Navigation de Santa Marta a Puerto Vellero
Finalement, nous partons mercredi matin, vers 8h45. Tout le monde s’est levé vers 7 heures ce matin et s’affaire à ranger le bateau pour prendre la mer… ou à ranger ses affaires pour déménager. Maintes fois repoussé, le jour de la séparation avec Pauline et Plume et bel et bien arrivé. Phoebé et Éléa qui le savaient depuis notre retour des 5 baies ne les lâchaient plus depuis quelques jours. Allant même jusqu’à dormir avec Plume dans le cockpit, sous la moustiquaire! Il y a donc beaucoup d’émotions lorsque nous nous disons au-revoir sur le quai avant de larguer les amarres. Cela fait maintenant 3 mois que nous voyageons ensemble et plus d’un mois que nous partageons l’espace du bateau à 6. En particulier grâce à la relation qu’elles ont créé avec les filles, on avait l’impression d’être une grande famille élargie. Ce matin le vent souffle déjà pas mal fort et nous plaque au quai. La concentration nécessaire pour ne pas rater la manœuvre et nous écraser sur nos voisins les yachts me permet d’éclipser temporairement l’émotion des séparations. Tout se déroulera bien et nous nous affairons rapidement à ranger pare-battages et amarres qui ne devraient plus servir avant un bon moment.
Nous hissons la grand-voile à un ris dans la baie de Santa Marta et empannons pour passer sous le nez d’un immense tanker, certainement en attente de sa cargaison. Rapidement, le vent se renforce avec une mer assez formée qui nous arrive sur le travers pour le moment. Nous rangeons le génois que nous portions à moitié enroulé, prenons le deuxième ris dans la grand-voile et finalement établissons la trinquette pour donner un meilleur équilibre au bateau qui a tendance à partir au lof, sous l’action des puissantes vagues de travers et des rafales à plus de 35 nœuds. Lorsque nous tournons la pointe de Baranquilla où se jette le fleuve Magdalena, nous nous retrouvons dans un rythme plus confortable car nous avons désormais la mer en arrière. L’eau passe du verdâtre au marron avec une odeur prononcée de vase: Ce sont les eaux de la rivière Magdalena dont le panache s’étend jusqu’à plus de 8 kilomètres des côtes. Nous devons bientôt prendre une décision difficile sur la suite de la navigation car ces conditions musclées nous rendre trop rapide pour arriver de jour le lendemain à Carthagène: Soit nous naviguons de nuit pour nous rendre directement à Carthagène ou alors nous faisons un stop pour la nuit à Puerto Vellero. Certes, nous sommes sur une bonne allure assez confortable pour aller vers Carthagène mais le vent doit encore se renforcer cette nuit et cela risque d’être assez rock’n roll. En plus, à la vitesse où nous allons, nous arriverions vers 2 heures du matin. Difficile aussi de trop ralentir sans se faire balloter dans la mer qui reste forte et continue de déferler copieusement sur la jupe du bateau. Par contre, si nous allons à Puerto Vellero, nous arriverons de nuit dans cette baie formée par une longue langue de sable qui s’étire en mer. Elle n’existe pas sur mes cartes électroniques mais je l’ai substituée par une image de Google Earth, géo localisée dans le logiciel de navigation. En outre, nous disposons d’une petite carte papier fournie dans le guide nautique de la Colombie. La nuit tombe environ une heure avant notre arrivée à notre point d’approche. Lorsqu’on ne connaît pas un endroit, c’est toujours difficile de se faire une idée de ce que l’on voit. Nous découvrons qu’il y a un chenal balisé avec deux bouées rouge et verte un peu avant l’entrée de cette large baie. Comme nous devons désormais avancer presque face au vent, nous démarrons le moteur et rangeons tranquillement les voiles. Un remorqueur est ancré à proximité de l’entrée du chenal. Nous passons à côté et nous nous dirigeons