Traversée Fakarava-Tahiti
Finalement, le vent finit par baisser et même tomber un peu trop. Nous partons donc avec un vent assez voire très léger et, malheureusement, une mer encore bien formée après presque 3 semaines de Maramu soutenu. Les 12 premières heures de la navigation sont employées à slalomer entre les grains qui apportent tantôt du vent, tantôt de la pluie, mais assurément leur lot de manœuvres pour suivre les changements de direction importants du vent qu’ils occasionnent. Notre beau spi orange ne nous sera pas d’un grand secours car le mousqueton s’ouvre lorsque nous le hissons et la drisse se retrouve bloquée en tête de mât. Pas question de monter là-haut avec la mer que nous avons. Nous devrons donc nous débrouiller sous génois malgré le vent léger. En fin d’après-midi, le vent tourne un peu et se renforce, nous permettant de prendre une route plus confortable, plus en harmonie avec la houle.
Le vent restera léger tout le reste du trajet et ne se renforcera que lorsque nous commencerons à contourner Tahiti par le Nord, bénéficiant d’un important effet de côte. C’est l’heure du premier contact, visuel pour le moment, avec la capitale de la Polynésie française. Les hauts reliefs de l’île tombant dans la mer ne sont pas sans rappeler les îles des Marquises. Cette impression est de courte durée lorsque, une fois la pointe Nord-Est de l’île passée, se dévoile Papeete et sa banlieue. Les montagnes verdoyantes laissent alors place au béton qui semble grignoter les montagnes par leur pied. En effet, il n’y a pas ou peu de plaine côtière à Tahiti et la ville monte autant qu’elle peut le long de la montagne. Elle s’est aussi étendue sur le lagon, qui abrite non seulement le port de commerce mais aussi l’aéroport international, érigé sur le platier, remblayé pour y construire une piste pouvant accueillir des longs courriers. Nous passons Papeete pour nous diriger vers la marina Taina où nous avons choisi d’élire domicile pour la prochaine semaine. Le lagon, assez étroit, est rempli de bateaux installés sur des corps-morts à l’année ou le temps de la saison cyclonique. Bientôt, nous embouquons la passe de Taapuna, large et praticable à priori à toute heure de la marée, mais impressionnante car cernée de 2 belles vagues de surf. Une fois arrivés sur la zone de mouillage de la marina, nous repérons rapidement Thétys, le bateau de nos amis Thomas et Sophie avec qui nous étions à Saint-Martin il y a 18 mois. Nous prenons à notre tour une place dans cet immense stationnement à bateaux où la majorité des embarcations sont vides, voire désarmées pour la saison cyclonique. Les rares bateaux occupés appartiennent à des personnes qui, comme nos amis, travaillent à Tahiti pour renflouer la caisse de bord, pendant quelques mois ou quelques années. Certes, la vue sur Tahiti n’est pas très belle, très urbaine, mais vers le large, nous avons une vue imprenable sur l’île de Moorea avec comme avant-plan, les belles eaux turquoises du lagon. Malgré l’urbanisation et le nombre alarmant de bateaux, l’eau est étonnamment limpide. Les contrastes sont saisissants : Entre les hautes montagnes verte et le béton qui en grignotent les pieds, entre le centre commercial Carrefour et les habitats précaires dans la verdure à quelques dizaines de mètres, entre les méga-yachts de la marina et les minuscules Va’a qui filent à vive allure dans le lagon. Tout trahit ici un développement et une modernisation récente et inégale.
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Nettoyage de printemps (austral)
Nos amis de Thétys ne tardent pas à venir nous accueillir. Après avoir savouré ces retrouvailles, nous ne tenons plus et partons vers… le centre commercial Carrefour situé à moins de 10 minutes à pied de la marina. Nous attendons avec impatience cette visite au temple de la consommation où tous les meilleurs produits français nous attendent. Cela peut faire sourire, mais après 7 mois sans avoir vu un supermarché digne de ce nom, nous ne rêvons que de bons produits frais! Comme tout se mérite dans ce bas monde, il faudra tout d’abord affronter les abords de la route à 4 voies et son air irrespirable. J’avoue que j’ai vraiment « bad trippé » pendant ce trajet, en particulier dans la grosse chaleur. Las de toujours planifié de gros achats et de stocker en quantité, nous nous offrirons une visite au Carrefour quasi quotidienne pendant toute la semaine, au gré de nos envies : À chaque jour, un plaisir frais et croustillant, après plusieurs semaines à vider nos provisions de boîtes de conserves et produits secs.
