Traversée Fiji-Nouvelle Calédonie (26 au 31 Août)
Pour nous rendre à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, nous avons un peu plus de 700 miles nautiques à parcourir qui se décomposent ainsi: Une vingtaine de miles séparent la marina de Vuda Point de la passe principale du lagon de Viti Levu, nous avons ensuite 625 miles de navigation océanique vers le Sud-Ouest pour atteindre la passe de la Havannah, située au Sud-Est de la Nouvelle Calédonie et finalement encore 45 miles à travers l’immense lagon calédonien pour atteindre Nouméa, située sur la côte Ouest de l’île. Nous quittons Fiji dans des conditions assez sportives: Le vent souffle entre 25 et 30 nœuds et surtout la houle est assez énorme, environ 4 à 5 mètres d’hauteur moyenne. Quelle idée de partir dans des conditions pareilles me direz-vous! Pourtant c’était un choix réfléchi et motivé par du mauvais temps qui est prévu sur la Nouvelle-Calédonie d’ici 6 jours, amenant son lot de vent d’Ouest, orages et fortes pluies. Le lagon de Fiji étant abrité derrière les hauts reliefs de Viti Levu, nous nous faisons quelque peu surprendre par le vent qui nous cueille juste avant la passe. De plus, la marée descendante ajoute un fort courant et c’est à plus de 9 nœuds que nous sortons du lagon, réduisant tour à tour le génois et la grand-voile, jusqu’à se débarrasser complètement du génois au profit de la trinquette 1 heure plus tard. Nous recevons alors un solide 30 nœuds de vent et une mer très formée qui déferle sur notre travers. Nous sommes bien heureux de pouvoir naviguer dérive remontée et laisser Korrigan glisser le long des monstres d’écumes, sans risque de « croche-pied » par la quille. Nous filons à 7.5 nœuds de moyenne jusqu’en milieu de nuit où le vent et la mer commencent à se calmer. Nous conservons notre rythme de quarts habituel: Je prends le début de la nuit jusqu’à minuit, Daphné veille jusqu’à 4 ou 5 heures et je reprends la relève jusqu’à ma sieste de fin de matinée. Les conditions se calment progressivement pendant la matinée et nous suivons le rythme d’Éole jusqu’à retrouver une voilure pleine à la mi-journée. Dans ces conditions rapides, nous attrapons en fin de matinée un beau Wahoo (thazard) qui est une prise assez rare pour notre petit poulpe rose que les thons préfèrent. C’est d’ailleurs ce que nous attraperons le lendemain matin, après une nuit plutôt calme. Entre ces deux beaux poissons, les provisions de légumes de Fiji et les talents de cuisinière de Daphné, y compris en mer, nous nous régalons midi et soir : Thazard grillé à la sauce aigre-douce et tarte à l’oignon, Terrine de bok choy, nuggets de thazard à la coco, sashimi de thon, etc. Le gros de la traversée se fait sur un rythme agréable, la navigation étant rapide (environ 150 miles nautiques par jour) et confortable. La température baisse tranquillement au fur et à mesure que nous descendons vers le Sud et le quatrième jour, le ciel devient très gris et pluvieux avec le mauvais temps qui arrive. Le vent tourne alors au Nord en faiblissant et nous réalisons à la mi-journée que nous n’arriverons pas à temps pour rentrer dans la passe de la Havannah avant la nuit. Nous temporisons donc en faisant des allers-retours à vitesse réduite à proximité de la passe, afin de la franchir vers 3 heures du matin, heure à laquelle la marée commence à monter. La visibilité est bonne et le balisage excellent. Le reste de la nuit et la matinée seront passés à contourner la pointe-Sud de la Grande-Terre et remonter le long de la côte vers Nouméa. C’est très amusant de suivre les différents feux et balises qui jalonnent notre route, selon leur couleur, leur nombre d’éclats, etc. Si le courant était quasi-nul dans la large passe, il s’intensifie et devient très fort lorsque nous contournons l’île principale et naviguons dans d’étroits chenaux entre celle-ci et de petites îles qui la bordent. Le vent reprend le long de la côte et nous pouvons continuer à la voile jusqu’à l’entrée de la baie très fermée au fond de laquelle se trouve Nouméa et Port-Moselle, la marina principale. En arrivant un samedi nous devrons patienter jusqu’au lundi matin pour faire les formalités d’entrée. Nous nous installons donc au mouillage à proximité, dans un environnement portuaire et industriel peu accueillant et surtout très contrastant avec celui de Fiji que nous venons de quitter.
