La passe de Maupiti, arrivée
À l’exception de Mopelia, située presque 100 miles nautiques dans l’Ouest, Maupiti est la plus occidentale des îles sous le vent. Avec les vents dominants d’Est, il est donc plus difficile d’en revenir. Cela explique certainement pourquoi cette île est peu fréquentée. Mais sa passe étroite, sinueuse, présentant de forts courants et exposée à la houle du Sud explique aussi pourquoi peu de bateaux s’y rendent car elle n’est praticable que par temps calme. Pour notre part, nous avons attendu des conditions de vent faible et que la houle tombe sous les 1.5 mètres avant de se décider à y aller, comme il est recommandé dans la plupart des guides. Une fois ces conditions réunies, nous avons pris la précaution d’appeler la propriétaire d’une pension située juste à l’entrée de la passe de Maupiti. Celle-ci nous a confirmé que la passe était bien praticable et nous avons donc quitté notre mouillage de Bora Bora vers minuit afin de nous présenter à 6 heures du matin devant la passe Onoiau. Dans les parages, les marées sont plus ou moins à heure fixe. En choisissant l’étale de 6 heures du matin, nous bénéficions aussi de conditions de mer calme, avant que le vent ne se renforce par un effet thermique pendant la journée.
Dans ces conditions, nous sommes rentrés sans encombre mais l’étroitesse de la passe et la présence de récifs débordant largement l’île au Sud nous confirment à quel point ce passage peut être scabreux dans des conditions plus agitées. Nous avons d’ailleurs appris plus tard qu’un accident tragique avait eu lieu il y a une dizaine d’années : Un bateau local emmenant en balade les membres d’une église s’est fait retourner et la majorité des passagers ont péri.
Ceci dit, la passe est bien balisée et le cadre magnifique au lever du soleil. La passe est encadrée par 2 gros motus, le motu Pitiahe à gauche et le motu Tiapaa à droite. Derrière ces 2 îles de sable qui ressemblent beaucoup aux motus des Tuamotus, se dessinent l’île principale de Maupiti, haute et montagneuse, comme celles des Marquises. La majorité du lagon n’est pas navigable car très peu profonde, comme on peut le voir sur la photo d’entête de l’article. On longe cette immense piscine, profonde d’un ou deux mètres, avant d’atteindre le mouillage sur corps-mort situé devant le village. C’est toujours excitant de découvrir une île inconnue. Après une bonne sieste réparatrice pour compenser cette nuit en mer, nous commençons notre découverte dans l’eau… et à pied. En effet, le lagon est si peu profond que l’on peut marcher sur cet immense banc de sable jusqu’au motu qui ferme l’atoll vers le Nord-Est.
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Découverte de l’île
Le village de Maupiti est assez particulier car il s’étire sur près de deux kilomètres, tout le long de la côte Est. Difficile d’y distinguer un centre, à part peut-être les quelques bâtiments situés à proximité du mouillage qui rassemblent la mairie, la poste et la caserne des pompiers. En bord de mer, une jolie promenade a été aménagée avec des blocs de corail et du bêton. Elle donne accès à une multitude de petits pontons en bois auxquels sont suspendus des petits bateaux de pêche. En effet, le lagon est bien exposé aux vents dominants et il serait dangereux de laisser les bateaux à l’eau, au vent de la côte. Cette promenade longe une première rangée de terrains et maisons dans le pur style polynésien : Des maisons modestes voire même très rudimentaires au milieu d’une multitude d’arbres et de fleurs. Si la maison tient à peine debout dans certains cas, les terrains sont toujours très propres et soignés. Les haies de Tiaré sont nombreuses et partout on peut sentir la subtile odeur de ces fleurs. Ici, les fleurs de Tiaré sont activement récoltées puis expédiées par avion vers Bora ou Tahiti ou elles serviront à la confection des colliers de fleurs remis à chaque touriste qui met le pied en Polynésie. C’est une source de revenus importante pour cette petite île loin de tout. Chaque maison, sans exception a au moins un arbre à pain sur son terrain, preuve que le Uru ou fruit à pain fait toujours partie de la base de l’alimentation. D’ailleurs, à propos d’alimentation, le repérage des magasins est toujours une de nos priorités lorsqu’on arrive sur une nouvelle île. En revenant par la rue principale, parallèle à la côte et la haute falaise qui surplombe le village, nous en verrons au moins 4 ou 5, tous ayant l’air plus vétustes et vides que les autres! En réalité, nous trouverons très peu de choses dans les magasins les jours suivants. En tout cas, rien de frais. Il existe cependant des cultures maraichères sur un grand motu, mais nous comprenons que la totalité des récoltes est réservée aux locaux. Il n’y a pas de surplus pour les gens de passage comme nous (ceci nous sera confirmé plus tard par des amis venus séjournés à Maupiti en bateau ou en pension). De plus, la passe étroite n’autorise le passage que d’un petit bateau ravitailleur dont le passage est dépendant des conditions météo. Autant dire qu’il ne faut pas vraiment attendre après. Quel changement quand on sait que Bora Bora n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres. Ici, il règne une atmosphère d’isolement comme nous n’avions pas ressenti depuis les Tuamotus ou les Marquises. Heureusement, nous pouvons compter sur la générosité des Polynésiens pour nous procurer quelques denrées fraîches : Nous serons un peu « adoptés » par une gentille famille qui nous fournira des urus, papayes, avocats, etc. et même des poissons. Daphné a fait la connaissance de Moana (et sa fille… Moana) dès les premiers jours. En effet, en arrivant à Maupiti, nous avions désespérément besoin de faire une lessive : Ce n’est pas par manque de prévoyance mais plutôt car les tarifs de laverie à Bora Bora étaient complètement prohibitifs voire absurdes : 45 euros la lessive! À ce prix, on est mieux de s’acheter un lot de paréos plutôt que de laver notre linge! Comme il n’y a évidemment ici personne qui n’offre ce genre de services, elle a donc abordé des femmes en leur demandant de faire nos lessives contre rémunération. C’est ainsi que nous avons rencontré cette charmante famille. À chaque passage au village, nous prendrons l’habitude d’aller leur rendre visite pour discuter ou encore leur amener des petits cadeaux pour leurs jeunes enfants (nous conservons toujours les habits trop petits ou certains jeux des filles pour les donner dans des endroits reculés). Au fil des jours, on nous reconnaît et les conversations se lient, dans la rue, au marché. C’est l’avantage de pouvoir prendre un peu notre temps.