maintenant vers le fond de la baie quand d’un coup, le moteur ralentit et s’arrête. Catastrophe! J’appelle Phoebé en renfort pour qu’elle aide Daphné dans la navigation (scruter la nuit à la recherche d’un obstacle, contrôler la profondeur, etc.) alors que je m’affaire à remettre le génois pour redonner de la vitesse et direction au bateau. Je hisse ensuite au plus vite la grand-voile. La drisse étant encore à poste et les ris pris, la manœuvre est vite fait. On baisse la dérive et on borde les voiles à plat pour essayer de remonter le plus possible au vent qui souffle encore à plus de 25 noeuds. Nous tirons un premier bord vers la côte pendant que je fais le point sur la carte papier. Nous voilà revenus aux bases: Carte papier et pas de moteur. Nous virons lorsque nous arrivons proche de la zone qui remonte à 4 mètres de fond et tirons désormais un bord à peu près dans la bonne direction. Lorsque la panne est arrivée, Daphné a suggéré une panne sèche. Pour moi, c’était impossible car nous avions fait le plein de fuel à Curaçao. Erreur: À force de faire de la route au moteur, nous avons bel et bien vidé le réservoir tribord. Je dois donc fermer un réservoir, ouvrir l’autre et tenter de réamorcer le système. Heureusement, nous avons sur le bateau un système bien efficace qui évite de devoir purger le circuit de gazole sur le moteur. Nous avons une poire d’amorçage, comme sur les tuyaux d’essence de moteurs hors-bords. Je pompe quelques coups et essaye de redémarrer. Après une quinzaine de secondes, le moteur cale à nouveau. Le deuxième essai sera le bon. Ouf ! On le laisse quand même tourner un petit moment avant d’affaler à nouveau et faire les dernières centaines de mètres au moteur. Nous ancrons à proximité de 3 autres bateaux en se disant que s’ils sont toujours là, c’est que ça doit bien tenir. Nous sommes finalement ancrés vers 19h30. Pfff, quelle journée! Espérons que l’ancre tiendra et que la journée est belle et bien terminée! Le vent remonte dans la soirée et je pense que le bateau commence à glisser. Comme il y a de la place, je mets nos 60 mètres de chaîne, laisse une alarme de mouillage et part me coucher. Finalement, nous ne repartirons pas dès le demain matin. En effet, il faut partir vers 5h30 du matin pour s’assurer d’arriver avant la tombée du jour à Carthagène. L’entrée dans la grande baie de Carthagène peut être longue et compliquée et le mouillage n’est pas réputé pour une bonne tenue. Il faut donc se laisser de la marge. Nous décidons donc d’une journée de repos demain que nous mettrons à profit pour faire un peu d’école et faire les réparations les plus urgentes.
Puerto Vellero
Jeudi matin, Daphné ne se réveille pas en grande forme. Depuis notre arrivé hier soir, elle a comme une allergie qui la fait éternuer à tout bout de champ et lui bloque les sinus. La pauvre est toute patraque avec un gros mal à la tête. Pendant l’école, j’attaque ma liste de choses à faire. Tout d’abord transférer le gazole de la réserve vers le réservoir vide. Évidemment, les jauges se mettent à raconter n’importe quoi et la pompe de transfert ne transfère pas grand-chose. Un problème de connexion électrique, encore, était en cause pour les jauges. Le gazole finit par se transférer après avoir amorcé la pompe en rajoutant sur le circuit une petite poire d’amorçage. Par contre, ça prend des heures, bizarre. Je m’attaque ensuite au dessalinisateur: Hier, lorsque j’ai voulu le rincer en mer dans l’espoir que cela règlerai nos problèmes, la pompe haute pression ne voulait plus embrayer. Je découvre ce matin que c’est encore…une connexion électrique qui est en cause. Je répare rapidement cette petite panne et m’attaque au rinçage. Malheureusement, rien n’y fait, l’eau sort toujours trop salée pour la consommer. Zut alors!
