Navigation de Carthagène vers Isla Pinos (27 et 28 Décembre 2016)
Nous nous levons avant le lever du soleil vers 5h30 pour être prêts à partir lorsque le jour se lève. En effet, nous avons environ 120 miles nautiques à parcourir pour nous rendre à Mamitupu, la première île des San Blas que nous voulons visiter. L’archipel des San Blas étant un véritable labyrinthe de hauts fonds, il convient d’arriver en mi-journée avec une bonne visibilité. De plus, la navigation s’avère un peu compliquée car, en partant de Carthagène, nous ne sommes plus vraiment dans le flux régulier des alizés d’Est qui balaient la mer des Caraïbes et subissons les effets d’une petite dépression toujours centrée sur le sud du Panama. Celle-ci oscille quotidiennement et vient détruire l’alizé. Nous n’espérons donc pas être très rapides.
La réalité sera, encore une fois en Colombie, en deçà de nos attentes. Lorsque nous quittons la baie de Carthagène et nous dirigeons vers le large afin d’aller chercher les alizés, le vent n’est pas au rendez-vous. Par contre, la houle est bien présente et se présente en notre travers, ce qui rend la navigation peu confortable, en particulier au moteur car les voiles n’appuient pas le bateau sur l’eau. À la mi-journée, alors que le vent s’établit et que nous pouvons enfin naviguer sous voile et moteur, nous devons changer nos plans de navigation afin de pouvoir naviguer plus confortablement dans cette grosse houle: Nous décidons d’abattre et de changer notre point d’atterrissage aux San Blas: Nous irons à Isla Pinos, située un peu plus à l’Est, point que nous pouvons atteindre en naviguant vent arrière en surfant la houle. En outre, cette île possède l’avantage d’avoir une approche facile: Peu de haut-fond l’entourant, nous avons moins de contraintes horaires et pouvons y arriver jusqu’en fin d’après-midi. Nous naviguons ainsi plein vent arrière, voiles en ciseaux avec la houle qui nous pousse jusqu’à 3 ou 4 heures du matin le 28 Décembre. Le vent tombe progressivement et après avoir essayé plusieurs autres configurations de voile, je dois me résoudre à mettre le moteur pour respecter notre horaire d’arrivée. Le vent se lève à nouveau à la mi-journée et se renforce lorsque nous approchons des côtes Panaméennes. Celles-ci semblent être toujours ennuagées, probablement à cause des reliefs côtiers. Nous sommes bien contents d’avoir changé notre point d’atterrissage car le ciel est pas mal voilé et l’ensoleillement actuel ne nous aurait pas permis de bien voir les récifs. Nous affalons les voiles lorsque nous abordons Isla Pinos, ou encore Tupbak en langue Kuna, qui signifie l’île baleine. En effet, son profil élevé ressemble beaucoup à celui d’une baleine. La première chose qui marque en abordant cette côte est la lumière. Il y a un contraste saisissant entre les montagnes ennuagées de la côte qui se voilent d’un délicat dégradé de bleus-gris et les îles qui nous renvoient à cette heure de la journée les chaudes couleurs jaunes et vertes des plages et des cocoteraies. Bien contents d’être arrivés, nous sortons l’apéro pour fêter notre arrivée aux San Blas….avant que je ne m’attaque au frigo qui a encore fait des siennes pendant la navigation. C’est encore le transformateur qui alimente la pompe d’eau de mer chargée de refroidir le compresseur. Temporairement, je décide à nouveau de le by passer. La pompe fonctionne alors à plein régime en 12 volts et consomme plus d’électricité. Cette solution suffit pour ce soir. En attendant, une bonne nuit de repos au mouillage, bien ventilé et calme, nous attend.
Isla Pinos (29 et 30 Décembre 2016):
Je commence ma journée en me réattaquant, à tort, au problème du frigo. En effet, à trop vouloir en faire, je nous mets en panne complète de frigo: Je teste à nouveau le transformateur qui se met en court-circuit et brûle la carte électronique du frigo. Bravo ! Nous devons nous résoudre à vivre sans frigo pour le prochain mois. Heureusement, nous n’avons pas tant de denrées périssables que cela dans le frigo, mais quand même. Il va falloir les consommer rapidement. Fini aussi l’eau et les bières fraîches. J’ai du mal à digérer ma colère contre moi-même mais j’en tire des conclusions: Je dois encore apprendre à évaluer ce que je peux faire ou non lorsque nous sommes loin de tout. C’est un contexte nouveau pour moi, bricoleur terrien. À cela, s’ajoute le fait que notre dessalinisateur, que nous avons refait fonctionner en mer en venant vers les San Blas, continue à faire de l’eau de piètre qualité. Pas idéal dans cette région où l’on ne trouve aucun ravitaillement et probablement pas d’eau potable. Lorsque nous aurons épuisé notre réserve d’eau potable faite à Santa Marta, il va falloir improviser ! Pour se changer les idées, nous décidons d’aller passer l’après-midi à terre afin de faire connaissance avec les San Blas et, espérons-le, les Kunas. Comme nous semblons être sous le signe des emmerdements en ce moment, le moteur de l’annexe tombe en panne en chemin et nous nous rendons à la rame. Un coup d’œil rapide sur le filtre à essence m’indique rapidement que l’essence Colombienne est de mauvaise qualité. Elle a l’air laiteuse et certainement pleine d’eau. Demain matin, ça sera donc démontage de carburateur ! En attendant, nous nous baignons un peu, même si l’eau est assez limoneuse ici, certainement à cause de la proximité de la côte, couverte de mangrove. En tout cas, ça fait du bien, ça rafraichit. Nous ne nous sommes pas baignés depuis des semaines ! Nous poursuivons ensuite notre promenade vers le village. La végétation de l’île est étonnante: Le sol est couvert d’un épais et moelleux gazon à faire pâlir les retraités anglophones du West Island. Les arbres sont principalement des cocotiers, source de revenus principale des Kunas qui ramassent et vendent les cocos à des bateaux Colombiens. Cependant, cette cocoteraie semble peu exploitée et nous en prendrons quelques-unes car nous mourrons d’envie de manger de la coco. Nous avons dû manger la dernière à Los Roques il y a 3 mois ! Nous trouvons aussi de beaux hibiscus qui poussent ici et là. En longeant le bord de l’eau, nous arrivons bientôt au village que nous abordons par la petite plage où sont tirées à sec les pirogues. Celles-ci sont magnifiques, taillées à la main dans un énorme tronc d’arbre. Nous rencontrons deux jeunes avec qui nous parlons un peu. Ils semblent sympathiques et contents de voir des étrangers.
