Arrivée et passage au village
Dès notre arrivée à Raivavae, il est évident que nous avons changé de climat vis-à-vis du reste de la Polynésie. Les 700 km vers le Sud que nous avons parcourus sur Tahiti se sont immédiatement traduits en une perte de 7 à 10 degrés de température de l’air….et presque autant pour celle de l’eau! Nous avons l’impression de retrouver une météo de fin d’été au Québec, ciel bleu parsemé de gros nuages blancs, air sec et frais. Nous sortons nos pulls et partons visiter le village dès le lendemain de notre arrivée. La végétation de l’île traduit aussi le changement de température, avec de grandes forêts de pins qui hérissent les pentes des montagnes de l’île.
Par contre, dès notre arrivée à terre qui coïncide avec celle du bateau-ravitailleur, nous retrouvons l’ambiance typique des îles Polynésiennes éloignées, comme aux Marquises ou aux Tuamotus. Tout le monde nous salue, alors que les ¾ de l’île semblent rassemblés ce jour-là autour du quai où toutes sortes de marchandises sont débarquées. Même ambiance relax chez les gendarmes, qui nous accueillent chaleureusement, faisant la bise aux filles. Pas de surprise non plus du côté des magasins, malheureusement cette fois-ci, où les denrées fraîches, fruits et légumes en particulier, brillent par leur absence.
Côté restaurant ou snack, absolument rien. Il faudra attendre quelques semaines que le Heiva commence et que les snacks installés pour les festivités annuelles ouvrent leurs portes pour aller manger un steak frites ou du poisson cru.
Le Motu Piscine (du 12 Juin au 4 Juillet)
Les immenses fonds blancs du motu piscine sont sur toutes les photos des îles Australes. La typique image de lagon qui fait rêver. Nos amis de El Caracol et Silverland qui sont venus par ici il y a deux mois nous ont aussi mentionné que c’était un bon spot de kite. Autant d’attraits qui nous poussent à nous rendre vers ce mouillage rapidement. Cependant, le lagon de Raivavae est peu profond et il faut une très bonne visibilité pour y naviguer. Nous profitons donc du beau soleil qui brille en ce moment pour parcourir les 6 miles nautiques qui nous séparent du motu piscine. Certains passages sont assez étroits et peu profonds mais cela se fait assez facilement si l’on est attentif. Nous mouillons à proximité de la pointe du motu, à partir de laquelle s’étire une immense page de sable blanc. De l’autre côté de cette pointe, se trouve la « piscine », cette immense étendue de sable recouverte par moins d’un mètre d’eau. Autre particularité, le motu et le grand banc de sable le long duquel s’étend la piscine sont séparés par un Oa (rivière d’eau de mer) assez profond qui rend l’endroit encore plus spectaculaire.
Peu après notre arrivée, nous faisons connaissance de nos nouveaux voisins, Rupert et Judith. Lui est Anglais, elle Californienne d’origine japonaise et tous deux naviguent dans le Pacifique depuis… 40 ans. Depuis quelques années, ils ne vivent qu’à mi-temps sur leur bateau, mais ont passé des dizaines d’années à vivre sur les îles les plus reculées du Pacifique, à une époque où la navigation se faisait sans instruments et les bateaux y étaient beaucoup plus rares. La météo capricieuse que nous aurons pendant ces 3 semaines nous permettra par contre de passer pas mal de temps avec ce couple original, qui parle un français proche de la perfection. Judith étant une excellente cuisinière, Phoebé passera du temps avec elle dans la superbe cuisine de Khaya, le bateau qu’ils ont construit. Elle apprendra plusieurs recettes ou techniques, souvent simples et utiles en bateau, comme, par exemple, celle de la Ricotta. Rupert est architecte naval de formation et j’apprendrai énormément de choses sur ce beau métier, alors que je les initierai à la navigation électronique sur OpenCPN. C’est un mélange des genres et de générations de navigateurs qui sont très riches pour tous. Côté rencontre, nous ferons aussi la connaissance d’Irène et Patrick, le jeune couple qui s’occupe du Motu qui appartient à la famille d’Irène. Ils vivent partiellement ici, dans une petite cabane rudimentaire et accueillent des touristes qui viennent passer la journée sur cet îlot paradisiaque. Comme tous Polynésiens, ils sont super généreux avec nous et adorent les enfants. Ils n’acceptent pas grand-chose en échange, à part les beaux bracelets en macramé de Daphné qui sont toujours une belle monnaie d’échange ou encore la recette du super gâteau aux bananes de Phoebé. Lorsqu’il viendra le temps de quitter Raivavae, ils viendront nous faire un dernier adieu sur le quai du village et nous aurons un peu l’impression de quitter de la famille lointaine que nous ne reverrons pas de sitôt.
