continuer jusqu’au prochain camp où nous passerons la nuit. Il nous reste environ 2h30 ou 3 heures de marche pour s’y rendre. Nous voyons encore quelques indiens Kogis qui, tristement, sont installés devant une télé sous une hutte en branche traditionnelle. Quelques panneaux solaires l’alimentent et une petite antenne satellite la relie au monde extérieur. Espérons qu’il n’y aura pas de sitôt une antenne cellulaire sur ce sommet. Ce serait la fin, je pense, de leur vie simple en autarcie, dans ces montagnes qui les ont protégées depuis des siècles des divers envahisseurs – Indiens Caribe, conquistadors espagnols, guérilleros, etc… En entamant la descente vers la vallée suivante, nous croisons des petits enfants Kogis trop mignons à qui nous donnons des petits biscuits distribués pour le lunch. Nous traversons encore une large prairie, déboisée pour les besoins de culture dans le passé aux abords de laquelle nous voyons ici et là de nombreuses huttes indigènes ou quelques mules qui paissent en attendant leur prochain chargement. Nous retournons rapidement dans la forêt, toujours aussi impressionnante avec ses arbres immenses enchevêtrés de lianes et autres espèces parasites. Nous voilà bientôt au fond de cette nouvelle vallée où coule l’imposant rio Buritaca que nous traversons à gué, le débit étant acceptable. L’autre option étant une tyrolienne rudimentaire, utilisée pendant la saison des pluies. La pluie quotidienne de l’après-midi nous cueille à ce moment. Nous sommes rapidement sous des torrents de pluie qui nous donnent un regain d’énergie pour arriver le plus vite possible au camp et s’y mettre au sec. En longeant la rivière, une dernière épreuve nous attend: Une passerelle s’est effondrée pendant le passage de l’ouragan Matthew (Tiens, encore lui!!). C’est en s’agrippant à la paroi que nous passons avant de rejoindre les berges du rio qui descend furieusement au milieu d’immenses blocs de roche. On ne veut pas tomber là! Avec Karl, nous arrivons les premiers de notre groupe au camp et nous dépêchons de réserver pour nous et nos blondes des lits, avant que les autres groupes arrivent et que nous soyons contraints à dormir dans des hamacs. Le camp est bien plus confortable que le premier: Il y a un étage, donc un plancher en bois qui nous isole de l’humidité et les espaces entre les lits superposés sont bien plus larges. Nous pouvons ainsi confortablement déballer nos affaires, les étendre (symboliquement, vues la pluie et l’humidité ambiante) avant d’aller prendre une douche glacée et finalement enfiler – Oh Bonheur! – des vêtements secs. Après cette grosse journée et avec la nuit qui tombe tôt, nous nous coucherons à….18h30 pour une bonne nuit de sommeil que j’espère réparatrice. Demain, lever encore à 5 heures pour une courte marche qui nous amènera à la fameuse cité perdue. C’est drôle de se réveiller après quelques heures avec la sensation de s’être déjà bien reposé et de constater….qu’il n’est même pas 22 heures!
Les Photos
Jour 3
La nuit fut bonne mais fraîche et je me réveille en bien meilleure forme, même si mon estomac n’a pas retrouvé toutes ses capacités. C’est par contre au tour de Charles-Henri d’être sérieusement indisposé. Probablement que l’effort physique et la déshydratation de la journée n’aident pas trop notre organisme à combattre les bactéries que nous absorbons en grand nombre dans cet environnement qui n’est pas le nôtre. Après seulement une heure de marche le long de la rivière et à gravir les 1200 marches qui mènent à la cité perdue, nous voilà arrivés aux premiers vestiges de celle-ci. Elle a été découverte par hasard en 1973 par 2 frères (non indigènes) qui chassaient un gros rongeur local. Ce dernier les a amenés à un gros mur de pierre caché par l’abondante végétation le long de la rivière. Derrière ce mur se dévoilaient les fameuses marches qui mènent à la cité. Les 2 comparses ont alors découverts les vestiges de la ville et, connaissant les coutumes Tayrona, ont creusé sous les fondations circulaires qui avaient jadis accueillies les huttes des Tayronas. En effet, ceux-ci étaient enterrés sous leur maison avec leurs biens, principalement en or. Les restes humains étaient ensuite déterrés par le Mamu pour être amenés dans un cimetière, alors que leurs biens restaient enterrés. Lorsque la maison finissait par tomber, la génération suivante pouvait alors y rebâtir une nouvelle fondation concentrique et y bâtir sa nouvelle demeure. Il va sans dire que l’on peut trouver de nombreux objets en or après plusieurs générations. Ce métal précieux avait chez les Tayronas une valeur purement spirituelle: Il est pour eux le lien vers le Soleil, considéré dans leur croyance comme leur père, alors que la Terre, elle, représente la mère spirituelle. Les 2 frères se sont alors transformés en avides pilleurs de tombes. L’abondance de leur larcin ne passa pas longtemps inaperçue et de nombreux pilleurs de tombe leur emboitèrent le pas, s’entretuant pour amasser le plus gros butin et le revendre. Ce n’est qu’en 1975 qu’un de ces pilleurs de tombe, pris de remords, alerta les archéologues qui, découvrant l’ampleur du site qui s’étend sur des hectares, en firent rapidement un site protégé. La restauration durera 16 ans. Dès lors, les Kogis s’y installèrent pour s’en faire les gardiens spirituels, ainsi qu’une petite faction militaire pour s’assurer qu’aucun autre pilleur de tombes ne viendrait et surtout protéger les touristes : En effet, en 2003, un groupe de touristes y a été enlevé par les FARCs et gardé en otage pour une centaine de jours. Cela fait tout juste 10 ans que l’on peut visiter ce site en toute sécurité.
