Traversée et découverte de l’île
Nous quittons notre mouillage de Ua Huka le 12 Juin de bon matin, sous un bon alizé de 15-20 nœuds qui nous pousse au vent arrière vers Nuku Hiva. Charles-Henri part en même temps que nous mais traîne un peu sous génois seul. Pendant ce temps, nous avons la visite d’un groupe de petits dauphins très joueurs qui nous feront un beau spectacle autour de Korrigan. Notre destination est la grande baie de Taihoae, formée par l’effondrement d’un cratère. On espère être bien à l’abri de la houle dans cette vaste et profonde baie. Avant de l’atteindre, nous longeons plusieurs baies très allongées dont l’immense baie du Contrôleur. Nous devons serrer le vent pour la passer et bientôt nous pénétrons dans la grande baie de Taihoae, surplombée d’une grande crête montagneuse. Comme toujours aux Marquises, la vue que l’on a en arrivant du large est toujours très impressionnante. Phoebé et son œil de lynx pour repérer les bateaux ne tardent pas à localiser Maïa. Nous venons mouiller à côté avec 2 petites filles surexcitées qui, l’ancre tout juste plantée, sautent à l’eau pour rejoindre leurs amies.
Taihoae est la capitale des Marquises. Malgré ce titre pompeux, ce n’est qu’un gros bourg étalé au fond de la baie et dont le statut administratif n’est trahi que par 2 beaux anciens bâtiments abritant l’administration territoriale. On y trouve aussi un plus grand nombre de commerces, de services ou d’alimentation. Étant partis du Panama depuis maintenant plus de 2 mois, il est temps de refaire un peu le plein de vivres, surtout en prévision des Tuamotus. Même si les prix sont élevés du fait de l’éloignement, on a au moins la satisfaction de retrouver des produits français, dont la qualité est en général bien supérieure aux produits Nord-Américains que l’on trouvait en Amérique Latine. Nous en profitons pour nous faire des petits plaisirs tels que du bon beurre salé, fromages, charcuterie ou des bons biscuits. Comme les épiceries sont réparties le long de la baie, faire les courses est le prétexte d’une belle promenade en bord de mer, sous le regard des Tikis de pierre qui jalonnent le chemin. Les abords du petit port de Taihoae sont aussi aménagés avec beaucoup de goût et l’on y trouve plusieurs petites halles d’un style traditionnel dans un beau petit jardin tropical. Elles abritent un petit marché artisanal ainsi qu’un marché d’alimentation. Celui-ci est très modeste et surtout, ne se tient que les mercredis et samedis… à partir de 4h30 du matin. Vue la rareté des denrées fraîches aux Marquises (et le nombre de bateaux au mouillage), il faut se résoudre à se lever avant le soleil pour éventuellement revenir avec quelques tomates et un concombre! J’ironise mais c’est à peine mieux. Daphné et Phoebé feront cet effort pendant les 2 semaines de notre séjour en nous ramenant aussi de bonnes viennoiseries pour le déjeuner. Moins plaisant que cela, nous avons pas mal de choses à faire sur internet. Malheureusement, la connexion est d’une lenteur sans nom, quelle que soit la solution adoptée. Ainsi, lorsque le téléchargement d’un livre prend à la maison 2 ou 3 minutes, ici, il faut compter plusieurs heures, avec autant de risques de déconnexion et donc de recommencer à zéro. Par-dessus le marché, mon téléphone a décidé de rendre l’âme. Après des journées d’efforts pour le ressusciter, je dois me faire à l’idée d’en racheter un. Le plus compliqué restera de télécharger les quelques applications essentielles dont nous avons besoin : Cela prendra plus d’une semaine! Cela peut sembler anecdotique, mais la population Marquisienne est très en colère contre cette situation : Dans un monde où l’internet est une fenêtre sur le monde extérieur et surtout un moyen d’accès à la connaissance, les Marquisiens payent très cher un service d’une qualité déplorable, sans concurrence.
Cette escale logistique nous permet aussi de refaire les pleins de carburants : butane, essence et gazole. Ici, l’avitaillement se fait au quai de débarquement des gros navires. Il faut s’ancrer cul à quai, assez proche pour la longueur de tuyau disponible mais pas trop car la houle rentre fort le long du quai. Nous devons attendre un bon moment dans cette position inconfortable car un employé de l’aéroport vient d’arriver avec un petit camion-citerne. Nous lui laissons la priorité car il s’occupe aussi de la tour de contrôle et l’avion quotidien arrive bientôt! On trouve sur le port de Taihoae l’excellent « Nuku Hiva Yacht Services », tenu par un Américain Kevin, marié avec une Marquisienne. Avec un service à la clientèle aux standards américains, Kevin s’occupera de notre gaz, lessive, réparation de bout-dehors, formulaires administratifs pour la détaxe de gazole, etc. Une adresse en or pour un service de qualité à un prix raisonnable. Pendant que nous vaquons à nos occupations logistiques, les 4 filles profitent de pouvoir être seules à terre pour se promener, jouer dans le parc voisin ou encore aller s’acheter des glaces à l’épicerie. Elles apprécient beaucoup cette liberté que l’on leur accorde sans souci étant donné l’ambiance bon enfant qui règne ici.
