Retour à Panamarina
Le retour du Costa Rica ne fut pas moins pénible que l’aller, bien au contraire. En effet, en partant à midi de San Jose, le bus arrive à Panama City à 3 heures du matin, avec seulement 2 pauses éclair à des heures farfelues. Nous avons donc attendu 3 heures supplémentaires dans l’immense gare routière de Panama City en attendant le lever du jour. En effet, vu le niveau d’insécurité de la ville de Colon par où nous devons passer, nous ne voulons pas arriver là–bas à 4 heures du matin, chargés comme des mules avec 2 enfants. Il faut dire que Colon donne l’impression d’une ville bombardée. C’est assez indescriptible mais ça ne donne envie à personne d’y flâner. En arrivant à Colon vers 7 heures du matin, nous embarquons quasi-immédiatement dans le premier taxi rencontré aux abords de la gare routière. Vu l’environnement, nous serions monté dans n’importe quelle voiture pour décamper au plus vite. Nous négocions le prix et embarquons avec le vieux rasta qui conduit vers Panamarina en lui donnant le nom du village voisin. Nous nous arrêtons au passage pour faire quelques courses pour survivre pendant les prochains jours dans l’isolement de cette marina perdue dans la jungle. Jusque-là, tout va bien. Ça se complique lorsque le chauffeur se trompe sur la route après Portobello et nous ne se rend compte de son erreur que lorsque la route s’arrête. À ce point, nous n’étions plus qu’à mi-distance en de Porvenir, porte d’entrée des San Blas! Demi-tour, on demande notre route à plusieurs reprises, on remet de l’essence dans le taxi et on arrive finalement à Panamarina vers midi, à bout de patience d’être assis dans un véhicule. Notre gros déjeuner prévu devient un brunch et nous commençons à nous réinstaller dans notre maison.
Ça fait quand même bizarre, après deux semaines dans le confort et l’espace d’une grande maison. Les réalités du bateau me rattrapent vite: La vie s’est développée dans la plomberie et les passe-coques pendant notre absence. Tout y passe: La pompe à eau du frigo et les 2 toilettes, dont une était bloquée par les restes d’un petit poisson coincé dans la pompe. Miam. Le moteur hors-bord n’est pas en reste non plus et je dois à nouveau démonter le carburateur. Vivement que l’on termine cette essence Colombienne qui se dégrade rapidement lorsqu’on n’utilise pas le moteur pendant quelques temps. Pendant les 3 jours suivants, nous restons à Panamarina pour travailler sur le bateau tout en planifiant le début de nos formalités pour le canal: La semaine du 1er Mars est très perturbée par le carnaval et nous ne pourrions rien entreprendre avant quelques jours. Daphné fait du vide et un gros rangement dans tout le bateau pour gagner de l’espace et du poids en vue des grosses quantités de vivres que nous devrons acheter à Panama pour partir dans le Pacifique. Pendant ce temps, je suis dans la mécanique, celle du guindeau tout d’abord, puis celle du moteur. J’ai décidé de faire une révision plus complète de mon guindeau suite à l’incident survenu sur Maia : Le leur a pris feu avec un court-circuit dans les boutons de commande. Je démonte donc le placard intérieur dans lequel est le moteur du guindeau et les connexions électriques pour les vérifier. La partie électrique est parfaite mais de l’eau s’est infiltrée le long de l’axe et des boulons et a oxydé le moteur. Je le démonte à grande peine, le moteur étant littéralement collé par la graisse et le sel sur l’axe. J’ai eu peur un instant que le même épisode que celui vécu avec le précédent guindeau ne se répète. Je remets le tout à neuf avec un bon coup de peinture et de graissage. C’est un élément tellement essentiel sur le bateau qu’il ne faut pas le négliger, même si il est tout seul, là-bas, à l’avant du bateau. Heureusement, la mécanique du moteur ne m’offrira aucune mauvaise surprise. Nous faisons aussi un plein d’eau, faute de dessalinisateur et partons le lundi pour Portobello où nous devons rejoindre Charles-Henri. Nos amis de Maïa et So What y étaient jusqu’à peu et se dirigent déjà vers Shelter Bay pour les formalités du canal qu’ils avaient entamées avant la trève du Carnaval. Malgré une autre promenade dans le tunnel de mangrove que vous verrez en vidéo ci-dessous, nous repartirons donc sans avoir vu les paresseux qui vivent dans les environs. Par contre, nous ne sommes pas dépaysés du Costa Rica, les singes hurleurs étant aussi nombreux et loquaces que leurs cousins du Nord.