Avec Daphné nous refaisons ensuite quelques réparations sur le bimini qui a définitivement souffert avec le vent fort de la dernière semaine. Une patte de fixation s’est dérivetée du pont et une autre fermeture éclair est décousue. Une fois encore, vive la machine à coudre (et la couturière)! Comme le vent souffle toujours aussi fort et qu’il ne semble rien y avoir d’intéressant à terre, nous ne bougerons pas du bateau de la journée. En effet, à terre, il semble n’y avoir qu’une marina fantôme avec quelques appartements de villégiature autour et c’est tout. L’après-midi, les filles redécouvrent leurs jeux, je fais quelques expériences de chimie avec Phoebé et nous finissons la journée par une partie de Pictionnary. C’est agréable de se retrouver. Nous nous couchons tôt en prévision d’un lever à 5h du matin.
Navigation de Puerto Vellero à Carthagène
Levés à 5 heures du matin, il fait encore nuit, mais la lune nous éclaire. Rapidement, nous démarrons le moteur et nous affairons à relever l’ancre. Pas évident car il vente encore au moins 25 noeuds dans la baie ce matin. Finalement, vers 5h30, l’ancre est remontée et la grand-voile établie à 2 ris lorsque le soleil commence à teinter le ciel de rose au-dessus des montagnes. Dès que nous sortons de la baie, nous nous faisons cueillir par une solide houle qui est un peu trop de travers. Tranquillement, ça s’oriente mieux et nous faisons route sous grand-voile seule à vive allure: La vitesse ne tombera jamais en-dessous de 7 nœuds, avec des pointes à 9.5 nœuds pendant les 4 premières heures de la navigation. Daphné n’est encore pas au top et se repose. De mon côté, je profite d’être en mer. Au prix de quelques acrobaties, je me prépare un bon déjeuner et un café que je déguste seul dans le cockpit. J’aime ces moments matinaux en mer. Éléa et Phoebé émergent et je leur prépare des tartines dans le cockpit avant qu’elles retournent dans la cabine de Phoebé où elles jouent, lisent, dessinent ou écoutent de la musique. Nous sommes rejoints par un petit groupe de dauphins vers 9h. On reste tous les 3 à les observer pendant une bonne vingtaine de minutes. Ils s’amusent comme des fous à surfer la grosse houle qui nous poursuit. Nous voyons, entre autres, une maman et son bébé qui nagent un bon moment à côté de nous, leurs nageoires ne se séparant jamais. Nous empannons vers 10 heures pour descendre vers Carthagène tout en évitant des bancs de sable qui débordent très largement la Punta Garita. Notre vitesse diminue un peu mais reste dans les 6.5 nœuds. À ce rythme-là, nous devrions arriver à notre point d’approche vers 13h30. Il faudra alors prendre une décision: Faire le tour et ajouter 13 miles nautiques ou tenter de passer dans la brèche faite dans le mur sous-marin qui protégea Carthagène des envahisseurs pendant des siècles. Ce passage est large d’une cinquantaine de mètres mais n’offre que 2 mètres de fond environ. Si la mer est belle, nous l’emprunterons et diminuerons ainsi notre route d’une dizaine de miles nautiques, soit presque 2 heures. En approchant de Carthagène, le vent faiblit au fur et à mesure pendant que la silhouette singulière de la ville se dévoile : Mélange de modernité et de monuments historiques, nous découvrons peu à peu cette métropole où se mêlent dômes d’églises multi centenaires, grues du port de commerces et de vertigineux gratte-ciels de verre. Les conditions étant devenues très clémentes, nous empruntons la passe taillée dans le mur sous-marin qui ferme la Boca Grande, la baie principale au fond de laquelle se trouve la vieille ville de Carthagène. Pourtant, ce ne sont que des alignements de gratte-ciels de verre ultra moderne que nous verrons jusqu’à notre arrivée au mouillage du Club Nautico. Étonnant, on se croirait presque à Manhattan.