Le village est construit au bord de l’eau avec de nombreux petits quais qui abritent des petites cabanes fermées: Celles-ci abritent, soit les toilettes, soir les cochons ! Dans les 2 cas, pas besoin de nettoyage, les excréments partent directement à la mer. Les maisons sont faites de canne (à sucre ou non) et leur toit est couvert de demi-branches de cocotiers, coupées longitudinalement. À travers le toit, s’échappe la fumée du feu de bois qui sert aussi bien à la cuisson des aliments que pour éloigner les insectes. Il va s’en dire que l’ensemble à un aspect très ancestral. Seules touches de modernité: Quelques panneaux solaires, une ou deux antennes satellites et trois cabines téléphoniques qui semblent à la fois modernes au milieu des huttes mais déjà désuètes à l’heure du téléphone cellulaire. D’ailleurs, nous verront plusieurs jeunes, comme chez nous, les yeux rivés sur leur smartphone. Drôle de mélange ! Autre vision un peu choquante, la quantité de déchets en plastique qui jonche le bord de l’eau et les ruelles entre les huttes. On ne peut cependant pas les juger. Que faire de ces déchets non dégradables ni recyclables sur une si petite île? J’imagine qu’ils doivent juste en brûler de temps en temps. Pas d’autre solution. Dans le village, nous ne verrons quasiment aucun adulte, uniquement des enfants qui, excités et intimidés, nous courent après et nous lancent des joyeux « Ola ! ». Après cette ballade, fort heureusement, le vent s’est calmé et le retour à la rame n’est pas trop pénible. À l’arrivée, nous dégustons nos dernières boissons fraîches, avant de s’attaquer à des pâtes au bacon, premier repas d’une série destinée à faire disparaitre au plus vite notre petite réserve de bacon, seule viande fraîche que nous ayons achetée en Colombie.
Dans le même genre, le lendemain matin, Phoebé nous préparera de bons biscuits sablés, bien riches en beurre, histoire aussi de se débarrasser de cette autre denrée périssable. Pendant ce temps-là, Daphné et moi nous attaquons au cas du moteur hors-bord. L’essence du réservoir est toute laiteuse et celle que nous retrouvons dans le carburateur est pleine d’eau. Heureusement, nous pouvons démonter tout cela confortablement sur la jupe arrière grâce au support que j’avais fabriqué au Marin il y a 6 mois, pour éviter de travailler au-dessus de l’eau. Je suis aussi content que Pascal, du bateau Valhalla rencontré aux Grenadines, m’ai appris comment nettoyer un carburateur. Le nettoyage du réservoir et des conduites est fastidieux mais nous y venons à bout en 2 heures. Voilà maintenant le moteur remonté et fonctionnel, non sans avoir perdu une petite pièce au remontage, que je dois refabriquer avec un petit morceau de tube de cuivre et une rondelle. L’ingéniosité compense la maladresse ! Notre véhicule fonctionnel, nous partons à terre l’après-midi avec comme objectif de monter en haut de la colline, culminant à 150 mètres. Peu impressionnant, certes, mais c’est quand m6eme le plus haut sommet des îles des San Blas, qui, pour la plupart, sont complètement plates.
Cette fois-ci, nous laissons notre annexe à proximité du village, avec les pirogues. Toujours pas plus de monde dans le village, à part les enfants qui semblent toujours aussi excités de nous voir. Nous voulons demander à une femme où se trouve le chemin pour monter en haut de la colline, mais elle nous tourne le dos et rentre dans sa hutte. Nous trouverons finalement le départ, qui nous amène à une citerne dont le puisage se fait dans un petit ruisseau quelques centaines de mètres plus haut. À partir de là, nous ne trouvons pas de chemin pour continuer et marchons dans le lit du ruisseau puis, connaissant globalement la direction du sommet, bifurquons dans la forêt. La progression dans les lianes, les ronces et les toiles d’araignée n’est pas aisée, surtout pour la petite Éléa. Heureusement, nous retrouvons après une demi-heure le vrai chemin. Ouf ! Celui-ci nous mène au sommet où se trouve une antenne de communication désaffectée. À ses abords, se trouve une petite plantation de café, dont nous ne saurions dire si elle est toujours exploitée ou abandonnée. Tout le long du chemin, poussent de longues herbes qui collent très fort: Si on ne les écarte pas et elle se colle sur la peau, elles arrachent un morceau de peau. Éléa en était toute traumatisée ! Malheureusement, on ne voit pas grand-chose du sommet, à moins d’escalader la tour. Par contre, cette promenade nous aura permis de découvrir un peu la forêt panaméenne…à l’échelle réduite.
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