Nouméa, réparations, logistique et mauvais temps (31 Août au 12 Septembre 2019)
Dès le lendemain de notre arrivée, de nombreux bateaux commencent à affluer vers notre mouillage, pourtant hors des limites autorisées. Nous avons rapidement une explication en discutant avec nos amis Jack et Monica du catamaran Aloha que nous avons croisé à plusieurs reprises depuis deux ans: La rade de Port-Moselle est le seul abri sûr lorsque le vent d’Ouest souffle et celui-ci doit souffler pendant la prochaine semaine. Nous voilà donc bloqués pour quelques temps dans cet endroit fort peu charmant, proche de la zone technique portuaire et de l’horrible usine de nickel qui distille un inquiétant panache rouge. Une fois à terre, le cadre est plus agréable: La marina de Port-Moselle est agréable avec en son centre une typique brasserie française « Le Bout du Monde ». Non moins français, le marché situé juste à côté avec sa buvette. Il y a aussi un petit marché artisanal très intéressant et différent de ce que nous avons vu jusqu’ici avec un goût très européen (pour ne pas me répéter et dire français). Le reste de Nouméa est à l’image de ce que je viens de décrire: Parachuté ici, on pourrait se croire en France: Si certains centres commerciaux du centre-ville, très bétonnés, rappelle les cités glauques de la région parisienne, la côte et ses jolies baies ressemblent à s’y méprendre à la côte d’Azur: Bord de mer jalonné de cocotiers, commerces, bars, restaurants et glaciers sur le front de mer que surplombent des petits immeubles arborant de grandes terrasses. C’est vraiment étonnant à quel point cette ville peut être Européenne. Rien ici ne rappelle le Pacifique, contrairement à Papeete, par exemple, qui n’a rien d’une ville française.
Nous mettrons à profit cette dizaine de jours pour faire de nombreuses courses car les escales de la prochaine année ne nous offriront aucunement le choix que nous avons ici, à Nouméa. Matériel scolaire, courses chez l’incontournable Décathlon, pièces de rechange et consommables pour le bateau, la liste est longue. Fort heureusement, les moyens de transport (il y a deux réseaux d’autobus) sont efficaces et très abordables. On peut se rendre dans la zone industrielle à partir du centre-ville en 15 minutes. Eléa reçoit son cadeau de Noël par anticipation grâce à Décathlon: Un skateboard, dont elle peut profiter pleinement ici… l’asphalte risque d’être rare dans les mois qui viennent! Les colis du CNED pour les filles arrivent au compte-goutte et sans quelques péripéties: Colis incomplets, délais inexplicables et nous réalisons que depuis quelques années, les élèves du collège commencent la deuxième langue vivante et le latin en 5ieme et non pas en 4ieme. Phoebé est en 4ieme cette année et a décidé de faire toutes les matières (pas uniquement maths, français et anglais comme les années précédentes) et se retrouvent avec des cours trop avancés. On refait une commande de cours de 5ieme pour le latin et l’espagnol. Au final, nous recevrons les derniers colis du CNED peu avant notre départ en Octobre! Quant à moi, je dois faire deux réparations importantes qui nécessitent l’intervention d’un soudeur: Changer un roulement sur la barre à roue et refaire le système de fixation du pilote automatique sur le secteur de barre. L’ingénieur anglais de chez Whitlock qui a conçu cette barre à roue a fait une belle erreur de conception: Il faut dessouder la biellette qui relie la colonne de barre au safran pour changer le roulement. Ce projet, bien commencé, finira en cauchemar car le soudeur, après multiples délais, ressoudera la biellette à l’envers. Je ne m’en apercevrai qu’une fois tout le remontage effectué (long et compliqué). Un autre soudeur, Joël, prend le relais car il a le malheur de traîner dans son atelier un samedi. Évidemment, à force d’être dessoudé et ressoudé, le tube finit par céder. Nous devons couper, trouver d’autres tubes, manchonner, etc. Bref, une galère sans nom qui nous laisse sans gouvernail pendant un bon moment. Heureusement, la capitainerie du port est compréhensive et nous permet de rester au mouillage. Ces mésaventures me feront passer pas mal de temps avec Joël dans son atelier avec qui je sympathise bien. Il nous rendra d’ailleurs bien service en nous prêtant à multiples reprises sa voiture pour que nous puissions faire notre gros approvisionnement de courses alimentaires. Côté réparation, je trouve finalement l’origine de la panne de notre radar: Câble endommagé en sortie du mât. Heureusement, un détaillant Garmin en a un en main et nous pourrons le changer avec Daphné, non sans multiples péripéties qui, encore une fois, rendront ce petit projet assez épique. Dernier écueil au bon fonctionnement du radar, la prise réseau de l’ordinateur de navigation est corrodée, tous comme les autres ports, après plus de 4 ans en milieu salin. Heureusement, nous avons deux ordinateurs identiques pour cet usage et je répare le deuxième dont la charnière de l’écran est cassée mais qui a moins souffert de la corrosion.