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Portobello
Une grosse quinzaine de miles nous sépare de Portobello que nous rejoignons sous génois seul dans des conditions bien ventées. La mer est un peu creusée car le vent s’est sérieusement réveillé depuis deux ou trois jours. Nous allons vite et rejoignons Charles-Henri à midi. Il est ancré sur le côté gauche de la baie, à l’opposé du village, mais au pied de 2 petits forts. Comme il est ici depuis quelques jours, il a déjà ses habitudes et nous emmène à la découverte des forts voisins. Évidemment, après des journées sans une goutte d’eau, les grains s’enchaînent dès que nous partons, nous laissant trempés et hésitants sur la suite du programme. Heureusement, les nuages se dissipent pour nous offrir une belle fin d’après-midi riche en couleurs. Nous visitons tour à tour 3 forts, de plus en plus petits qui s’échelonnent depuis le niveau de la mer jusqu’au sommet de la falaise qui surplombe la baie de Portobello. Ses trois constructions communiquaient entre elles et, malgré leur destinée purement militaire, leurs solides architectures étaient toutefois parées d’ornements. Le troisième fort a une architecture identique à ceux des îles de la Baie de Quiberon (île Dumet par exemple) : Il s’agit d’un petit fort carré entouré de douves et complètement symétriques sur ses 4 faces, à l’exception de la façade comportant un pont-levis. Ces forts et les autres que nous voyons sur les montagnes avoisinantes n’étaient pas là pour rien : Portobello fut pendant longtemps le premier port Espagnol en importance pour exporter vers l’Europe l’or pillé sur le continent. Dans le village, seul le bâtiment des douanes subsiste de cette époque glorieuse. Il mériterait par contre une bonne rénovation. Le soir, nous soupons sur Minh, au grand plaisir des filles qui dévorent les albums de Tintin. Le capitaine Haddock a toute la collection à bord. Le lendemain, les festivités du Carnaval tant terminées, je commence les formalités pour le canal en nous
enregistrant par email. Il suffit ensuite d’appeler au téléphone pour obtenir un rendez-vous pour la première étape du processus : L’inspection et la prise de dimensions du bateau. Pour nous, ça sera à la fin de la semaine, vendredi. Nous prenons donc une journée de plus à Portobello. L’endroit est somme toute plus agréable qu’il nous semblait lors de notre première visite mais le village manque de soin. Ça pourrait être un endroit charmant et plein de touristes, mais c’est sale, mal entretenu et les quelques restaurants ne volent pas haut. C’est dommage car des touristes viennent par la route et, à cette saison, il n’y a pas moins de quarante bateaux au mouillage dans la baie. Le pays tourne autour d’une activité unique, le canal dont les retombées économiques ne semblent pas sortir de Panama City, d’après ce que nous avons vu jusqu’à présent. Au moins, il y a quelques commerces et je trouve une bonne petite machette pour 4 $ à la Ferreteria ainsi que la quincaillerie nécessaire pour finir ma nouvelle installation de gaz : Je veux être capable d’utiliser aussi bien les bouteilles américaines que les Campingaz sans démonter et remonter le détendeur à chaque fois. C’est fait dans l’après-midi et nous pouvons passer le reste de la journée tranquillement avec Charles-Henri. C’est agréable de passer un peu de temps avec lui, mais nous le laissons à Portobello jeudi matin tôt pour rejoindre Shelter Bay. Naviguant seul et ayant des incertitudes vis-à-vis de son équipier pour traverser le Pacifique, il ne se presse pas trop vers le canal. À l’opposé, nous voulons être de l’autre côté au plus vite et surtout passer à peu près en même temps que nos amis afin de pouvoir nous entraider. Nous avons 20 miles à parcourir pour rejoindre la marina de Shelter Bay, située juste derrière les grandes digues d’entrée de la baie de Colon.