Les Photos
L’île n’est pas très grande, environ 10 kilomètres de circonférence et se visite donc bien à pied ou à vélo. Mine de rien, nous ne sommes pas montés sur un vélo depuis maintenant 3 ans et c’est aujourd’hui, le 9 mars, jour de mon anniversaire que nous allons renouer avec l’engin à deux roues! Si cela ne change rien pour les adultes ou pour Phoebé qui retrouve vite ses réflexes, Éléa ne sait plus faire de vélo! Elle qui roulait comme une folle dans la rue, faisant des demi-tours penchée comme un motard de course, elle semble avoir tout perdu. Il faut dire qu’elle n’avait alors que 4 ans et 3 ans à cet âge-là, c’est beaucoup. Le vélo est aussi un peu grand et lourd pour elle. Ce n’est pas grave car elle a encore le gabarit pour s’installer sur un siège enfant en arrière d’un adulte. Je trouve un vélo qui en est équipé dans le container du loueur de vélo et après quelques réglages, nous voilà partis pour une belle journée de promenade en vélo, restaurant et plage. Grâce aux vélos, nous pouvons en effet atteindre une superbe plage située au Nord. Celle-ci s’étend sans fin sur le lagon très peu profond à cet endroit, si bien qu’à marée basse on peut rejoindre le motu situé en face. Si le lagon de Maupiti est si peu profond c’est parce que la barrière de corail présente un large Oa (ou ouverture) au Nord. La mer peut donc y pénétrer et charrier du sable à travers tout le lagon, avant que l’eau ne ressorte par la passe Sud où le courant est donc toujours sortant. Sur le retour, nous aurons la chance d’assister à un entraînement de lancer de javelot. C’est une discipline pour les épreuves sportives du Heiva (Fêtes annuelles de Juillet en Polynésie). Lors de cette épreuve, les concurrents doivent atteindre une coco située à 22 mètres du pas de tir et juchée à plus de 9 mètres de haut. Évidemment, le javelot doit rester planté dans la coco jusqu’à la fin de l’épreuve. Pour l’entraînement auquel nous assistons, la coco est située à hauteur d’homme. Pour m’y être essayé, ce n’est pas facile! Les javelots sont faits dans un bois flexible qui offre des branches bien droites comme le citronnier et la pointe est un morceau de fer à béton aiguisé accroché avec des morceaux de chambre à air.
Pour compléter notre découverte de Maupiti, nous gravirons son sommet. Cette randonnée est sujet de polémiques sur l’île. On se fait dire que le chemin est désormais interdit et qu’il faut prendre un guide! Nous rencontrons le dit-guide qui est aussi conteur de légendes locales et celui-ci se croit à Bora Bora car il demande au moins 50 euros par personne. En posant quelques questions autour de nous, on apprend qu’en réalité la propriétaire du terrain d’où part le chemin de randonnée ne souhaite plus que les touristes l’empruntent car certains auraient laissé des ordures sur leur passage. Le problème semble se régler tout seul car la pauvre dame est souffrante et a été évacuée vers l’hôpital de Tahiti. Une typique histoire de village! Nous partons tôt le matin afin d’éviter la chaleur étouffante de la mi-journée. Nous aurons la chance d’avoir un temps splendide et une vue dégagée jusqu’à l’horizon. Cette randonnée, courte mais difficile offre certainement le plus beau panorama qui nous ait jamais été offert sur une île depuis le début du voyage. Le lagon bleu turquoise s’offre à nous à 360 degrés, ceint des motus couvert de cocotiers. Une portion du lagon se comble de corail qui crée une multitude de mini bassins du plus bel effet vus d’en haut.
