Le canal de Panama en bref
Sans rentrer dans tous les détails passionnants de l’histoire du canal, voici quelques faits qui vous permettront certainement de mieux saisir l’ampleur de cet ouvrage, un des plus grands entrepris par l’Homme. Après la construction en 1950 de la ligne ferroviaire reliant Panama City (Balboa à l’époque) à Colon, le Comte Ferdinand de Lesseps, fort de son succès du canal de Suez acheta les droits à l’état Panaméen pour la construction et l’opération pendant un siècle d’un canal reliant les 2 océans. La pompeuse Compagnie Universelle du Canal Interocéanique de Panama fut fondée, les coûts de construction estimés à 1.2 Milliards de francs, soit 3 fois ceux du canal de Suez et l’inauguration prévue pour 1892. La construction, qui démarra en 1880, prévoyait un canal au niveau de la mer et nécessita des efforts matériels et humains considérables pour acheminer hommes et machinerie depuis l’Europe et surtout pour se battre contre la nature terriblement hostile. Pendant que les hommes et les machines s’épuisaient contre les immenses parois rocheuses du Gaillard Cut, la malaria faisait des ravages dans cette région infestée de moustiques. La Compagnie déclara faillite en 1889 après 1.5 Milliards de francs dépensés et 20 000 vies perdues. Une seconde compagnie française fut créée pour reprendre le projet en 1892 et prévoyait cette fois un projet avec des écluses à chaque extrémité et un barrage sur le Rio Chagres pour créer cet immense labyrinthe d’îles qu’est le lac Gatun. Ce second projet français n’eut jamais le soutien de l’État Français nécessaire pour continuer les travaux et céda les droits pour une bouchée de pain au gouvernement des États-Unis. Le président Roosevelt commença tout d’abord par obtenir de la Colombie, l’indépendance d’un état du Panama sur lequel les États-Unis auraient le contrôle…pendant 99 ans. Réglant ainsi la question des relations et partage de revenus avec le gouvernement Colombien, la rentabilité du projet était assurée si les épreuves techniques de la construction pouvaient être surmontées. Les travaux reprirent en 1903. Les ingénieurs américains utilisèrent lourdement le train et la machine à vapeur pour les travaux d’excavation de Gaillard Cut. La conception et la réalisation des immenses doubles écluses, de leurs portes et du système de contrôle sont le fruit de nombreuses innovations des ingénieurs américains. Par exemple, l’ensemble du système d’éclusage était contrôlé par un ordinateur mécanique, une sorte de maquette du système sur laquelle étaient placées des commandes. L’automatisme faisait ensuite le reste du travail pour actionner portes, pompes, etc. Le canal fut inauguré en 1913 et depuis plus d’un million de bateaux ont transité à travers. Le 1er Janvier 2000, le gouvernement du Panama repris complètement le contrôle du canal et surtout la totalité des incroyables revenus qu’il génère. Le canal opère 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. La maintenance intensive et les projets d’amélioration continus ont permis de supporter la taille croissante des navires pendant longtemps. Mais en 2016 ont ouvert une deuxième série d’écluses, réservées à ces immenses porte-containers que l’on appelle les SuperPanamax (ci-contre). Ces gigantesques écluses utilisent des portes coulissantes et des immenses bassins de rétention d’eau qu » ils utilisent pour actionner les écluses et recycler ainsi 70% de l’eau utilisée. Sans cela, l’impact sur la salinité du lac Gatun serait majeur. Le passage des navires est somme toute discret sur le lac Gatun car n’utilise qu’un chenal très bien délimité. Le reste est une zone de conservation et d’études scientifiques.
La longueur du trajet est d’environ 40 miles nautiques, soit une soixantaine de kilomètres.
Samedi 11 Mars, passage des écluses de Gatun
Comme les passages des bateaux de plaisance ne se fait désormais qu’en fin de journée, nous avons toute la matinée pour nous préparer à partir, c’est-à-dire à ne pas faire grand-chose : En effet, j’ai réceptionné la veille les 4 longues amarres que j’ai louées et ranger un peu le bateau. Au moins, Daphné, Victor et Julie peuvent se reposer un peu. La veille au soir, ils sont rentrés vers 22 heures de Panama City après plusieurs péripéties de taxi. Ils ont ramené quelques pneus que nous utiliserons comme pare-battages en complément des nôtres. Leur passage s’est bien passé, seules la dernière écluse a fait un peu monter le niveau de stress car il y a beaucoup de courant dû à la différence de salinité entre les eaux du lac Gatun et celles du Pacifique. Nous prévoyons de larguer les amarres vers 14 heures pour se donner un peu de marge. Jusqu’au dernier moment, les filles sont avec leurs amis. So What passe en même temps que nous alors que Maïa passent dans 2 jours. Je serai certainement à bord avec eux car il leur manque un équipier. Yves nous rejoint avec son baluchon en début d’après-midi. Yves a déjà fait un tour du monde en famille il y a une vingtaine d’années et nous accompagne pour rencontrer d’autres équipages qui font le même périple. Il travaille actuellement sur un trimaran de course, Maserati, qui est en attente de pièces moteur. Il n’a donc rien à faire et est bien content de quitter un peu la marina de Shelter Bay. Personnellement, même si je n’ai pas fait encore le passage avant de transiter avec mon propre bateau, je me sens bien serein avec 3 personnes autour de moi l’ayant déjà fait, dont un marin professionnel !