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Shelter Bay Marina : Attente et préparation au passage du Canal
Le vent est encore copieux aujourd’hui et nous effectuons encore une navigation rapide au portant pour nous rendre vers Colon. À l’approche, nous passons au milieu d’énormes cargos ancrés à l’extérieur de la baie. Les bateaux se multiplient sur l’écran de l’AIS et il est clair que nous pénétrons dans le monde des mastodontes qui vont et viennent à travers le canal. Aucun d’entre eux n’est en train d’entrer ou de sortir entre les immenses digues qui barrent l’entrée de la baie de Colon, alors je décide de me faufiler dans l’entrée en diagonale sans empanner, au vent arrière un peu exagéré pour la cause. Peu après, nous affalons pour nous préparer à rentrer dans la minuscule entrée de la marina. Ça va vite car nous sommes toujours poussés par plus de vingt nœuds de vent. L’espace disponible dans le bassin de la marina a été optimisé au maximum et il faut se faufiler entre la mangrove et les extrémités des quais, le tout avec peu de fond, peu de largeur et toujours avec le vent qui pousse. Nous atteignons le dernier quai où nous nous amarrons face à Maia vu qu’on nous laisse choisir notre place. Les filles disparaissent instantanément avec leurs amis de Maïa et So What pendant que nous aussi passons le reste de l’après-midi avec Laurent et Michal que nous sommes bien contents de retrouver. La journée du vendredi est consacrée au rangement et nettoyage avant l’arrivée de l’inspecteur-mesureur. Celui-ci et charmant et se pointe en fin de matinée. Nous sommes mesurés à 46.5 pieds avec notre ancre et notre annexe. Le principal est d’être en dessous de la barre fatidique des 50 pieds, qui ajoute au moins 500 $ sur la facture de passage. Je prends congé de l’agent du canal vers midi et demi. La prochaine étape consiste à aller payer notre dû à la Citibank de Colon. Le timing et excellent car une navette gratuite de la marina se rend à Colon dans 30 minutes. Elle nous emmène au centre commercial Quatro Altos situé à la sortie de la ville. C’est ici que tous les cruisers viennent remplir leurs coffres avant de traverser le canal et se lancer dans le grand Pacifique. Pour notre part, une petite course de taxi nous emmène à proximité du port de Colon où se trouve la Citibank. C’est ici que nous devons payer notre dû pour le passage du canal, muni d’argent liquide et d’une épaisse liasse de formulaires remis par l’inspecteur et répétant tous la même information. Nous nous délestons de 1750$, incluant un dépôt de 850$ qui nous sera remis si on n’a pas cassé les écluses avec notre minuscule bateau. Nous remontons rapidement dans un taxi pour quitter ce quartier effroyable où les carcasses de voitures concurrencent les tas d’ordures dans les ruelles sur lesquelles s’effondrent la moitié des bâtiments. Au milieu de ça errent les laissés pour compte et les drogués. Contraste saisissant avec les millions de dollars de pétrole qui passent dans les super tankers devant les yeux de ces témoins silencieux.
Nous rejoignons le centre commercial où la navette nous avait déposés. Comme nous devons faire de bonnes courses, le supermarché peut nous ramener gratuitement. On en profite et on se lâche en remplissant 2 chariots. Nous pourrons ainsi retourner gratuitement vers la marina dans un petit fourgon de l’épicerie que nous partageons avec de jeunes suédois. Le trajet est long car il faut traverser l’entrée du canal en ferry. Un immense pont est en construction par une entreprise française, ironique revanche un siècle après l’échec technique et financier de Ferdinand de Lesseps. Comme ce pont colossal est encore en construction, il faut emprunter un ferry soumis aux aléas du trafic maritime à l’entrée du canal. Nous arrivons à la nuit tombante, fourbus et remettons au lendemain le rangement des denrées. En effet, comme nous devons emmener 5 à 6 mois de nourriture, nous révisons nos méthodes de rangement de la nourriture en faisant des réserves secondaires sous la cabine d’Éléa et dans la nôtre. La réorganisation des espaces de rangement et l’inventaire du stock nous prend la matinée. Daphné utilise ensuite l’information récoltée pour faire des projections de stock à faire en vue des 5 à 6 prochains mois où nous trouverons quasiment rien. Elle se base sur le mois que nous avons passé aux San Blas à vivre sur nos réserves, à l’exception de produits frais achetés lorsque les veggies boats passaient. Il nous reste maintenant à faire plusieurs autres gros approvisionnements comme celui-ci pour arriver aux quantités prévues si l’espace disponible le permet !