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Découverte du Sud de la Nouvelle-Calédonie
Si les travaux et courses occupent le plus clair de notre temps pendant ce début de séjour, nous nous offrons tout de même une petite escapade en louant une voiture afin de découvrir un peu l’intérieur du pays. Certes, nous n’aurons qu’un très bref aperçu de cette immense île de 500 kilomètres de long, mais c’est intéressant et surtout bien différent de Nouméa. En effet, autant Nouméa est très moderne et urbanisée, dès qu’on sort de son agglomération, on se retourne rapidement sur de petites routes sinueuses et au-delà, sur des chemins de terre où les passages à gué remplacent les ponts. Rapidement, le paysage devient bicolore : Rouge et vert. La terre, d’une couleur ocre éclatante, est à nue sur de grandes étendues, du fait de la déforestation et de l’exploitation minière intensive depuis 2 siècles, activités démarrées par les bagnards français au 19ième siècle. Ici et là, nous surplombons l’immense lagon, dont le bleu turquoise contraste magnifiquement avec les couleurs de la terre. Depuis quelques temps, la Nouvelle-Calédonie essaye de redresser son bilan écologique, rendu désastreux par l’exploitation du nickel : déforestation, ravinement, pollution de l’air, des sols et du lagon, faune décimée. La liste est longue. De nombreuses zones terrestres et maritimes ont été transformées en zone de conservation et reprennent de la vigueur. Pour notre part, nous l’avons surtout constaté sous l’eau où les zones protégées présentent une très grande richesse de poissons, souvent énormes, alors que le reste est surpêché et désertique. Mais revenons à terre où nous sommes aujourd’hui. Notre première halte est aux chutes de la Madeleine dont le site est très bien aménagé et où nous prenons plaisir à nous baigner dans l’eau claire et (très) fraîche de la rivière. Nous nous rendons ensuite dans le parc de la Rivière Bleue pour y découvrir la forêt noyée, résultat de la submersion de grandes zones forestières par le lac artificiel de Yaté, créé il y a maintenant plus de soixante ans pour alimenter une centrale hydroélectrique. Ces troncs imputrescibles sont toujours debout après plusieurs décennies et confèrent aux lieux une ambiance très particulière. De retour de cette petite escapade, nous aurons un bon travail de nettoyage à faire sur notre voiture de location, blanche et complètement neuve, qui revient couverte de poussière rouge jusque dans les moindres recoins. Au retour, nous empruntons le bord de mer qui longe les belles baies résidentielles de Nouméa où les coureurs, promeneurs et cyclistes affluent le soir. Nous restons encore quelques jours à Nouméa, le temps de faire quelques visites médicales et compléter nos achats afin qu’il ne nous reste plus qu’à faire les grosses courses de nourriture avant notre départ le mois prochain. Nous commençons à bien nous habituer au centre-ville de Nouméa et au confort qu’il nous offre avec ses délicieuses boulangeries-pâtisseries, son marché, sans oublier les douches chaudes de la marina. En effet, ici, en hiver, il fait plutôt frais et nous apprécions ce confort.