Comme mes parents, Claude et Josiane, arrivent dans quelques jours seulement, nous ne tardons pas à démarrer les divers projets urgents que nous devons mener à bien afin de les accueillir à bord : Réparation du moteur hors-bord, remplacement complet des toilettes de la salle de bains arrière et, surtout, grand ménage de printemps. Nous vidons, jetons, rangeons, nettoyons pendant des journées entières. Les filles aussi participent activement à ces travaux ménagers car elles doivent libérer une cabine pour nos invités. En outre, elles s’occupent de nettoyer au complet le pont en teck du bateau qui en avait grandement besoin. Il faut dire que se rafraichir sous le jet d’eau n’est pas du luxe sous cette chaleur. Nous venons à quai pendant quelques jours pour faciliter ces tâches, avoir de l’eau et de l’électricité à volonté. La marina, jolie et soignée, n’est définitivement pas faite pour vivre à bord : Pas de réseau wifi disponible, douche froide dans les salles de bains, certes modernes mais qui empestent les égouts et assidument fréquentées par d’énormes cafards. Lorsqu’on ajoute à cela les nombreux vols sur les bateaux à quai et une installation électrique douteuse qui rend fou le détecteur de fuites électriques du bateau, on n’a vraiment pas envie d’y séjourner trop longtemps! On comprend rapidement que cette marina est avant tout faite pour gardienner des bateaux vides ou pour accueillir des petits bateaux locaux qui sortent surtout le week-end.
Une autre mission importante lors de cette escale est de récupérer les cours du CNED pour l’année scolaire déjà commencée depuis bientôt 2 mois. Entre temps, nous nous sommes débrouillés avec d’anciens cours du CNED que Daphné avait téléchargé… au cas où. Cette solution fonctionna jusqu’à ce que notre imprimante manque d’encre! Les colis sont arrivés chez une amie de Sophie ayant une vraie adresse postale. Malheureusement, les livres d’Éléa ne sont pas là! Quelle déception! Par contre, le CNED a envoyé l’ensemble des livres de mathématiques de Phoebé en double. Bravo. Après un laborieux travail d’enquête auprès des services postaux, Daphné arrive à la conclusion que les colis ont bel et bien été livrés. Par chance, le jour-même, le colis est retrouvé dans la maison où il a été livré. Ouf!
Arrivée de Claude et Josiane et découverte du Sud de Tahiti
Korrigan est présentable et rangé pour accommoder un équipage de 6 personnes: Comme les fois précédentes, Phoebé cède sa cabine à ses grands-parents et s’installe dans celle d’Éléa. Grâce à la voiture de Sophie et Thomas, nous récupérons facilement mes parents qui arrivent tard le soir. Nous les accueillons avec les traditionnels colliers tahitiens de fleurs de Tiare (au parfum qui enivre, comme dirait Ch. Aznavour). Ils sont bien heureux d’être arrivés après un si long voyage. Les filles sont super excitées par les retrouvailles… mais aussi à l’idée de découvrir tous les cadeaux et vêtements que Josiane leur a ramenés, mais il faudra attendre le lendemain, vue l’heure tardive. Après une bonne nuit de sommeil pour nos nouveaux arrivants, nous quittons la marina pour revenir sur une bouée, dans l’immense mouillage de Taina. Après le déballage des nombreux cadeaux pour tout le monde, vient celui de tous les trucs utilitaires qu’ils nous ramènent. Heureusement qu’on n’a pas besoin de beaucoup de vêtements en Polynésie!
Nous louons une voiture pour quelques jours afin de découvrir un peu Tahiti. Pour mes parents, c’est la découverte de la Polynésie, alors que pour nous, Tahiti est le retour au monde moderne, après 6 mois aux Marquises et Tuamotus. Tahiti, comme beaucoup d’îles volcaniques dispose d’une seule route principale qui en fait le tour. Avec une population de 200 000 habitants, concentrés principalement autour de Papeete, le trafic automobile est intense. Nous nous en échappons en partant vers le Sud de l’île et la presqu’ile de Tahiti Iti, ou Petit Tahiti. Ce ne sont pas les plages qui nous arrêteront car il y en a très peu à Tahiti. Toutes les belles plages que l’on peut voir sur les cartes postales ou dépliants touristiques sont en réalité dans les Tuamotus, le nom Tahiti étant surtout utilisé pour exploiter le mythe Tahitien. Par contre, nous découvrons un beau Marae (plateforme en pierres ancestrale dédiée aux anciens cultes polynésiens). Celui-ci est au milieu d’un beau parc paysagé présentant de nombreuses essences de plantes et arbres polynésiens. Après un arrêt rapide à des petites grottes ne présentant pas un grand intérêt, notre prochain arrêt est… chez Carrefour! Et oui, il y en a un sur la presqu’ile de Tahiti Iti et, comme dans tous les supermarchés ici, on y trouve d’excellent plats à emporter de sushis, tartare de Thon, poisson à la tahitienne, etc. Nous nous régalons de ce délicieux thon polynésien face à la mer…mais dos à la route! Nous passerons finalement l’après-midi à Teahupoo, spot de surf mondialement connu pour sa vague énorme. En ce moment, il n’y a pas de houle et, la barrière de corail étant assez éloignée, il n’y a rien à voir de ce côté aujourd’hui. Lorsque la vague fonctionne, il y a de nombreux bateaux taxi pour amener touristes et surfeurs jusqu’au spot. Ici, on retrouve le calme et la beauté des îles. Surplombé par de hautes montagnes dignes des Marquises, le petit village de Teahupoo ne manque pas de charme et semble hors du temps. Les grands Bed and Breakfast qui accueillent les surfeurs sont typiquement polynésiens, rien ne trahit trop de modernisme. Avec la réputation de l’endroit, on se serait attendu à de nombreux magasins de souvenirs, surf shops, etc. Il n’y a rien du genre ici et tant mieux. Sur le chemin du retour, nous faisons un apéro-stop chez Charles-Henri qui s’est installé au mouillage de Taravao, entre Tahiti et sa presqu’île. Ce mouillage est réputé être très protégé et c’est l’abri cyclonique le plus sûr de l’île (le seul, en fait). L’endroit est très beau, calme et avec la proximité d’un centre commercial, il est attrayant pour fuir Taina et la banlieue de Papeete. Par contre, c’est une région très humide où les pluies ont réputation d’être très abondantes pendant la mauvaise saison qui s’en vient.
