Travaux et approvisionnement à Taina (22 Avril au 11 Mai 2018)
Dès le lendemain de notre arrivée de Tikehau, nous quittons la bouée de mouillage que nous avons empruntée pour la nuit, histoire de ne pas avoir d’ennuis ni avec leurs locataires, ni avec la marina. La zone de mouillage où nous pouvons jeter l’ancre est un gros bazar, en particulier en cette période très achalandée: S’y côtoient bateaux à l’ancre, bateaux sur corps-morts (plus ou moins légaux d’ailleurs) ainsi qu’un certain nombre de bateaux-épaves. Les fonds étant assez profonds (13 mètres environ), les bateaux sur ancre doivent mettre pas mal de chaîne et occupent donc un grand espace lorsque le vent tourne (chaque jour et chaque nuit), contrairement aux bateaux sur corps-morts. Bref, ce n’est vraiment pas évident de se trouver une place et les nuits sont plutôt agitées lorsqu’un grain vient souffler sur ce mouillage. La marina, qui dépend du port autonome de Papeete est supposé réguler un peu tout cela mais n’en fait rien, bien au contraire: Notre amie Julie, toute seule sur son petit bateau sans guindeau verra le manager de la marina installer un corps mort juste à côté d’elle (pourtant illégal) et y remorquer un vieux bateau sans moteur fonctionnel (« pour aider des amis », dira-t-il). Elle passera plusieurs nuits éveillée, à protéger son bateau du voisin 2 fois plus gros avec des pare-battages. Quant à nous, nous aurons une nuit bien stressante lorsqu’un violent grain nous fait tourner à 180 degrés et réaliser par le fait même que le bateau devant lequel nous nous retrouvons n’est pas sur ancre mais sur corps-mort. C’est tellement proche que je passerai 45 minutes à la barre à jouer du moteur afin que nous ne touchions pas, à chaque fois que les trajectoires des bateaux se croisent.
Suite à cette belle nuit, nous nous déplacerons un peu pour éviter que cela ne recommence. Il faut dire que, quelques jours seulement après notre arrivée, nous serons sans moteur pour une bonne semaine. En effet, de retour de Tikehau, je demande à mon copain Rémi de venir aligner l’arbre d’hélice du moteur, jugé un peu de travers par Laurent, suite à l’analyse de la bague hydrolube lors de notre sortie de l’eau en Décembre (personnellement, je n’aurai rien vu…). Effectivement, le moteur est un peu de travers (cela se joue en fractions de degrés) et Rémi nous arrange cela. Surtout, il découvre que nous avons une fuite sur notre échangeur d’eau, le système de refroidissement du moteur. Je me doutais bien que, s’il y avait quelque chose à découvrir, ce passionné de mécanique le trouverait. Dès le lendemain, me voilà à pied d’œuvre pour démonter la pièce, fort imposante, en particulier vu le faible espace dans lequel le moteur est installé. Il me faudra quasiment la journée pour l’extraire, non sans avoir démonté de nombreux organes du moteur: Démarreur, alternateur, toutes sortes de tuyaux, etc. Effectivement, j’aurai dû m’en occuper avant car la pièce a été mangée par l’eau de mer. Ce magnifique morceau de fonte ne vaut pas moins de 1200 euros (en Europe, à Tahiti n’en parlons pas). J’entreprends donc le délicat travail de le refaçonner avec une résine époxy/aluminium.