Nous espérions avoir ici de belles conditions pour kiter et nous avons été quelque peu déçus. Tout d’abord, la température nous fait souvent sortir de l’eau avant que nous en ayons pleinement profité. Lorsque le vent souffle du Sud, l’air arrivant directement de l’Antarctique, nous glace. Chaussettes, pulls, voire bonnets sont souvent de rigueur même en journée et il n’est pas rare que nous mangions de la soupe le midi pour nous réchauffer. Ça change d’ambiance vis-à-vis des tropiques! D’autre part, la présence des nombreux motus le long de la barrière de corail de l’atoll perturbe fortement le vent, sauf par vent de Sud-Est ou Nord-Est. Malgré tout, nous ferons quelques belles sessions dans ces belles piscines de sable blanc, y compris des descentes dans le Oa qui longe le motu, le kite au ras des cocotiers. Pour moi, c’est l’occasion d’essayer mon nouveau kite acheté à Tahiti juste avant le départ, alors que pour Phoebé, l’endroit est idéal pour continuer à pratiquer, car elle a pied un peu partout. Ici, pas besoin de la ramener au vent en annexe. Lorsque le vent froid et sec du sud ne souffle pas, nous nous retrouvons souvent sous un ciel gris, du temps pluvieux, voire orageux qui nous a amené des nuits peu reposantes.
Pendant ces 3 semaines, le ravitaillement en nourriture est quelque peu compliqué. On peut rejoindre l’île principale en annexe et ensuite marcher environ 1.5 km avant d’atteindre une petite épicerie correctement achalandée pour une île aussi éloignée. Par contre, toujours pas vraiment de fruits ou de légumes : Comme partout en Polynésie, chacun est autosuffisant en légumes et lorsqu’on débarque de l’extérieur comme nous, il faut trouver d’autres alternatives. Pour vaincre le scorbut (!), je partirai donc en expédition à travers l’île, armé d’un sac à dos et de quelques sacs, dans l’espoir de trouver fruits et légumes ou de m’en faire donner. Cette balade est l’occasion de découvrir le cœur de l’île, très montagneux où l’on trouve toutes sortes de plantes, dont des caféiers, mais aussi des petites fermes, abandonnées ou encore en activité. Ici, on se sent définitivement loin de tout. De l’autre côté de l’île, j’atteins un petit village au moment ou un petit groupe de personnes sortent de l’église. Je m’adresse à eux pour leur demander où je peux trouver des fruits et des légumes. Rapidement, après avoir échangé quelques mots dans la langue locale (différente du Tahitien et même du dialecte des autres îles australes), ils m’organisent un ravitaillement en vitamines du mieux qu’ils peuvent. Je repartirai avec des navets, des papayes, des bananes, des fruits à pain, du taro, etc. Certes, nous manquons toujours de fruits, mais tout cela nous permettra de varier les plaisirs pour quelques temps. Il faut dire, qu’après un an dans le Pacifique, Daphné est rendue très créative pour varier les menus et accommoder toutes sortes de légumes inhabituels. La richesse du platier viendra compléter ce que l’île peut fournir : En effet, les bénitiers font légion ici et, à marée basse, il suffit de se baisser pour les ramasser, sans même avoir à plonger comme nous l’avions fait à Moorea. En chaudrée, ou cru avec du citrons, ils sont délicieux, tant qu’on sait les préparer et enlever la portion caoutchouteuse et immangeable !