Découverte de Carthagène
Une fois au mouillage, le visage historique de Carthagène se dévoile peu à peu, tout d’abord avec de vieux remparts à côté desquels nous ancrons et qui abritent un restaurant de luxe qui a la merveilleuse idée d’offrir un réseau wifi non sécurisé. Nous avons maintes fois hésité à nous rendre par la mer à Carthagène à cause de la mauvaise presse du mouillage faite par les navigateurs. Nous n’aurons aucune mauvaise surprise : Mouillés par 2 mètres d’eau dans de la vase, le mouillage s’avérera de bonne tenue et la proximité immédiate du Club Nautico, petite marina très encombrée, nous sera très pratique : Nous pouvons y laisser l’annexe en toute sécurité, y prendre des douches et même obtenir de l’eau potable sur les pontons, bien nécessaire avec nos problèmes sans fin de dessalinisateur. Avec l’internet gratuit à bord, un supermarché à 5 minutes à pied et le centre-ville historique accessible aussi à pieds, nous sommes enchantés d’être là. Nous pourrons ainsi prendre tout notre temps pour découvrir cette ville sans brusquer notre rythme : Visiter au pas de course une ville n’est pas vraiment dans notre ADN de voyageurs…
Nous avons aussi la bonne surprise de retrouver nos amis Ontariens du catamaran So What, trop brièvement rencontrés à Bonaire. Les enfants sont ravis et les jeux reprennent aussitôt avec leurs amis, Oliver et Anika qui, eux aussi, adorent les Legos ! Les choses sont tellement plus faciles lorsque les enfants ont des amis : Daphné et moi pouvons ainsi consacrer du temps à essayer de comprendre nos problèmes de dessalinisateur. Nous aurons surtout l’aide précieuse d’un professionnel français (M. Taillefer de la Compagnie Hydrotechnique) qui nous permettra de bien comprendre le système et surtout les erreurs que nous avons fait dans son utilisation jusqu`ici : Nous ne fournissions pas assez d’eau au système et la membrane a fini par s’encrasser. Malheureusement, l’eau dégoutante de la baie de Carthagène ne nous permettra pas de faire des tests trop longs et nous partirons d’ici en pensant ces problèmes réglés. Malheureusement ce ne sera pas le cas et nous nous retrouverons dans les San Blas sans dessalinisateur, mais c’est une autre histoire… Entre ces problèmes-ci et quelques ennuis de frigo, nous commençons tout de même à découvrir les environs en compagnie de So What. Nous visiterons ensemble l’étonnant Castillo San Felipe de Barajas et ses tunnels. Ce château-fort s’avère être un immense amas de pierres et de mortier, sans aucune aire découverte, l’intérieur n’étant fait que d’un dédale de tunnels. Nous souhaitions surtout explorer ceux-ci avec les enfants, excités par cette aventure. Malheureusement, une petite portion seulement sera accessible, le reste étant submergé. Pourtant, avec Greg, nous pousserons le plus loin possible l’exploration, finissant dans de minuscules tunnels avec de l’eau à la poitrine, le sac de matériel photo sur la tête. Nous finirons par rebrousser chemin, le niveau d’eau continuant à monter alors que les vibrations venant de l’extérieur semblaient nous indiquer que nous étions rendus sous une des grandes artères de circulation qui longe le fort. Nous apprendrons plus tard que des kilomètres de tunnels reliaient les différents forts de la baie de Carthagène en passant sous la mer. Nous avons bien fait de faire demi-tour!
Les environs de la marina sont très agréables, bien qu’en complète mutation. Nous y trouvons de sympathiques petits restaurants dans ce quartier résidentiel où les tours d’appartements poussent comme des champignons, remplaçant les riches villas des marchands qui autrefois ont fait la grandeur de Carthagène. Même le supermarché (haut de gamme) est installé dans une ancienne villa. Le bord de l’eau est aménagé en une belle promenade où l’on trouve parcs pour enfants et stations d’activité physique, bien utilisées tôt le matin avant que le soleil de plomb rende toute activité extérieure insupportable.
Certes, nous ne nous attendions pas à un environnement aussi moderne mais il faut avouer que la vue est magnifique la nuit lorsque toutes les tours s’illuminent. À cela se rajoutent les innombrables feux d’artifices dont la fréquence augmente en s’approchant de Noël. Il est maintenant temps de découvrir la vieille ville de Carthagène que je vous ferai découvrir dans le prochain article.
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