Nous nous faisons une petite frayeur en partant lorsque nous nous retrouvons nez à nez avec un catamaran qui entrait dans la marina alors que nous nous engagions dans l’étroit passage entre la mangrove et le bout des quais. Nous nous rendons ensuite tranquillement au moteur jusqu’aux flats, cette zone de mouillage située entre Colon et l’entrée du canal. C’est d’ailleurs de là dont partait le premier projet avorté de canal qui n’avait pas recours à aucune écluse. Nous n’attendons pas bien longtemps, moins de 45 minutes avant que la pilotine de notre « transit advisor » n’approche. Elle dépose 2 autres transit advisors sur un petit motoryacht et un autre voilier. Aussitôt arrivé à bord, il nous indique le nom du cargo qui doit nous précéder dans l’écluse. Comme je vois ce dernier montrer le bout de son étrave entre les digues qui ferment la baie de Colon, nous commençons sans tarder à remonter l’ancre et nous mettre en route. Les quelques miles qui nous séparent des écluses de Gatun prennent une éternité. Pour une raison inexpliquée, le trafic est arrêté devant nous et nous attendons plus d’une demi-heure sous le projet de pont, le gros navire devant nous bloquant le ferry. Peu avant les écluses, nous nous mettons à couple du motoryacht à côté duquel nous étions mouillés aux Flats. Le bateau ne fait pas plus de 25 mètres mais est très haut. Cela nous facilitera énormément la tâche car nous n’aurions absolument rien à faire dans les écluses. En effet, une fois que nous nous sommes amarrés le long de ce yacht, les éclusiers passaient les amarres directement aux marins du yacht. Seul l’amarrage a nécessité pas mal de travail pour que les bateaux soient bien solidaires. Lorsque le radeau de bateaux entre dans l’écluse, des employés des écluses lancent des petits cordages au bout duquel se trouve une petite balle lestée. Les équipiers des bateaux y attachent alors les grosses et longues amarres que les éclusiers remontent et attachent à des bites d’amarrage. Ce sera ensuite aux équipiers du radeau d’ajuster la tension pendant que l’eau montera ou descendra. Il faut être très vigilant à cet exercice car l’énorme afflux d’eau crée énormément de turbulences qui peuvent mettre les bateaux en travers. En tout cas, ce soir-là, nous avons été spectateurs ! Il ne reste ensuite qu’une petite demi-heure pour rejoindre la zone de mouillage pour la nuit. Le transit advisor descend et nous nous amarrons à une sorte d’énorme bouée caoutchoutée sur laquelle est déjà attaché un catamaran. Il n’est que 20 heures et nous n’avons pas attendu tant que ça. Par contre, nous ne voyons toujours pas So What et Sold the Farm, les 2 bateaux-amis qui passaient aussi cet après-midi. Ils n’arriveront qu’à 22h30. Pour une raison inconnue, peu avant les premières écluses, ils ont reçu l ; ordre de retourner aux Flats et d’attendre. Ils n’en ont redécollés qu’à 20 heures ! Voilà comment passer une journée complète à attendre!
Dimanche 12 Mars, Pedro Miguel, Miraflores et…le Pacifique !
La deuxième journée du transit commence par 5 heures de route à travers le lac Gatun puis le Gaillard Cut, cette tranchée dans la montagne qu’emprunte le canal dans sa dernière section. Notre nouveau transit adviosr est ponctuel et nous partons de notre mouillage vers 8 heures, en même temps, cette fois-ci, que So What et Sold the Farm. Nous réglons le régime moteur pour avancer à 5 nœuds environ, ce qui devrait nous faire arriver aux alentours de l’écluse Pedro Miguel entre midi et 13 heures. Cela semble en ligne avec l’horaire du cargo qui partagera notre écluse. Pour les écluses descendantes, le gros bateau est derrière nous.