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La côte Nord de Tahiti
Le lendemain, nous affrontons la voie rapide et la traversée de Papeete pour aller visiter la côte Nord de Tahiti. La première curiosité est le phare de la pointe Venus. C’est le seul phare de Polynésie, construit à l’endroit même où les Européens ont débarqué car on peut pénétrer la large baie fermé par la pointe Venus sans avoir à franchir de barrière de corail. Il y a une belle plage de sable noir qui est très vivante dans ce quartier populaire. Sur toute la côte, on pourra constater à quel point le surf est dans les gènes des Tahitiens. Que ce soit en surf, long board, body board, les tahitiens aiment aller jouer dans les vagues. Cette côte abrupte et rocheuse offre de beaux spots en contrebas de la route côtière. Ici, les conditions sont plus propices aux débutants car les vagues ne cassent pas sur une barrière de corail mais du sable, toujours noir dans ce secteur. Notre promenade nous mènera aux 3 cascades vantées dans les guides touristiques. Nous serons déçus car le pied de la cascade principale est aménagé en gravier, comme un stationnement. Quant aux suivantes, leur accès est fermé car jugé dangereux. Nous nous rendrons tout de même à la première, en empruntant un sentier en mauvais état mais en aucun cas dangereux. Celle-ci est beaucoup plus belle et justifie le détour. À proximité se trouve un impressionnant souffleur, ces cavités dans les falaises côtières dans laquelle la mer s’engouffre et produit un geyser qui en fait sursauter plus d’un. Le site est très bien mis en valeur et les filles s’amuseront un moment à se faire peur en allant se coller à la sortie du souffleur.
Le lendemain, nous réalisons que c’est le jour de la Toussaint et que tout sera fermé lorsque le magasin de bateau de la marina est fermé, alors qu’il devait nous livrer notre nouvelle chaîne d’ancre. Nous partons donc nous balader et, en chemin, je suis une indication d’un belvédère. Face à la vallée surplombée par le fameux diadème de Tahiti, cette montagne à la forme si particulière, nous partons sur une route de montagne qui grimpe fort. La route est très belle, au milieu d’une forêt d’arbres immenses. La route n’en finit pas, continue, se rétrécit et nous commençons à avoir une très belle vue sur le lagon de Papeete et Moorea. Le nombre croissant de voitures le long de la route nous confirme notre arrivée imminente. En effet, c’est le cas, sauf que le Belvédère est un restaurant. Depuis plus de 40 ans, il offre une vue unique sur Tahiti et Moorea à sa clientèle. En ce jour férié, cet endroit à la mode est surpeuplé mais a le mérite d’être ouvert et d’offrir une très bonne cuisine dans un cadre unique! Nous y mangerons très bien. Les filles y dégustent une fondue savoyarde. Cela peut vous sembler bizarre mais pour nous, c’est une occasion rare, malgré la chaleur. L’endroit, repris récemment, a été réaménagé avec beaucoup de goût. On se souviendra en particulier des toilettes et leur immense mur de verre, face au vide et à la montagne. En redescendant de cette agréable et inattendue escale, nous passons par le centre-ville de Papeete pour dire bonjour aux Maïa qui ont élu domicile à la marina de Papeete. Les filles sont déjà parties en Israël, mais Laurent est là.
Le lendemain à la première heure, je vais m’occuper de la nouvelle chaîne d’ancre car la nôtre est devenue un véritable tas de rouille en laquelle je n’ai plus guère confiance pour aller vers de nouveaux mouillages. Nous sommes chanceux car la chaîne vient juste d’être reçue, attendue par de nombreux plaisanciers depuis le mois de Juin. Cette fois-ci, le magasin est ouvert, Nous amenons à nouveau le bateau à quai pour en prendre livraison. L’opération prendra la matinée mais, avec 80 mètres de chaîne neuve (au lieu de 60), nous voilà prêts à partir explorer d’autres horizons, à commencer par l’île voisine, Moorea.
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