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Kite et snorkeling dans le lagon
Quelques jours après notre arrivée à Maupiti, le vent se lève et nous promets quelques bonnes sessions de kite. Nous retournons vers l’entrée du lagon où nous mouillons à proximité du motu Tiapaa. Le mouillage n’est pas idéal car le courant entraîne toujours un peu le bateau qui n’est jamais face au vent. La pointe Nord du motu offre une longue pointe de sable idéale pour démarrer un kite et celle-ci coupe aussi la vague qui se forme dans le lagon, nous offrant ainsi un petit espace parfaitement plat. Ces quelques sessions sont l’occasion pour Phoebe de remonter sur sa planche car elle n’en a pas eu l’occasion depuis que nous sommes partis des Tuamotus. Elle n’a rien perdu et progresse un peu. Si le cadre est magnifique, nous sommes un peu déçus par le plan d’eau qui est assez clapoteux : La barrière de corail est assez loin et avec la faible profondeur du lagon, le vent lève un clapot assez cassant. Mais nous ne nous plaignons pas car nous avons ce superbe lagon pour nous seuls.
Nous aurons l’occasion à plusieurs reprises de nous promener sur les 2 motus qui ceignent la passe. Les 2 motus sont habités et on trouve plusieurs pensions sur le motu Tiapaa. C’est amusant de voir le matin les parents amener les enfants à l’école en barque. Au moins, pas besoin d’autobus scolaire, ni de planifier en fonction du trafic! Sur les motus, il y a autant de maisons ou cabanes inhabitées ou à l’abandon que de maisons occupées. Certains terrains sont même clos. On soupçonne que la plupart de ces constructions abandonnées servent à marquer le territoire et à revendiquer la propriété du terrain. En Polynésie, les terrains appartiennent à des familles depuis très longtemps, sans titres de propriété clairs. On peut donc imaginer, après quelques générations, le nombre de descendants qui peuvent réclamer la propriété d’un terrain ou s’opposer à sa vente. Pendant que Daphné et moi apprécions de marcher sur les motus, toujours à la recherche de trésors, échoués sur le sable, Éléa a un autre passe-temps favori : traumatiser les bernards l’hermite. Elle aime construire des prisons circulaires auxquelles elle rajoute des rangées de murs lorsque le malheureux animal essaye de s’échapper ou les perche en hauteur pour voir comment ils se tirent de ce mauvais pas.
Les Photos
Le lagon de Maupiti offre aussi de belles surprises sous l’eau : Tout comme celui de Bora Bora, il est réputé pour l’observation des raies Manta. Si nous apercevons leur ombre ou leur ailerons noirs dans le bleu du lagon de temps en temps, nous n’avons pas eu l’occasion de nager avec elles comme nous l’avions fait à Bora Bora. Par contre, nous aurons de belles surprises sous l’eau en allant snorkeler le long du récif Est et dans un des 2 larges Oa du Nord. Dans les 2 cas, nous avons trouvé des quantités énormes de bénitiers et du corail en très bonne santé. Cela est moins surprenant dans le Oa car le courant amène énormément de nutriments pour le corail. En s’approchant du récif, nous pouvions nager dans moins d’un mètre d’eau au-dessus de magnifiques parterres coralliens. Ensuite, il suffit de se laisser dériver dans le courant et voir défiler de majestueuses patates de corail pleines de vie. L’avantage aussi du snorkeling dans ces « rivières » marines est la visibilité. L’eau y est toujours d’une grande limpidité, au point de pouvoir observer le corail et les poissons du dinghy.
La Vidéo
La visite du Oa du nord nécessita un petit challenge de navigation : En effet, comme on peut le voir sur la carte en haut de cet article, seule une petite portion du lagon est réputée navigable. Le reste est très peu profond et encombré de patates de corail. Grâce à notre faible tirant d’eau et confiant dans la solidité de notre coque en aluminium, nous sommes un des rares bateaux de passage à nous être risqués dans le nord du lagon. Une fois encore, par temps calme et avec une bonne lumière, ceci ne présente aucun risque, à part celui de devoir faire demi-tour si la quantité de corail devient trop importante pour y zigzaguer. Nous finirons par ancrer à proximité de la piste de l’aéroport, construite sur un remblai dans le lagon. Nous sommes à une centaine de mètres de l’axe de la piste et le spectacle du décollage ou atterrissage des (rares) avions est assez impressionnant. Je pense qu’il y a peu d’endroit au monde où l’on peut s’ancrer aussi proche d’une piste!
Finalement, à la mi-Mars, nous mettrons les voiles vers Tahaa, après 2 belles semaines dans cette petite île si loin de tout. Les vivres commencent à manquer et nous avons d’autres projets pour le printemps, maintenant que la saison cyclonique commence à tirer à sa fin…. En repartant au lever du soleil, nous nous retrouvons au beau milieu d’une cérémonie funéraire dans la passe de Maupiti! Toutes les embarcations de l’île sont présentes ce matin, suivant en procession deux magnifiques barges toutes décorées de fleurs afin d’aller jeter les cendres d’une descendante de la famille royale d’Hawaï, née ici, à Maupiti. Encore une belle manifestation des traditions polynésiennes, toujours aussi vivantes.
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