Pour le canal, nous ne réservons pas de date tout de suite car nous ne savons pas quand notre colis venant des USA sera livré, l’agent de douanes étant en vacances jusqu’à Lundi. Nous devons cependant nous organiser et surtout, répondre aux sollicitations de nos voisins de marina pour être handliner sur leur bateau. En effet, dans les écluses du canal, il faut 4 adultes pour manipuler les amarres en plus du barreur. L’entraide est donc de mise. Il s’agit cependant d’un investissement en temps car le passage se fait sur 2 jours. On ne peut donc dire oui à tous nos voisins ou amis ! Finalement, je prendrai la décision d’appeler le lundi, sans avoir de nouvelles du colis. On nous planifie pour le 18, soit dans 12 jours. Nous qui avions peur de passer trop tôt ! Cela ne nous arrange guère car nous n’avons que peu de choix en dehors de la couteuse marina de Shelter Bay pour attendre notre transit. Il n’y a aucun mouillage pratique dans le coin. En rappelant le lendemain, j’obtiens la date du 11 Mars, soit dans 5 jours. Parfait ! Je replanifie la livraison du colis avec l’agent vers Panama City la semaine suivante et nous sommes ainsi libérés de cette contrainte. Il va nous falloir maintenant trouver trois handliners pour le canal. Nous avons l’engagement de Victor et Julie, un jeune couple Nantais qui font un tour du monde en 3 ans sur GibSea 31. En échange, Daphné ira avec eux les 9 et 10 Mars. Je trouverai finalement notre dernier équipier en recrutant Yves, un français marin sur le trimaran de course Italien Maserati. Pendant que tout cela s’organise, nous profitons de la marina pour continuer confortablement les bricolages sur le bateau ou encore se préparer à une longue période sans internet. Cela signifie faire les impôts, s’occuper de ceux de la compagnie, régler les factures et imprimer-scanner-renvoyer ces formulaires obscurs de banque. Que de plaisir. Les enfants, eux, n’en manquent pas pendant que les parents s’affairent aux préparatifs ! En dehors de l’école, nous ne les voyons guère qu’aux repas, disparaissant rapidement pour rejoindre leurs amis. Les jeux et disputes d’enfants s’enchaînent dans ce groupe d’enfants tous un peu à des stades différents. En tout cas, elles sont radieuses et la tenue de l’école tient à des négociations quotidiennes. Nous leur laissons beaucoup de liberté en ce moment car nous savons aussi que bientôt ces enfants qui courent d’un bateau à l’autre et à la piscine, passeront un mois dans l’espace d’un bateau, sans leurs amis. Il règne à Shelter Bsay une ferveur toute particulière, si étonnante au milieu de la jungle qui nous entoure. Tout le monde s’affaire à préparer son bateau, planifier son transit du canal. L’échange est de mise dans ce contexte où l’un cherche un handliner, l’autre des cartes du Pacifique alors que ceux allant vers des destinations moins communes que les Galapgos cherchent à glaner des informations sur leur prochaine destination. Pour notre part, nous ne savons toujours pas quelle option nous allons prendre en quittant Las Perlas au Panama. Nous arrêterons-nous en Équateur ? Passerons-nous par la route Sud, en dessous des Galapagos ou celle du Nord ne traversant l’Équateur presque mille miles nautiques plus loin. Autant de choses qu’il va falloir clarifier dans les prochaines semaines. Au moins, nous aurons bien mis à profit notre attente à la marina en faisant deux gros approvisionnements de nourriture et en menant à terme tous les projets faisables avant la réception du colis ou nécessitant de l’internet. Le tout se passe dans le cadre agréable de la marina et avec nos amis. Comme dans toute marina fréquentée par des (retraités) Américains, il y a un réseau social très actif qui communique ses activités tous les matins à la VHF. Nous allons ainsi faire une ballade dans la forêt qui nous entoure avec des mamies américaines super pointues en oiseaux. On verra un paresseux et encore des singes. Éléa impressionnera beaucoup le reste du groupe en appelant les singes hurleurs.
Dans ce contexte, j’aurai encore un anniversaire quelque peu particulier (après celui de l’an dernier passé à faire de la peinture antifouling à Saint Martin). En effet, le midi du 9 Mars, Daphné embarque avec Victor et Julie pour passer le canal. Ils reviendront tous les 3 le 10 au soir. Heureusement, je suis loin d’être seul et c’est sur MaÏa que je fêterai mes 41 ans avec une succulente lasagne de Laurent et un très bon gâteau préparé par Phoebé, désormais notre pâtissière officiel à bord. Pendant que Daphné vit sa première expérience de traversée du canal de Panama, je passe une journée assez relax, n’ayant plus grand-chose à faire avant le grand jour, fixé et confirmé pour demain. Nous avons rendez-vous aux flats, aire de mouillage pour les bateaux en attente de passer le canal, demain à 15h30…
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