Toute la matinée, nous parcourons le lac Gatun et ses multiples îles. Le paysage est joli et malgré nos efforts, nous ne voyons aucun des crocodiles qui sont sensés peupler la région. De temps en temps, nous croisons un mastodonte. Le transit advisor nous répète sans cesse de bien serrer à droite, le long des bouées rouges. En fin de matinée, nous pénétrons dans l’étroit Gaillard Cut et pouvons nous rendre compte des immenses pans de montagne qui ont dû être dynamité pour y creuser le canal. À la mi-journée, nous rejoignons So What et Sold the Farm qui vaient pris de l’avance…et doivent maintenant attendre notre partenaire d’écluse. En attendant qu’il pointe le bout de son étrave, nous profitons d’un élargissement avant l’écluse Pedro Miguel pour former le radeau, composé de So What, le catamaran au milieu, Korrigan et Sold the Farm de chaque côté. C’est l’attelage le plus maniable car on bénéficie de la manœuvrabilité du catamaran et de ses deux moteurs pour maintenir les 3 bateaux dans l’axe de l’écluse. Le vent s’est bien levé et souffle assez fort lorsque nous nous amarrons. Le tanker qui doit passer avec nous n’arrivera pas avant dans une heure. Par conséquent, comme nous sommes placés à l’avant de l’écluse, nous rentrons dans celle-ci, passons nos amarres aux éclusiers et venons nous amarrer tout avant, au ras des portes. Pendant que nous prenons notre lunch en attendant, nous voyons arriver un gros transporteur de véhicules. Ces bateaux, quasiment cubiques sont très impressionnants par leur hauteur. Les locomotives électriques du canal ne le sont pas moins, lorsqu’on les observe tirer puis freiner le monstre dans le bassin de l’écluse dans lequel il tient juste. Peu après, arrive notre tanker, chargé au maximum. 2 remorqueurs travailleront fort pendant une vingtaine de minutes pour bien aligner le monstre le long du quai précédant l’écluse. Pendant la manœuvre, d’immenses panaches noirs s’échappent des cheminées des remorqueurs alors que le grondement sourd de leurs moteurs est remplacé par le sifflement aigu des puissantes mécaniques lancées à plein régime pour tantôt pousser, tantôt freiner le tanker et le positionner adéquatement. Les locomotives prennent alors le relais pour avancer le bateau dans l’écluse, tout en le replaçant au centre en ajustant la tension des câbles des locomotives. Elles sont 6 à travailler, deux à l’avant, une à l’arrière de chaque côté. Après ce premier éclusage, effectué sans encombres, nous restons en radeau, parcourons moins d’un mile ainsi avant de pénétrer dans le dernier groupe d’écluses, celles de Miraflores, celles qui ouvrent sur le Pacifique. La manœuvre est à chaque fois la même et les efforts identiques pour positionner le tanker dans l’axe de l’écluse. Un gros grain éclate lors du premier éclusage, nous offrant une bonne douche rafraîchissante pendant que nous réglons les amarres au fur et à mesure que notre radeau descend le long des immenses murs de l’écluse. La deuxième écluse de Miraflores étant collée à la première, le tanker est juste tracté par les locomotives jusqu’au deuxième bassin, pendant que nous essayons de nous faire remarquer devant les webcams des écluses, au cas où nos proches seraient devant leur écran d’ordinateur à essayer de nous voir. Effectivement, les turbulences dans la dernière écluse sont assez importantes et il faut être vigilant pour garder le radeau bien droit. Ça y est, c’est fait, les portes s’ouvrent et devant nous se profile déjà le fameux pont des Amériques et la silhouette de Panama City, hérissée de gratte-ciels. Une bonne heure plus tard, nous voilà arrivés au mouillage de La Playita où nous reconnaissons de nombreux bateaux aperçus à Shelter Bay dans les semaines passées.
Nous célébrons notre arrivée dans le Pacifique comme il se doit, avant que Victor et Julie regagnent leur bord, abandonné rapidement dès leur arrivée dans le Pacifique pour venir nous aider. Le lendemain matin, c’est à mon tour de refaire le parcours à l’envers, vers Shelter Bay Marina car Maïa passe le canal cet après-midi. Taxi, bus puis taxi en compagnie d’Yves qui regagne son bateau après une petite escapade de 48 heures. Le passage sur Maïa sera bien agréable, même si il nécessita un peu plus de travail : Notre radeau était bien large et lourd car formé de deux catamarans et un voilier bien lourd. Le gros catamaran à moteur placé au centre peinait à bien maintenir le radeau, avec une telle différence de poids entre le lourd quillard situé à son bâbord et Maïa, beaucoup plus léger sur son tribord. L’émotion fut la même lorsque les dernières portes s’ouvrirent sur le Pacifique.
Je vous laisse découvrir le passage des écluses en time lapse, c’est-à-dire en film crée avec des photos prises toutes les 2 secondes et montées en accéléré. Nous avons utilisé deux caméras GoPro, situées à l’avant et à l’arrière du bateau.
article interessant et super vidéo, bonne continuation
Super intéressant, passionnant, merci encore de nous faire voyager.
Bon vent.