Ces travaux me prendront presque une semaine de bout en bout, profitant aussi de l’occasion et des temps de séchage très long de la résine pour faire d’autres menus travaux sur le moteur. Pendant ce temps, les filles passent leurs journées avec leurs amies Émilie et Maya. Une fois encore, l’environnement n’offre pas les meilleures activités, mais elles ont du plaisir. Comme Maya doit faire de l’entraînement physique pour sa compétition de voile, Phoebé emboîte le pas et tous les soirs, elles courent un peu et font un peu de musculation. Les journées sont souvent très chaudes car le lagon de Taina est peu exposé aux vents dominants. Les 2 petites alternent Lego et jeux dans l’eau. Daphné, pour sa part, alterne entre courses à Papeete, début d’approvisionnement et quelques sessions de Kite avec Michal et Frits, de Bella Ciao. Cependant, les conditions à Tahiti ne sont pas toujours idéales: Comme nous l’avions déjà expérimenté auparavant, le vent peut tomber d’un coup, le temps de se rendre en voiture au spot de Hitimahina. Le vent tournant ensuite un peu au Nord-Est, ils pourront aller découvrir le spot de l’aéroport, accessible uniquement par l’eau. En effet, on kite dans le lagon, face à l’aéroport, en gonflant les kites dans les annexes, ce qui n’est pas toujours évident, mais ce n’est pas partout où l’on peut kiter juste à côté des pistes d’un aéroport international! Une fois ma réparation achevée, j’aurai l’occasion d’y faire une courte session. Le lagon est très beau, peu profond et, lorsqu’on regarde du côté opposé à l’aéroport(!), le cadre est magnifique avec la silhouette de Moorea juste en face.
Début Mai, Laurent revient de ses quelques semaines de travail en Europe (à Ibiza, quand même!) et les El Caracol reviennent des Australes. La vie sociale reprend de l’effervescence et nous sommes tous décidés à passer un peu de bon temps ensemble avant que nos routes ne se séparent. L’environnement de Taina n’étant pas idéal, surtout pour les enfants qui passent surtout leur temps à la mairie pour l’internet ou à glander à la marina ou au centre commercial, nous décidons d’aller passer quelques temps à Moorea. Dans la foulée, Bella Ciao et un couple Portugais avec lesquels les El Caracol (Portugais eux aussi) ont sympathisés, nous emboîtent le pas et décollent avec nous le 11 Mai pour un nième séjour à Moorea.
Dernière croisière à Moorea entre amis (du 11 au 22 Mai 2018)
Quand on est en bateau à Tahiti, le mouillage d’Opunohu à Moorea est un peu la maison de campagne où l’on va pour fuir la grande ville. Après avoir quitté Tahiti en passant par le lagon de l’aéroport, sujet à des arrêts pour laisser décoller ou atterrir les avions, notre petit groupe de bateaux (5 quand même) rejoint Moorea à des vitesses variées. Le record revient assurément à Bella Ciao, qui, avec son seul foc atteint déjà 6 nœuds de moyenne. C’est son propriétaire, Frits, qui l’a construit. C’est le dernier bateau qu’il a construit dans son chantier naval en Hollande, pour sa retraite.
Ici, adultes comme enfants peuvent retrouver les activités habituelles de mouillage: Un peu de kite dans du vent léger, snorkelling, course à pied, musique le soir entre amis, etc. La belle vie. Le 12 Mai, c’est l’anniversaire de Daphné et de Cat (El Caracol). Nous faisons un gros potluck dans le parc d’Opunohu pour fêter cela. C’est un joli parc, agréable et bien aménagé (il y a même des sanitaires, un parcours de santé), qui borde la plage et est fréquenté par les plaisanciers mais aussi par les habitants de Moorea pendant le weekend. Entre nos amis, les amis d’amis et les bateaux rencontrés sur place, nous sommes rapidement 25 ou 30 personnes. On passe une super belle soirée avec un minimum d’organisation. Le top !