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Kite à l’îlot Maître et l’îlot Goéland (12 Septembre au 12 Octobre 2019)
Finies les tâches utilitaires et place au plaisir! Il est grand temps de quitter le port de Nouméa et de profiter de ce magnifique lagon calédonien. Ceci dit, pendant un mois, nous ne nous éloignerons guère car nous trouvons à quelques miles seulement de Nouméa tout ce que nous recherchons: Un excellent spot de kite pour toute la famille. Vue la taille du lagon et le nombre d’îlots qu’on y trouve, il y en a certainement d’autres qui seraient plaisants à explorer mais cela est plus compliqué qu’il n’y paraît. En effet, un phénomène local canalise et amplifie fortement les alizés le long de la côte dans les environs de Nouméa. Lorsque la météo ne prévoit qu’une quinzaine de nœuds d’Alizés du Sud-Est, il n’est pas rare, pas une journée claire, de voir le vent souffler à 25 nœuds sur cette côte à partir de la mi-journée. Conclusion, on est mieux de kiter dans ces conditions que de se battre à remonter contre le vent avec notre bateau qui tire des bords carrés! Nous élirons donc domicile à l’îlot Maître, situé à 4 miles nautiques seulement de Nouméa. L’endroit est parfait car le mouillage, sur de solides corps-morts gratuits installés par l’administration calédonienne pour préserver le corail, se situe du côté opposé au vent. Il est donc très calme. Sur ce même côté de l’île se trouve un bel hôtel et ses bungalows sur pilotis. Le spot de kite est situé de l’autre côté de l’île et on l’atteint en quelques minutes de marche seulement, l’île étant très étroite. Ce spot est idéal : La plage fait plus d’un demi-kilomètre de long et borde un immense lagon dont la profondeur, à marée haute ne dépasse pas 1.5 mètres et quelques décimètres à marée basse! Le plan d’eau est donc très plat, idéal pour les sauts et les figures. C’est aussi un endroit parfait pour l’apprentissage car on a pied partout, ce qui évite de dériver fortement à chaque gamelle. Certes, le spot est très peuplé pendant les week-ends avec tous les Nouméens qui viennent en profiter: On peut compter plus de 150 kites sur l’eau dans les grands jours! Cependant, l’endroit est vaste et cela reste gérable. Un aussi bon spot avec un mouillage calme, à moins d’une heure de tous les délices de Nouméa, cela ressemble au paradis pour les cruisers/kiteurs! Nous sommes d’ailleurs 4 bateaux à y avoir élu domicile, principalement des retraités Néo-Zélandais. Dans ces conditions, tout le monde s’amuse et bien et progresse beaucoup, en particulier Éléa! Nous pouvons poursuivre l’apprentissage commencé à Fiji. Ses premières leçons en Nouvelle-Calédonie se passeront sur l’îlot Goéland, situé quelques miles plus loin. Ce petit banc de sable désert (sauf le weekend) offre lui aussi un immense lagon, dans lequel nous pouvons circuler en annexe, y compris à marée basse. Nous pouvons ainsi remonter au vent sur 2 kilomètres avec Éléa et son kite qui descend ensuite en se faisant tirer par le kite dans l’eau. Après quelques séances, sa maîtrise est suffisante pour essayer avec la planche. Elle nous surprendra tous lorsque, après quelques essais seulement, elle monte sur la planche et tire un bord de 500 mètres, sans trop perdre au vent. Nous voilà à courir dans le lagon avec de l’eau à mi-cuisse pour essayer de la rejoindre avant qu’elle ne se fasse traîner sur la plage par son kite. Heureusement, d’autres kiteurs ont assisté à la scène et nous aident volontiers. Lors des essais suivants, Phoebé patrouillera en kite pour retenir sa sœur le temps que nous arrivions. Éléa continue de nous épater car ces succès rapides lui donnent de la confiance et rapidement, elle arrive à remettre son kite sur le côté, le relever et éventuellement repartir dans l’autre sens. La base est maîtrisée, il ne lui restera plus qu’à apprendre à remonter au vent pour que nous arrêtions de jouer au téléski!
Pendant ce mois, une agréable routine s’installe, remplie d’école, de kite, de musique et de backgammon, selon les goûts et les horaires des marées. Lorsque celle-ci est trop basse à l’îlot Maître, nous allons à l’îlot Goéland. Les rares interruptions de vent que nous aurons nous permettent d’aller faire quelques courses à Nouméa. On pourra s’offrir un véritable festin pour l’anniversaire de Phoebé: Foie gras, confit de canard, tiramisu. La grande vie! Malheureusement, la saison avance et nous devons penser à continuer notre route. Peu avant la mi-Octobre, la météo nous annonce une trêve dans les alizés et un peu de vent d’Ouest qui nous permettrait de rallier la mythique île des Pins située à l’extrême Est du lagon Calédonien.
Beau debut en Kite d’Elea. Quelle progression, J’ai hate de voir ses nouveaux exploits en kite (23-Aug-2020).
PS: les nouvelles sont rares. J’espere que la covid se passe bien.