Pour profiter en toute quiétude des lieux, nous faisons le tour en sens inverse des autres groupes. Les dommages infligés par l’ouragan Matthew sont ici bien visibles avec de nombreux arbres arrachés par le vent ou de multiples glissements de terrain provoqués par les pluies diluviennes. L’armée colombienne s’affaire toujours à nettoyer les lieux. Après avoir traversé le quartier des artisans et le quartier commercial, nous atteignons la section où s’est installée une tribu Kogi depuis que le site est classé. Nous aurons la chance de rencontrer Mamu Romualdo (en photo ci-contre) dont nous croiserons rarement le regard mais qui répondra pendant une quinzaine de minutes à nos questions sur le peuple Kogi et sa vision du monde. Il va sans dire que ces derniers ne portent pas les hommes blancs dans leur cœur, vu ce qu’ils ont subi dans le passé et vu notre comportement destructeur envers leur mère spirituelle, notre planète Terre. D’ailleurs, anecdote amusante, plusieurs symboles installés sur le toit de chaume de sa hutte sont supposés éloigner les énergies négatives amenés par les touristes… On ne peut les blâmer pour cela. Sa sagesse et son discours sont inspirants. Les Mamus sont respectés pour cela et certains d’entre eux participent parfois à des rencontres politiques ou sont invités à des évènements internationaux. Il est par contre étonnant de voir à quel point cette civilisation est restée primitive: Pas d’écriture ou de système numérique, ni de calendrier. Ils ont, en outre, cessé toute forme d’art depuis l’époque des Conquistadors, lorsque l’homme blanc a commencé à les persécuter afin de s’approprier leurs objets en or. Le portrait global est au final un peu déroutant.
La visite se poursuit ensuite vers la section principale de la cité qui s’étage sur presque 400 mètres de dénivelé. Le quartier central s’articule autour de 4 étages de terrasses, dont la dernière située au centre de la vallée accueillait la hutte du Mamu, l’équivalent de la villa avec vue sur mer au XXIème siècle! Après une bonne heure passée à profiter de cette magnifique esplanade, contempler le paysage en songeant aux prouesses des Tayronas pour bâtir une telle ville au milieu de la jungle, nous continuons notre visite en redescendant vers l’ancien temple de la ville. Plus nous avançons, plus nous sommes impressionnés par l’ampleur de cette ville qui abrita jadis plus de 6000 habitants. Finalement, nous atteignons les fameux escaliers royaux, larges et majestueux ils s’étalent sans fin au milieu de la forêt tropicale. Ces milliers de roches plates qui ont servi à la construction des terrasses et escaliers de la ville ont été taillées dans de la roche métamorphique, dont la structure linéaire permettait aux tailleurs de pierre de la casser en larges plaques après l’avoir fortement chauffée puis refroidie brusquement sous l’eau froide. L’attaque de la découpe était faite avec une autre roche, très chargée en métaux ferreux. En parlant de métaux, il n’est pas rare d’apercevoir ici et là dans la forêt ou dans le lit de la rivière des poussières d’or qui témoignent de la richesse du sous-sol de la région. Heureusement, nous sommes dans un parc et aucune activité minière (et destructrice) n’y est autorisée. Après plus de 4 heures passées dans la cité perdue, nous redescendons par les mêmes escaliers vers le rio Buritaca que nous longeons jusqu’au camp où nous avons dormi la nuit dernière. Nous nous baignons dans la rivière, prenons un lunch et repartons en chemin inverse. Nous sommes désormais sur le chemin du retour et logiquement, les descentes deviennent des montées et inversement. Comme nous avons surtout monté pour venir jusqu’ici, ça devrait être plus rapide et moins pénible.