Comme le vent s’installe et que Opunohu n’est pas le meilleur endroit pour kiter, quelque peu déventé par les falaises, nous nous déplaçons de l’autre côté de la baie, au mouillage des tikis sous-marins, situé face au village de Papetoai. C’est un beau mouillage sur banc de sable, avec une très belle vue sur les montagnes de Moorea. Il a comme seul inconvénient d’être au milieu de l’étroit chenal emprunté par les bateaux de promenade qui promènent les touristes entre les hôtels et Ray city, situé un peu plus loin. Nous y ferons d’ailleurs une autre visite, toujours aussi amusante avec les immenses raies pastenagues qui nous grimpent littéralement dessus. Elles sont impressionnantes mais très douces et aiment les friandises et les caresses! Les petits requins pointes noires qui nagent entre nous rajoutent aussi un peu d’adrénaline! Nous resterons sur ce mouillage une semaine pendant laquelle nous kiterons 4 ou 5 jours, dans des conditions plutôt rafaleuses, à cause des montagnes. Celles-ci créent aussi des courants ascendants qui permettent d’envoyer des sauts vraiment très hauts. Lorsqu’on ne kite pas, on joue de la musique ou au backgammon (en plus, en ce moment, il y a Elie, le papa de Michal, très bon joueur de backgammon que nous avions rencontré à Panama en 2016). Lorsque le vent tombe un peu, nous rentrons tous sur Tahiti, tout le monde ayant des impératifs : ramener la famille à l’aéroport ou préparer un départ pour les îles Australes en ce qui nous concerne.
Les Photos
Derniers préparatifs et attente de la météo à Taina (du 22 Mai au 5 Juin 2018)
Nous pensions initialement être déjà partis de Tahiti depuis un moment, mais entre les amis et les anniversaires, nous y sommes toujours! Celui d’Eléa est le lendemain de notre retour sur Tahiti (le 23). Cela faisait un bon moment qu’elle nous demandait de pouvoir fêter son anniversaire avec ses amis avant notre départ. C’est Phoebé qui s’occupe intégralement de l’organisation de la fête qui commence le midi. Elle prépare tout d’abord un bon lunch puis une dictée de dessins pendant la digestion avant d’aller jouer dans notre super balançoire faite avec le tangon de spi et une ancienne barre de kite. Les enfants adorent ça et passent un temps fou à jouer avec ces derniers temps.
Pour notre part, l’heure est maintenant à l’approvisionnement et aux derniers préparatifs: Nous ne savons pas trop ce que nous allons trouver dans les magasins sur notre route dans le Pacifique Ouest alors nous remplissons les cales de Korrigan comme nous l’avions fait au Panama: À ras bord. Une chose est sûre, il y a peu de chances que nous trouvions d’aussi bons produits que ceux que nous pouvons trouver dans les supermarchés français! Tous les coffres du carré, mais aussi les espaces sous les 3 cabines ainsi que les placards de chambre et de salle de bains se remplissent à chacun de nos trajets au Carrefour ou Super U. Heureusement, nous avons toujours accès à une voiture, celle des Maïa ou celle des Happy Squid. Ces périodes d’approvisionnement semblent toujours interminables, avec une liste sans fin de petites choses à trouver: fournitures scolaires, petits trucs pour le bateau (« au cas où), remplissage des bouteilles de plongée ou de gaz (qui se retrouvent parfois égarées). Bref, cela remplit rapidement les journées, une après l’autre, pensant toujours que c’est la dernière. Notre liste de choses à faire sur internet est aussi sans fin, en particulier avec la lenteur incomparable de l’internet en Polynésie: Envoi des examens scolaires au CNED, impôts canadiens, etc. Heureusement, nous nous trouvons des activités plus plaisantes comme le Heiva des Écoles: Le Heiva est la grande fête annuelle polynésienne qui se tient en Juillet. Comme nous ne pourrons assister à ces festivités à Tahiti, nous allons voir un spectacle donné par une école d’Ukulélé et une école de danse.
L’expression anglaise « Hurry up and wait » traduit bien la dynamique des départs pour une traversée: On s’affaire à un rythme effréné pour terminer tous les préparatifs… pour ensuite attendre une fenêtre météo favorable au départ. Sur la route entre les Australes, on rencontre soit du vent fort de face (le fameux Ma’aramu) ou une zone sans vent du tout. Après une bonne semaine d’attente dans cette alternance entre deux extrêmes, nous nous décidons à partir, même si la fenêtre météo est peu convaincante. Psychologiquement, c’est de plus en plus dur de rester ici en étant déjà un peu partis et sachant que le temps de se séparer de nos amis, surtout des Maïas avec qui nous voyageons maintenant depuis 2 ans, est arrivé. C’est finalement le 5 juin, en début d’après-midi que nous quitterons Tahiti. La météo est de circonstance, temps gris et pluie, pour dire au revoir à nos amis. Difficile de retenir les larmes pour se séparer de cette famille avec qui nous avons tant partagé.