Les Photos
Raivavae présente un beau relief et un sommet duquel on peut admirer son magnifique lagon. Tout se mérite et, ici, loin des circuits touristiques classiques, les accès à ces randonnées sont rarement faciles. Ayant eu quelques indications de la part de Patrick et Irène, nous décidons de faire cette belle randonnée en compagnie de Rupert. Les filles grandissant, aucune de leurs chaussures ne sont encore à leur taille et elles partent en gougounes (tongs). Nous marchons tout d’abord sur la petite route qui fait le tour de l’île, quasi-déserte, à l’exception des quelques cochons qui sont attachés à l’ombre des pins qui bordent le lagon. Finalement, nous arrivons à la maison familiale de la famille d’Irène et son frère nous indique que nous pouvons partir d’ici. Les explications sont succinctes (ici, finalement peu de gens parlent Français), nous comprenons qu’il suffit de nous diriger vers le fond de leur terrain et tourner à droite au dernier cochon! C’est effectivement ce que nous faisons mais, nous tournerons, a priori, trop à droite. Il faut dire qu’il n’y a pas vraiment de sentier défini, juste une trace entre les arbres, branches, herbes et autres buissons. Rapidement, la marche devient de l’escalade, tout d’abord dans les branches, puis dans les roches de la falaise. Par moment, nous nous retrouvons dans de grandes d’étendues d’herbes hautes de plusieurs mètres dans lesquelles il faut nager la brasse pour arriver à se frayer un chemin. La dernière portion, pour arriver sur la crête de la falaise est vraiment de l’escalade. Les filles, chaussées de leurs sandales de plage seront bien courageuses d’arriver à vaincre ce dernier effort. Heureusement, nous sommes 3 adultes pour les encadrer car le dénivelé est à pic. Seules, quelques chèvres passent par ici et, d’ailleurs, nous dévisagent avec étonnement. Une fois sur la crête, le paysage est à couper le souffle, le vert foncé des forêts de sapins contrastant avec le bleu turquoise du lagon. Le contraste réside aussi dans la juxtaposition des motus de sable blanc avec le paysage de montagnes qui me font penser à ceux des Alpes en basse montagne. Nous pouvons profiter de cette vue pendant les 40 minutes de marche sur le haut de la falaise qui nous amène au sommet de l’île où nous prendrons notre lunch. Le retour sera beaucoup plus aisé car, en partant du sommet, dénudé, nous trouvons assez facilement le sentier qui redescend… jusqu’à la droite du dernier cochon, comme indiqué!
Les Photos
Retour au village et début du Heiva (4 au 9 Juillet 2018)
Le temps passe et l’hiver est de plus en plus présent sous la latitude de Raivavae. Les conditions de kite n’ayant pas été à la hauteur de nos espérances, nous devons penser à continuer notre route, vers les îles Tonga. Nous apprenons aussi que le Heiva ne commencera que le 14 Juillet, même si, avant cela, quelques concours prennent place, comme ceux des plus gros régimes de bananes ou du plus gros taro! Les baraques sont ouvertes et nous pouvons nous régaler, une dernière fois avant le départ, de sashimis de thon, poisson cru à la Tahitienne ou encore d’un bon gros steak grillé, avant presque 2 semaines de mer. Quelques barques d’artisanat ont aussi fait leur apparition. C’est étonnant à quel point l’artisanat est différent ici du reste des îles de la Polynésie française. Les Tikis, par exemple, sont vraiment d’un style différent. Nous aurons quand même la chance de voir la première compétition sportive du Heiva, celle du lancer de javelot. Les équipes de chaque village de l’île s’affrontent à ce sport d’adresse qui consiste à atteindre une coco perchée à 9 mètres de haut et 22 mètres du pas de tir. Autant dire que les javelots à terre sont plus nombreux que ceux qui restent plantés dans la coco! Ce jour-là, même les gendarmes sont en pagnes et participent à la compétition. Du coup, nous récupérerons notre document de sortie de la Polynésie sous l’essuie-glace du pick-up de la gendarmerie. Les formalités administratives version Polynésienne!
Les Photos
Pendant ces quelques jours passés dans les environs du village à attendre à tour de rôle une fenêtre météo puis notre clearance de sortie, nous ferons de belles balades sur les petites routes de l’île, ayant toujours l’impression de nous promener dans un jardin géant où l’herbe moelleuse sous les pins majestueux est remplacée par les orchidées, la vanille ou les fruits de la passion lorsque l’on s’éloigne du bord de l’eau. À l’occasion d’une de ces promenades, nous ferons encore une belle rencontre, celle de Tito, un jeune Polynésien qui rentrait des champs avec sa brouette et marchait dans la même direction que nous. Nous arrivons à bien discuter avec lui, malgré son français très rudimentaire et, de fil en aiguilles, il nous invite chez ses parents, à venir chercher des victuailles en prévision de notre départ. C’est comme cela que nous nous retrouverons invités comme des princes par ses parents, Napoléon et Hortense (!!) qui nous ferons un délicieux repas Polynésien de taro, bananes, poissons du lagon et bénitiers. C’est incroyable et tellement touchant comment ces gens nous accueillent comme si nous faisions partie de la famille. Nous repartons les sacs pleins de légumes et quelque peu émus de cette gentillesse et générosité naturelle qui anime ce peuple. Ici, la générosité naturelle de la nature a déteint sur ceux qui y habitent et partagent ce que la nature leur apporte. C’est sur ces belles attentions, les adieux d’Irène et Patrick sur le quai du village ou encore les images du Heiva que nous quittons, finalement la Polynésie française qui nous aura définitivement marqué. Heureusement, le voyage offre toujours des belles perspectives de découvertes et de rencontres, c’est ce qui me persuade de quitter ce paradis, bien réel qu’est la Polynésie française.
Magnifique récit et superbes photos !