Nous retrouvons ainsi un rythme de vie que l’on a dans les gros mouillages avec des services à terre, comme au Marin en Martinique, Prickly Bay à Grenade, par exemple. Les journées se remplissent d’activités utilitaires et de la découverte des environs. Parfois, il ne faut pas aller très loin pour avoir le spectacle d’une vie : Un matin, alors que nous prenions notre déjeuner, nous voyons nos amis de Let It Be partir en annexe pour snorkeler… dans le milieu de la baie. Bizarre, non? Sauf lorsqu’il y a un ballet de raies mantas! Nous attrapons masques et tubas et sautons dans l’annexe pour un spectacle « frissons garantis » lorsque l’immense animal nage (ou vole) droit sur nous pour effectuer de beaux loopings arrière. La vidéo ci-dessous sera plus éloquente que des mots :
Comme le temps passe et que nous voulons déménager vers Tuamotus à la fin du mois, nous avons décidé de faire l’impasse sur les baies au Nord de Nuku Hiva et de faire une visite guidée d’une journée qui nous permettrait d’avoir un premier aperçu de l’île. Il reste que la côte Nord de Nuku Hiva est superbe, d’après nos amis qui y ont séjournés. Ils en sont tous repartis avec pleins de fruits et légumes trouvés ou échangés avec des cultivateurs locaux, ce qui est aussi synonymes de belles rencontres. Pour notre part, la journée passée avec notre guide Marquisien nous a appris énormément sur l’histoire ancienne et récente des îles. Nous avons ainsi visité deux sites archéologiques, dont l’un s’articulait autour d’un figuier maudit géant vieux de plus de 500 ans. Les reconstructions de sites traditionnels pour les festivals aident aussi à mieux se représenter comment les clans indigènes vivaient. Au cours de cette belle journée de promenade en voiture en compagnie de Charles-Henri, Suzanne et Sylvain (Let it Be), nous pouvons avoir le point de vue opposé à celui du marin : Voir la côte et les baies du haut des vertigineuses montagnes de Nuku Hiva. Dans l’une d’elle, un seul petit bateau blanc au mouillage, c’est Happy Squid. Nous rencontrerons d’ailleurs Victor et Julie au restaurant auquel nous dînons le midi. Une fois de plus, nous nous régalons des spécialités Marquisiennes, comme le poisson cru ou le curry de chèvre au coco.
En étant mouillés en pleine « ville », on profite aussi très facilement des activités locales, qui semblent nombreuses. Un samedi, par exemple, nous passons devant le collège et nous tombons en pleine fête de fin d’année. Des petits stands ont envahi la cour de l’école (qui fait face à la mer), des barbecues ont été allumés pendant que parents et enfants profitent de cette belle journée : jeux de foire, pétanque, petit concert de percussion. Une vraie ambiance Marquisienne, bon-enfant. Nous profitons aussi des préparatifs des fêtes de Juillet pour assister à quelques répétitions de danse et chants. Ceux-ci, au timbre si éclatant et accompagnés des puissantes percussions nous transportent. Malheureusement, nous ne serons pas là en Juillet pour voir les vrais spectacles avec les costumes. Décidément, il commence à y avoir beaucoup de raisons pour déjà avoir envie de revenir aux Marquises !
En attendant, je me décide à emporter avec moi un « petit » souvenir des Marquises qui, étant très durable, pourra éventuellement être complété à mon prochain passage! Vous l’aurez compris, je succombe moi aussi aux charmes du tatouage Marquisien. Laurent, qui est ici depuis plus longtemps que nous, a déjà vu le travail du tatoueur local et souhaite du coup rénover un vieux tatouage de bateau en lui donnant une touche marquisienne. Nous partons donc à la recherche du tatoueur et prenons rendez-vous pour la semaine suivante. Cela m’a donc donné le temps de consulter le dictionnaire de tatouage marquisien que nous avons finalement acheté et de choisir les motifs que je souhaitais, pour leur style et/ou leur signification (cliquez sur la photo ci-contre pour un décodage en détail du tatouage). Le travail du tatoueur se déroule en 3 phases: Le dessin au feutre, le tatouage du contour puis le remplissage Cela prendra la matinée au complet et beaucoup d’efforts pour endurer la douleur. Cela reste malgré tout une belle expérience et une belle rencontre avec ce jeune et talentueux tatoueur, qui n’est nul qu’autre que le cousin de l’auteur du dictionnaire!
Nous levons l’ancre de Nuku Hiva après une dizaine de jours fort agréables mais le regret de ne pas avoir plus découvert cette belle île. Il y a un temps pour tout : le kite commence à nous démanger de plus en plus et une belle fenêtre météo semble se présenter d’ici la fin de la semaine. On ne visitera donc pas d’autres mouillages car nous souhaitons nous arrêter à Ua Pou pour dire au-revoir aux Marquises.
Te voila marque pour toujours. Joli et interessant tatouage