En milieu d’après-midi, nous arrivons au sommet où les indigènes regardent toujours la télé sous une hutte. Peu après, la pluie commence, plus tôt dans l’après-midi et plus abondante que les autres jours. Nous devrons nous résigner à partir sous la pluie dans la grosse pente qui nous avait tant fait souffrir à monter il y a 2 jours. Vu la pente et les torrents de boue qui la dévalent, Karl, moi-même et Daphné prenons le parti de descendre à la course, ménageant ainsi nos articulations, réduisant les risques de glissade (discutable, je le concède) et augmentant les chances de dormir dans un lit plutôt qu’un hamac en arrivant tôt au campement. Arrivés au camp en premier, Karl et moi faisons un putsch sur 2 rangées de lits, sans rien demander à personne. Comme tous les soirs, nous sommes trempés jusqu’à l’os de transpiration et de pluie. Les sacs aussi, malgré les protections sont bien trempés. Heureusement que mon matériel photo est emballé dans des Ziplocs. Après la douche et l’enfilage des sacro-saints vêtements secs que l’on garde religieusement dans des sacs de plastique dans le sac à dos, c’est l’heure de la bière et du pop-corn. Ce soir, elle ne sera pas fraîche et ça sera aux chandelles que nous dînerons car ici, il n’y a pas de groupe électrogène. Rien ne change niveau bouffe: Le repas est toujours aussi salé, la boisson et les desserts chimico-américains toujours aussi sucrés. Ce soir-là, nous ferons une folie en nous couchant à 19h30, après avoir écouté notre guide, Juan Diego, nous apprendre de nouvelles choses sur les Kogis. Ce professeur d’anglais de formation, natif de la région, a trouvé sa passion ici il y a 18 mois en devenant interprète puis guide et est intarissable sur la culture Tayrona et celle de ses descendants.
Les Photos
Jour 4
Le clairon Timex sonne comme chaque matin à 5 heures et le rituel de l’empaquetage du linge, toujours aussi trempé que la veille, recommence. Les sacs à dos se sont passablement alourdis sous le poids d’eau contenu dans nos vêtements. La fatigue accumulée contribue aussi certainement à cette impression. Après le déjeuner (copieux et salé), il est temps de remettre les shorts mouillés et les chaussures détrempées. Le confort des chaussettes sèches est de courte durée! Nous avons une grosse journée en perspective pour nous rendre à notre point de départ, le village de Machete, que nous atteindrons a priori vers 12h30 pour les plus rapides et 14 heures pour les plus lents. Pour ressortir de la vallée, nous devrons affronter une montée d’environ une heure, puis après être redescendus dans la vallée où nous avions couché le premier soir, une seconde montée d’environ 40 minutes. Celle-ci, suivie de quelques faux-plats et petites montées achèvent leur travail de sape sur nos mollets et cuisses qui auront parcourues presque 60 kilomètres dans la montagne, 1800 mètres de montée à l’aller et 500 mètres sur le retour. Ça fait pas mal pour des jambes de marin qui travaillent peu sur un bateau! Le chemin défile dans l’autre sens, alternant forêt et prairies, avec en arrière-plan l’immensité de la Sierra Nevada de Santa Marta. Avec un sommet à plus de 5500 mètres, cette ultime extension de la cordillère des Andes qui se jette dans la mer des Caraïbes en impose. Les montagnes se perdent dans des nuances grises et bleutées dans les nuages qui, inlassablement, s’accumulent tout au long de la journée pour arroser quotidiennement cette forêt exubérante. C’est beau, c’est grand et ça fatigue. Indéniablement, ce parcours, effectué en moyenne par 60 personnes par jour (soit 19 000 visiteurs par an) restera une expérience mémorable pour l’épreuve physique qu’il représente, l’émerveillement que procurent les paysages et la découverte de la cité perdue mais aussi par le choc des civilisations en côtoyant les Kogis pendant ces quelques jours.
Le trio de choc – douche, bière glacée et repas copieux – à l’arrivée à Machete marque le point d’orgue de cette belle aventure qui s’achève finalement à Santa Marta après 2 heures et demies de voiture abrutissantes, en particulier en arrivant en ville où nous sommes accueillis par un concert de klaxon.
Alors que nous rejoignons les douches de la marina, les 4 filles reviennent d’une journée passée à Taganga, une petite ville balnéaire à l’entrée des 5 baies. Elles accourent, on s’embrasse et commencent les récits des aventures de tous et chacun vécues pendant ces 4 derniers jours. Elles ne se sont pas ennuyées, ont fait de l’école, « adopté » un petit chat à l’entrée de la marina. Phoebé a même joué de la guitare dans un parc de la ville pendant que Plume et Pauline s’adonnaient à leur nouvelle passion communiquée par Daphné, le macramé. Le soir, nous allons retrouver tout notre groupe avec lequel nous avons passé ces 4 jours pour un excellent repas méditerranéen chez Ouzo, en centre-ville. Propres, secs, les yeux pleins de fatigue, de fierté et d’images inoubliables, nous nous endormons dans le confort de notre couchette.
Wow, muscle memory des.escaliers du mt royal… Tout un trek, so j y vais j apporterai mes chosettes Stay Dry!
Tres cool, felicitation!
Super belle ballade (aventure) et que d’histoires interessantes sur les peuple Kogi. La nature est magnifique avec toutes ces belles nuances de vert, parfois si clair et cette cite extraordinaire en plein millieu. Ca donne envie malgre les conditions difficiles (peut etre aussi pour cela).