Les Photos
Navigation musclée vers Raivavae (du 5 au 10 Juin 2018)
Pour quitter Tahiti, nous devons tout d’abord avancer pendant plusieurs heures au moteur, étant sous le vent de Tahiti pendant les premières dizaines de miles. Par contre, lorsque le vent commence à se faire sentir, il augmente rapidement et la forte houle de face rend vite la vie à bord inconfortable, surtout pour un premier jour de navigation. Dans la nuit, le vent mollit petit à petit et continue à nous abandonner tranquillement le lendemain. Les conditions de mer s’atténuent en même temps et le vent tombe complètement en fin de journée. Nous ne souhaitons pas solliciter trop notre moteur suite à la réparation faite dans les semaines précédentes. Par conséquent, nous décidons d’affaler les voiles et de se laisser dériver pendant la nuit. Cela fera du repos pour appréhender le reste de cette navigation qui, c’est sûr maintenant, ne se déroulera pas dans les conditions de vent initialement prévues. Nous remettons les voiles le lendemain matin, au lever du soleil, mais nous ne pouvons avancer qu’à 90 degrés de notre destination, pas idéal! Nous passons donc une bonne partie de la matinée au moteur, faisant de l’eau par la même occasion. Pendant les 2 prochains jours, nous alterneront entre navigation à la voile à des vitesses très lentes (entre 2 et 4 noeuds) et navigation au moteur lorsque la houle se renforce en faisant claquer les voiles et en tuant notre vitesse. En attendant, les prévisions sont de pire en pire pour les prochains jours: 35 nœuds de vent dans le nez avec une houle de 5 mètres…
Finalement, au matin du quatrième jour, le vent reprend et nous pouvons à nouveau avancer à des vitesses raisonnables. Cependant, nous serrons le vent au maximum du raisonnable pour éviter de le faire lorsque la mer sera grosse. Le soir-même, le mauvais temps commence, avec de violents grains, la température qui chute et la mer qui gonfle rapidement jusqu’à 4 ou 5 mètres de creux tel qu’annoncés. Nous avons 2 ris dans la grand-voile, la trinquette et, pour la première fois depuis le début du voyage, nous nous attachons dans le cockpit car les vagues balayent le pont et traversent parfois violemment le cockpit. Tantôt le bateau tombe dans le trou entre 2 vagues, tantôt, il transperce la vague suivante de son étrave, à pleine vitesse. La nuit est très difficile et nous réduisons nos quarts à deux heures chacun. Au lever du soleil, nous ne sommes plus qu’à une cinquantaine de miles de l’arrivée. Il est donc envisageable d’arriver le jour-même. Motivé par l’idée de ne pas passer une autre nuit en mer comme la précédente, je ferai l’impasse sur les siestes ce jour-là et je passerai la journée à optimiser la vitesse et notre angle au vent pour grappiller les degrés et les miles qui nous manquent pour arriver à notre objectif avant la nuit. De jour, il est beaucoup plus facile de trouver un bon angle vis-à-vis des énormes vagues qui se dressent face à nous. De plus, le vent tournera de quelques degrés, nous permettant d’être en ligne droite vers la passe de Raivavae tout en accélérant un peu. Nous arriverons quelques minutes seulement avant le coucher du soleil. La houle venant du Sud et la large passe étant située au Nord, nous entrons sans encombre dans le lagon de Raivavae et mouillons l’ancre dès que possible. À 17 heures, nous sommes à l’ancre, fatigués et heureux d’être arrivés. Une chose est sûre, la température nous prouve bien que nous avons quittés les Tropiques et que nous sommes en hiver!
Waouh, la traversée aurait été moins fatiguante sur virtualregatta ! 🙂